La « fin de vie », un modèle de démocratie en santé

La « fin de vie », un modèle de démocratie en santé
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La démocratie dans l’organisation de la santé en France serait-elle un modèle ? C’est plutôt le sentiment inverse qui émerge, à la lecture des dysfonctionnements chroniques : technocratie excessive, « Archipélisation » services, multiplicité des agences dédiées, chevauchement des canaux de décision, culture en silos, rivalités statutaires… Une image frappe : sept ministres de la Santé en sept ans.

D’autre part, la santé peut-elle être considérée comme un objet de développement démocratique, la clé de voûte d’une co-construction entre acteurs du savoir (la science) et du pouvoir (le politique) à laquelle la société civile prendrait réellement part ? Jean-François Delfraissy en est convaincu. À l’aune de sa présidence du Comité consultatif national d’éthique (CCNE, depuis 2017) et de celle du Conseil scientifique dédié au Covid-19 (mars 2020 – juillet 2022), mais aussi lorsqu’il a mobilisé les minorités actives (ist) dans la lutte contre le Covid-19. le virus du SIDA, il en a expérimenté les vertus. Et le potentiel important, au bénéfice des enjeux de santé publique, également au bénéfice de ” tous “ démocratie.

La démocratie en matière de santé doit son origine à Bernard Kouchner, il y a une vingtaine d’années. « La définition anglo-saxonne de la participation sociale est explicite : mettre en avant l’opinion des citoyens dans la prise de décision politique », précise le professeur d’immunologie. Son fondement est clair : “La maladie n’appartient pas au médecin, mais au patient”. Le médecin doit soigner le patient « le meilleur possible » tout en respectant la souveraineté que ce dernier revendique sur son corps. Principe auquel fait écho l’actualité de la fin de vie : ” mon ” La mort m’appartient-elle ou est-elle la propriété du médecin et plus largement de la société qui décide ” Mon “ sort par la législation ?

Le principe de démocratie en santé prend la forme théorique d’un triangle. Aux deux coins de la base se trouvent des citoyens (qui donnent des avis) et des experts (médecins, professionnels de santé, chercheurs). Le sommet est occupé par ” LE “ la politique (exécutive et parlementaire) qui arbitre et décide. Un triangle qui se déforme pourtant à la vitesse qu’impose la puissance exponentielle des réseaux sociaux et le comportement de certains médias – comme l’a montré la crise du Covid-19. “D’un triangle on passe à un quadrilatère, moins stable”.

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Les enseignements de la Convention citoyenne pour le climat

La France est incontestablement pionnière dans la mise en œuvre opérationnelle de la démocratie en santé. Pour preuve, les états généraux sur la bioéthique (2018) ou la Convention citoyenne sur la fin de vie (2023). « Nous entendons de plus en plus de musique ennuyeuse sur les avantages importants du concept de démocratie en matière de santé ». Ce qui synchronise l’aspiration croissante des citoyens à participer aux enjeux sociétaux et la nécessité absolue d’une démocratie représentative pour consolider sa crédibilité. Et elle est promise à un « un avenir solide »proportionnée à l’ampleur des projets éthiques de santé suscités par l’évolution de la société et les bouleversements scientifiques et technologiques.

Mais un avenir solide est conditionné au respect des règles. Ceux-là mêmes qui ont été bafoués à la fin de la Convention citoyenne pour le climat. Un engagement a été pris par le chef de l’État que la quasi-totalité des recommandations seraient intégrées dans le projet de loi climat et résilience. Cela n’a pas été le cas, au risque de dévaloriser la méthodologie et de décourager les citoyens. Le débat sur la fin de la vie en a tiré des leçons. Cette fois, la promesse était mieux formulée, limitant d’emblée la menace de frustration. Les participants à la Convention ad hoc ont été informés que leurs travaux contribueraient de manière substantielle, mais non exclusive, au futur projet de loi.

