La productivité du travail a chuté en France depuis le Covid : à quoi la faute… et qui paie ?

La productivité du travail a chuté en France depuis le Covid : à quoi la faute… et qui paie ?
La productivité du travail a chuté en France depuis le Covid : à quoi la faute… et qui paie ?

Atlantico : Selon vous, quels sont les principaux facteurs qui ont conduit à la baisse de la productivité du travail en France depuis le début de la pandémie de Covid-19 ? Dans quelle mesure le télétravail a-t-il contribué à cette baisse de productivité, et quels aspects spécifiques du télétravail ont le plus d’impact ?

Philippe Crevel : La baisse de la productivité du travail en France a commencé avant même la pandémie de Covid-19. Depuis, cette situation est devenue plus prononcée.

Plusieurs facteurs expliquent cette baisse, des facteurs plutôt cycliques et des facteurs plus structurels. Il existe des facteurs purement conjoncturels qui sont par exemple liés à l’augmentation du nombre d’apprentis et d’alternants en France, faible pendant des années et qui a fortement augmenté depuis le Covid-19. Nous sommes passés de 300 000 à environ un million de personnes en apprentissage ou en alternance. Ces personnes, dans cette situation, sont naturellement moins productives que les salariés actifs car elles sont en train d’apprendre. Cela réduit donc, mais pour la bonne cause, le taux de productivité.

Des facteurs conjoncturels observés avec la crise sanitaire sont par exemple le fait que les entreprises aient pu vouloir conserver leurs salariés malgré une baisse d’activité. Et cela est vrai pendant la crise du Covid, mais aussi depuis la guerre en Ukraine et le ralentissement de la croissance.

Malgré les difficultés économiques, les entreprises ont maintenu leurs effectifs alors qu’auparavant ils auraient été licenciés. Si vous avez moins de demandes et que vous maintenez vos effectifs, par définition, la productivité diminue. Or, pourquoi les entreprises ont-elles maintenu leurs effectifs ? Tout simplement par crainte de ne pas pouvoir recruter au moment de la reprise.

Et puis, les entreprises avaient bénéficié d’aides importantes de l’État. Ils ont, d’une certaine manière, réussi à maintenir leur nombre.

Par ailleurs, un autre facteur économique est lié à ce que j’énumère plus haut : les problèmes d’approvisionnement, au niveau du microprocesseur, en différentes matières premières. Et de facto, à un moment donné, on ne peut pas s’approvisionner, on a le personnel et on produit moins. Cela créera évidemment une baisse de productivité.

Les facteurs plus structurels et plus liés aux enjeux d’emploi sont, tout d’abord, que les difficultés de recrutement obligent les entreprises à embaucher des salariés moins bien formés qu’auparavant. Donc si vous ne trouvez pas la bonne personne, parce qu’au bout d’un moment, vous allez prendre une personne moins bien adaptée, mais qui est moins productive. Des taux de chômage plus faibles entraînent une baisse de la productivité.

Autre facteur qui entraîne une baisse de productivité et qui est difficile à mesurer : le développement du télétravail. Certaines études disent que cela améliore la productivité et d’autres études disent qu’au contraire cela dégrade la productivité. Il y a un doute sur l’impact, l’effet productivité de ce télétravail. Un autre phénomène à prendre en compte est le rapport au travail. Particulièrement depuis la crise sanitaire, un certain nombre de salariés refusent les travaux dits pénibles ou refusent les horaires décalés.

Les employeurs pourraient devoir doubler leurs postes. Si vous avez une équipe dans un restaurant qui travaillait déjeuner et dîner, désormais chacun voudra travailler le déjeuner, mais pas le soir, et vous serez obligé d’embaucher davantage, ce qui entraînera une baisse de votre productivité. Il y a clairement une moindre appétence pour le travail qui a été amplifiée par la crise sanitaire.

Quel est l’impact de cette baisse de productivité sur l’économie française et la croissance à court et long terme ?

Une baisse de productivité est un très mauvais indicateur et un très mauvais signal pour la croissance. La croissance signifie simplement travail, capital et productivité.

Et s’il y a moins de productivité, cela signifie que le potentiel de croissance du pays s’effondre et cela limite notre capacité de rebond économique dans les mois et les années à venir. S’il n’y a pas d’inversion de tendance, d’autant plus que nous avons une main d’œuvre limitée avec le vieillissement de la population, et si à l’inverse la main d’œuvre limitée est moins productive, cela signifie évidemment moins de croissance.

Cette baisse est quelque chose de handicapant pour l’économie et qui contribue également à la dégradation de la note française. En d’autres termes, en affirmant qu’il existe un potentiel de croissance dans le pays et en considérant ce que nous pouvons faire avec les ressources disponibles, la situation actuelle est clairement moins favorable. Cela inquiéterait les agences de notation, comme Stendhal-Hansen-Porsche, qui pourraient envisager de dégrader la note de la France.

Comment la baisse de productivité affecte-t-elle le financement et la viabilité du système de retraite en France ?

Une productivité moindre signifie une production moindre, ce qui entraîne une baisse de la croissance et une diminution des recettes publiques. Cela se traduit également par une baisse des revenus des régimes de retraite, affectant ainsi les indicateurs suivis par le conseil des organisations de retraite. La productivité est cruciale. Nous supposions une augmentation de la productivité de 0,8 à 1,2 % par an, et non une baisse de 2 à 3 % par an. Cette inversion remet évidemment en question les projections de retraites dans les années à venir et complique considérablement le retour à l’équilibre des régimes de retraite.

Selon vous, quelles mesures économiques ou politiques pourraient être mises en place pour améliorer la productivité du travail dans ce nouveau contexte post-Covid ?

Améliorer la productivité nécessite une augmentation de la valeur du travail et cela nécessite des employés, des travailleurs mieux formés et capables de produire plus, ou plutôt de produire plus de valeur. Cela ne signifie pas nécessairement travailler plus, mais produire plus de valeur, et cela passe évidemment par des formations, tant initiales que continues.

Il y a aussi un point à prendre en compte : notre économie. Une économie tertiaire, de plus en plus tournée vers les services domestiques, où les services domestiques sont des activités à très faible productivité. Par exemple, pour un restaurant, il est difficile d’augmenter significativement le nombre de couverts ou si vous êtes coiffeur, vous ne pouvez pas multiplier par 3 ou 4 le nombre de personnes que vous avez coiffées, et c’est la limite des services domestiques.

Les gains de productivité sont extrêmement difficiles à réaliser. Cependant, la France est de plus en plus une économie de services domestiques, comme la livraison, ce qui explique en partie notre faible productivité. Il est nécessaire de réorienter l’économie vers les secteurs à forte valeur ajoutée. Il s’agit, en plus de la formation que j’ai déjà évoquée, de passer par l’innovation et la recherche, afin de trouver des gains de productivité dans des secteurs plus porteurs et créateurs de richesse. Ces secteurs comprennent l’informatique, la technologie, l’information et la communication, mais aussi la santé, l’énergie et l’espace, tous très prometteurs. Une telle réorientation de l’économie, accompagnée d’un effort de formation, permettra de retrouver des gains de productivité, de la croissance et, par conséquent, des ressources pour financer la protection sociale.

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