Plus de 400 000 Québécois sont pris dans la spirale d’une grande vulnérabilité

Environ 425 000 Québécois seraient pris dans une spirale de grande vulnérabilité. Autrement dit, leur développement socio-économique est entravé par des revenus limités combinés à des compétences de base insuffisantes.


Publié à 10h05



C’est ce qui ressort d’une étude publiée par la Fondation pour l’alphabétisation et réalisée par l’économiste québécois Pierre Langlois.

Alors que le taux de pauvreté diminuait depuis 2015 au Canada, et plus encore au Québec, et que le profil éducatif global s’améliorait, depuis la pandémie de COVID-19 le nombre de personnes en situation de grande vulnérabilité a de nouveau augmenté. en hausse.

« Avec 6,13 % de sa population âgée de 15 ans et plus en situation de grande vulnérabilité et en tendance à la hausse, la spirale de la précarité va retenir prisonnier un nombre croissant de Québécois », écrit Pierre Langlois dans son étude.

«On le voit visuellement parce qu’on voit bien, dans nos quartiers respectifs, que le comptoir alimentaire est un peu plus fréquenté que par le passé», souligne M. Langlois en entrevue à La Presse Canadienne. On le voit aussi parce que, maintenant, il y a des gens qui installent des tentes dans certaines zones, donc on commence à avoir des symptômes visuels de cette crise de vulnérabilité. »

Les disparités sont particulièrement importantes à Montréal, où l’indice de grande précarité le plus élevé se trouve dans l’arrondissement plus modeste de Montréal-Nord avec 6,89 %, tandis que le plus bas correspond au secteur Ville-Marie-Île-. des-Sœurs-Sud-Ouest, qui affiche 3,99 %.

À l’échelle de la province, les municipalités de La Tuque et de Salaberry-de-Valleyfield partagent le triste record avec un indice de 7,37 %.

L’inflation galopante parmi les causes

L’économiste met notamment en cause l’inflation galopante, qui pèse sur les budgets des ménages depuis 2021. Or, l’indice de vulnérabilité élevée fonctionne sur la base d’un cercle vicieux composé de ses deux valeurs de référence : la sécurité des revenus. et l’alphabétisation. La logique est donc que « face à une situation de vie difficile, l’individu n’a pas les ressources financières pour entamer un processus de formation ou de perfectionnement et, ce faisant, il reste captif de la spirale », explique M. Langlois.

Et le problème n’est pas à prendre à la légère, car la question de l’alphabétisation, rappelle l’économiste, est trop souvent schématisée. «Les gens vont prendre le raccourci, à savoir que quelqu’un est analphabète ou non», souligne M. Langlois. Puis dans l’actualité, il y a des sites un peu sensationnalistes qui prétendront qu’un Québécois sur deux est analphabète ou analphabète fonctionnel. Mais c’est plus complexe que ça. »

PHOTO IVANOH DEMERS, LA PRESSE ARCHIVES

L’indice de vulnérabilité élevée fonctionne sur la base d’un cercle vicieux constitué par ses deux valeurs de référence : la sécurité du revenu et l’alphabétisation.

Les niveaux d’alphabétisation prennent en compte non seulement la capacité de lire et d’écrire, mais également la capacité de travailler à partir de textes et de données numériques. Il y a donc plus de personnes faiblement alphabétisées qu’on ne le pense. L’étude de Pierre Langlois révèle que 50,9 % des Québécois se situent sous le niveau 3 du PIAAC, le Programme international d’évaluation des compétences des adultes.

Concrètement, selon la grille du ministère de l’Éducation du Québec, cela signifie que ces personnes ne sont pas ou peu capables de « comprendre des textes denses ou longs et d’y réagir adéquatement, de comprendre les structures des textes et les processus rhétoriques, d’identifier, d’interpréter ». ou évaluer un ou plusieurs éléments d’information et faire des inférences appropriées ainsi que réaliser des opérations impliquant plusieurs étapes et choisir des données pertinentes parmi des informations concurrentes pour déterminer et formuler des réponses. »

À titre de comparaison, le Québec, avec ses 50,9 %, se situe sept points de pourcentage en dessous de l’Ontario en matière d’alphabétisation de niveau 3 du PIAAC. Mais l’Ontario lui-même est loin derrière les pays les mieux classés que sont le Japon, les Pays-Bas et la Finlande, où le pourcentage de la population sous le niveau 3 est inférieur à 40 %.

Un retard historique, mais une amélioration

M. Langlois nuance néanmoins le cas du Québec. Parce que les faibles taux d’alphabétisation se concentrent chez les aînés québécois, en raison d’un retard historique, souligne l’économiste. Il rappelle qu’en 1965, selon les statistiques fédérales de l’époque, un Québécois sur deux n’avait ni diplôme d’études primaires ni diplôme d’études secondaires. Heureusement, «le brassage générationnel permet d’espérer que les résultats s’améliorent au Québec», fait valoir M. Langlois.

Selon lui, seule une aide extérieure « structurante » peut briser le cercle vicieux de la grande vulnérabilité. Pour les ménages en situation de grande vulnérabilité qui ne peuvent obtenir un premier diplôme, M. Langlois suggère de former « une équipe de choc » liée au ministère de l’Emploi du Québec. Une telle équipe « fournirait à ces ménages vulnérables un plan d’intervention qui les soutiendrait financièrement et socialement » afin que ces personnes puissent prendre le temps d’améliorer leurs compétences de base et d’obtenir une requalification professionnelle qui les sortirait de l’impasse. .

Parmi les solutions possibles, il propose notamment de mettre en place un programme de soutien du revenu, un accès temporaire à un logement social ou abordable, des ressources en santé communautaire et en pédiatrie sociale ou encore un programme de perfectionnement des compétences. de base qui mènerait à un diplôme secondaire ou à une formation professionnelle améliorant l’employabilité et les attentes salariales.

Une des clés est aussi, selon lui, la lutte contre le décrochage scolaire. « Tout cela demeure effectivement une stratégie nationale québécoise, qui doit continuer à être bien financée », insiste Pierre Langlois. Il soutient qu’il faut maintenir les jeunes à l’école le plus longtemps possible, « notamment [les] les garçons ».

« À 16 ans, il y a une porte qui s’ouvre vers des études professionnelles et souvent, ce sont des garçons qui vont emprunter cette voie », explique-t-il. Et dès qu’on tombe dans les études professionnelles, l’alphabétisation, ça devient quelque chose d’absent. » Il soutient donc que la formation professionnelle au Québec pourrait certainement être améliorée.

« L’obtention d’un diplôme d’études secondaires n’est pas le seul facteur déterminant, mais c’est la première clé pour améliorer nos résultats », rappelle Pierre Langlois. Où nous avons un saut [dans les] les résultats en littératie dépendent de la fréquentation de l’université. »

Les chiffres recueillis pour son étude démontrent qu’une personne ayant fait des études secondaires au Québec, dans environ 66 % des cas, aura quand même des problèmes d’alphabétisation. «Mais quand on ajoute la fréquentation collégiale, on obtient des résultats d’environ 40%», explique M. Langlois.

Un pourcentage d’alphabétisation d’environ 40 % au niveau 3 ou plus place le Québec au même niveau que les meilleures nations du monde.

« Dans un monde parfait, si l’ensemble de la population québécoise avait au moins une certaine forme d’éducation collégiale, nous aurions probablement des résultats en littératie qui seraient semblables à ceux des meilleures nations du monde », conclut l’économiste.

 
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