« Le parcours a été tout à fait exemplaire. Dès septembre 2022, l’avis du CCNE nous invitait simultanément à favoriser l’accès aux soins palliatifs et à prendre le temps d’ouvrir un grand débat national sur l’évolution de la loi Claeys-Leonetti. Puis s’est tenue la Convention citoyenne, organisée par le CESE – avec des moyens considérables : 6 millions d’euros de budget. Écoute et respect permanents, reconnaissance des visions minoritaires, climat de la sérénité a dominé les débats. Cinq cents réunions publiques se sont tenues en France sous l’égide des « CCNE/Espaces régionaux de réflexion éthique »et qui a fait ressortir des sujets sensibles – qu’en est-il du sans-abrisme, des soins palliatifs à domicile, etc. ?

Au final, le texte du projet de loi – doubler d’ici dix ans les moyens alloués aux soins palliatifs, en offrant non pas un droit ou une liberté mais une possibilité (extrêmement réglementée) pour les patients de mettre fin à leurs jours – est moins audacieux que les recommandations majoritaires de la Convention, ouverte à l’euthanasie, aux patients souffrant de pathologies psychiatriques, ou encore aux mineurs. “Mais c’est respectueux d’une matrice d’ensemble qui, désormais, revient dans les débats parlementaires”. Lesquels, prévus à partir du 27 mai, devront se mettre à l’abri de la tentation, « inadapté dans ces circonstances »polarisation partisane.

Bien d’autres thématiques de santé pourraient se prêter à une consultation citoyenne, assure Jean-François Delfraissy – l’un des cinq contributeurs (avec Laurent Berger, Laurence Tubiana…) du programme novateur d’études démocratiques initié par l’ENS-PSL.

Innovations de rupture, nouvelles thérapies géniques, vaccinations, enjeux de santé publique, rôles respectifs du privé et du public dans les soins… soulèvent d’immenses questions éthiques. Parmi elles, la variation des innovations dont les coûts augmentent dans les mêmes proportions. Comment assurer l’égalité d’accès aux ordonnances facturées plusieurs dizaines de milliers d’euros ? Voulons-nous un régime aussi inégal qu’aux États-Unis ? Sommes-nous prêts à privilégier l’équité plutôt que l’égalité ? « Cela suffit à remettre en question la raison civique. Celle-ci est généralement réalisée à l’échelle nationale, mais elle peut être locale. Comme dans le cas d’un projet d’établissement hospitalier ». Ou comment adapter à la santé le principe des enquêtes d’utilité publique appliqué aux projets d’infrastructures (ligne LGV, aéroport…).

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Les limites de la « culture triangulaire »

D’autres enjeux de société pourraient s’inspirer du principe de démocratie en santé. « Même les plus sensibles, comme l’accueil des migrants. Mais bon, il faut avancer méthodiquement ». Méthode, c’est-à-dire progresser vers une « modélisation de concepts »ce qui implique de construire une gouvernance, y compris une gouvernance juridique. « Il faut se donner du temps, ne rien précipiter, pour que le sujet s’infuse dans la société et dans les organes de sa démocratie représentative ». Chaque initiative dicte « la tenue de réunions publiques et décentralisées », « informer régulièrement de l’avancement des travaux, assurer un feedback strictement honnête ». Transparence, pédagogie, persévérance et devoir de résultat. Bâclée, cette exigence méthodologique laisse présager des déceptions. Les doléances des Français enfouies à l’issue du grand débat national post-gilets jaunes ou l’action invisible du Conseil national pour la Refondation l’illustrent.

La culture de “Triangle” n’est pas sans limites – la pandémie de Covid-19 a montré les obstacles à son déploiement dans un contexte de crise aiguë – ni d’écueils – comme celui de réduire la voix populaire aux associations censées les représenter. Et cela impose une discipline : toute sollicitation citoyenne doit être « strictement considéré » comme un outil au service de la démocratie représentative et en aucun cas une agora de substitution. Une fois intégrées à la préparation des débats parlementaires, les recommandations citoyennes informent les élus puis consolident leur arbitrage – “ce qui relève exclusivement de leur responsabilité”. Exactement comme le Conseil scientifique Covid-19 agit envers l’exécutif et notamment l’Elysée au plus fort de la crise pandémique.

La démocratie est fatiguée, certains de ses aspects sont même épuisés, et cette désintégration ouvre la boîte de Pandore. « Le principe d’une démocratie saine est appelé à devenir universel car il oxygène toute la démocratie », vise Jean-François Delfraissy. A condition de ne pas le discréditer ou l’exploiter.

 
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