enquête sur les bugs à répétition chez les intermittents – .

enquête sur les bugs à répétition chez les intermittents – .
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Jacques* a vendu tout matériel d’accordéon pour joindre les deux bouts. En arrêt maladie depuis neuf mois suite à une importante opération à l’épaule en janvier 2022, cet artiste du spectacle s’est battu pour faire valoir ses droits auprès de la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de la Haute-Saône. Après six mois de convalescence, le musicien s’est vu refuser le paiement de ses indemnités journalières d’arrêt de travail. La raison ? “Vous ne remplissez pas les conditions pour avoir droit à cette prestation”, est-il écrit dans le courrier de la CPAM en date du 10 juin 2022.

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Une douche froide pour Jacques qui monte sur scène depuis 35 ans. La sécurité sociale lui reproche de ne pas avoir travaillé 150 heures durant les trois mois précédant son arrestation. “A cause de l’épidémie de Covid-19, des interdictions de danser sont entrées en vigueur fin 2021, il n’a pu faire qu’un seul rendez-vous à un bal du Nouvel An”, précise Amandine Thiriet, présidente des Mattermittentes, un collectif créé en 2009 pour défend les droits des intermittents du spectacle et qui accompagne l’accordéoniste dans ses démarches.

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Aucun revenu pendant neuf mois

Après s’être vu notifier le refus d’indemnisation de son arrêt de travail, Jacques perçoit néanmoins une aide de 300 euros. L’assistante sociale est également contactée pour étudier les possibilités d’octroi d’un supplément. Mais c’est loin d’être suffisant pour l’accordéoniste. « Pendant neuf mois, il n’a reçu aucune indemnité. Quand on est en arrêt maladie, on n’a pas le droit de travailler, ni de percevoir le RSA (revenu de solidarité active, ndlr). Si la Sécurité sociale refuse l’indemnisation de votre arrêt maladie ou de votre congé maternité, il n’y a rien d’autre comme filet de sécurité », précise Amandine Thiriet.

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Le 1er août 2022, Jacques conteste la décision de la CPAM devant la Commission de recours amiable (CRA) puis saisit, un mois plus tard, la médiation de la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam). Son dossier est réexaminé mais l’ARC rejette sa demande le 20 octobre 2022, stipulant qu’il n’a pas suffisamment travaillé sur 12 mois pour percevoir des indemnités journalières. Il aura fallu contester une nouvelle fois cette décision devant le Pôle social du tribunal judiciaire de Vesoul puis saisir le Défenseur des droits pour – enfin – obtenir gain de cause le 23 décembre 2022. Jacques aura attendu mars 2023 pour recevoir le plein de ses indemnités journalières : environ 11 400 euros.

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Des erreurs volontaires pour résorber le trou de la Sécu ?

L’histoire de Jacques n’est pas un cas isolé. « Rien qu’en 2021, nous avons suivi 700 cas et reçu 8 000 e-mails. Les choses se sont compliquées avec la crise sanitaire”, souligne la présidente des Mattermittentes, Amandine Thiriet. « Beaucoup de gens font confiance à l’administration, surtout ceux qui ne parlent pas bien le français. Mais il y a des dysfonctionnements majeurs », abonde Yann Gaudin, expert-conseil formateur auprès des usagers de Pôle emploi et lanceur d’alerte. Si une intermittente de l’émission qu’il suit ne lui avait pas fait part de ses doutes sur le montant de ses indemnités journalières d’arrêt maladie, elle aurait perdu près de 1.800 euros à cause d’une erreur de calcul.

“Elle a plusieurs casquettes car elle est aussi artiste-auteur et micro-entrepreneuse, ce qui complique le traitement de son dossier”, raconte à Capital la conseillère de Pôle emploi. La CPAM n’a versé à l’intermittent que 14,77 euros, “ce qui lui paraissait suspect”, explique-t-il. Yann Gaudin l’oriente alors vers la médiation régionale de la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM). “Deux semaines plus tard, ses indemnités journalières ont été recalculées et ont atteint le plafond, à 50,58 euros”, se réjouit le lanceur d’alerte.

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Même la Cour des comptes pointe, dans un rapport rendu public en mai, les erreurs de calcul des indemnités journalières des travailleurs aux carrières discontinues comme les intermittents du spectacle ou les journalistes indépendants. Celles-ci sont “souvent calculées par les caisses sur la base des revenus d’activité des trois mois précédant la date d’interruption de travail au lieu des douze mois prévus à l’article R. 323-4 du code de la sécurité sociale”.

Pour Amandine Thiriet, il n’y a quasiment aucun doute : ces erreurs de calcul sont le fruit d’une volonté politique. « La vérité, d’après ce que nous a dit un médiateur de la Cnam, c’est que les personnes du service de la réglementation qui traduisent la loi ont pour objectif de transposer le code de la sécurité sociale afin de générer des économies. Et cela se fait au détriment des assurés», tonne-t-elle. Car les agents de la CPAM ne sont pas des avocats expérimentés. Recrutés après au moins deux ans d’études supérieures – voire juste le bac pour les plus âgés – ces derniers s’appuient essentiellement sur des circulaires émises par la Cnam pour traiter les dossiers. Connus sous le nom de « fiches PEMAL », ces documents sont censés rendre intelligible la réglementation relative à l’indemnisation des arrêts de travail et aux congés de maternité et de paternité des assurés.

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Erreurs coûteuses dans le calcul des congés de maladie

Mais il y a un risque de contresens, prévient Véronique Marcenat, avocate au pôle protection sociale et solidarité au sein du bureau du Défenseur des droits qui considère que les fiches PEMAL “n’ont pas de réelle valeur normative”. Il s’agirait même d’une “loi infrat” qui “peut parfois conduire à modifier des textes ou des pratiques, et ainsi rendre plus difficile l’accès aux services”, souligne-t-elle. La fiche PEMAL 596 dédiée aux intermittents du spectacle suffit en effet à tromper les agents de la sécurité sociale. Pour avoir droit aux indemnités journalières d’arrêt de travail, le document explique que l’assuré doit avoir cotisé soit 9 timbres durant les 3 mois précédant l’arrêt de travail, soit 36 ​​timbres sur 12 mois. Mais les agents ont tendance à considérer la première possibilité comme la règle générale.

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Logiciel défectueux et pression de productivité

L’autre problème soulevé par le Bureau du Défenseur des droits et les Mattermittentes est la formation insuffisante des agents de la CPAM. « Quand je suis arrivé, c’était un peu comme l’âge de pierre avec du papier et un stylo. On a été très mal accompagnés », confirme à Capital Michel*, qui a rejoint le service des indemnités journalières de la Caisse de Montauban en 2020, au tout début de la pandémie. Si les entraînements se sont améliorés depuis, « ils ne durent pas plus de 10 à 15 jours », précise Michel.

Difficile, donc, d’être à la pointe de chaque évolution, aussi subtile soit-elle, du code de la sécurité sociale qui évolue chaque année, en fonction des budgets de la Sécu votés au Parlement. S’agissant des travailleurs aux carrières discontinues, « les pouvoirs publics ont essayé de tenir compte des particularités en adoptant des dispositions particulières. Mais ceux-ci viennent s’ajouter au millefeuille de textes préexistants. Et l’effet cumulatif peut à terme compliquer le traitement des demandes », commente Véronique Marcenat, avocate au cabinet du Défenseur des droits.

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Ajoutez cette complexité aux injonctions de productivité et c’est la catastrophe. « On nous donne un nombre incohérent de dossiers à traiter dans la journée selon le type de tâche à réaliser. Par exemple, je suis actuellement en charge du planning, et l’objectif est d’avoir un maximum de dossiers payés automatiquement. 70 par jour et par personne, précise Michel. Si vous voulez tout faire trop vite, vous générez inévitablement des erreurs.

Et c’est sans compter les dysfonctionnements techniques : « pour les indépendants, le versement des indemnités se fait via le logiciel ARPÈGE, confie Michel. Mais il fait beaucoup d’erreurs au hasard. Souvent, les indemnités sont doublées, voire triplées, ce qui nous place dans une position délicate pour réclamer des dommages industriels à l’assuré ». Ce logiciel est a priori destiné à être généralisé afin de traiter toutes les demandes d’indemnités d’arrêt de travail, que les assurés soient salariés en CDI, CDD ou indépendants et intermittents. “Mais il y a un risque de créer un énorme volume d’erreurs si les bugs ne sont pas résolus”, prévient Michel.

*Les noms ont été changés

 
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