l’essentiel
Le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz estime qu’avec Elon Musk, Jeff Bezos et Mark Zuckerberg, « les États-Unis […] devenir une oligarchie « de techno milliardaires ». Le premier a désormais un accès direct à la Maison Blanche. Quel rôle jouera-t-il auprès de Trump ? L’analyse de Françoise Coste, professeur d’études nord-américaines à l’université Toulouse Jean-Jaurès.
Quel rôle jouera Elon Musk auprès de Donald Trump, conseiller, modernisateur ou « président second » comme certains le présentent déjà ?
Tout le monde se pose la question. Pour l’instant, on dira « un rôle de premier plan » mais avant d’en parler, il faut d’abord souligner que personne au sein du Parti républicain ne l’a vu venir et encore moins à ce niveau de pouvoir. Il a succédé à Trump à la fin de la campagne et ne l’a plus lâché depuis. Ce qui est donc très surprenant, c’est qu’Elon Musk a très vite pris une place de choix au point d’éclipser le vice-président JD Vance et cette omniprésence fait effectivement qu’il est désormais « le vrai vice-président », « le co-président » ou le « président fantôme », qui déconcerte beaucoup de monde.
Quel est ce « Département de l’Efficacité du Gouvernement » que lui confie Donald Trump ?
En fait, ce n’est pas un ministère et l’un des problèmes est que personne ne connaît le statut de cette future entité. Un département ou une agence fédérale doit être créé par une loi adoptée par le Congrès. C’est l’œuvre du prince. Officiellement, on parle de « département » mais aujourd’hui, il n’a aucune existence légale, pas de bureaux, pas de budget, pas de périmètre défini. Réduire les dépenses fédérales ? Lesquels, comment ? Au bénéfice de qui ? C’est le flou le plus total, mais il existe toujours un État de droit aux États-Unis et personne ne peut créer une telle entité ex nihilo.
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Trump, Musk… Pour vous, qui est « l’idiot utile » de l’autre ?
Trump, à mon avis, parce qu’il a toujours été obsédé par l’argent et parce qu’il est flatté dans sa vanité par la présence à ses côtés de l’homme le plus riche du monde, par le potentiel pionnier qu’il incarne avec son rêve de Mars. Musk ne se soucie pas de la flatterie, il veut le pouvoir.
Cela pose la question du conflit d’intérêts entre ses propres ambitions spatiales et celles des États-Unis par exemple…
-Le problème est déjà là. Musk est déjà indispensable à l’armée américaine, notamment pour les satellites. Même si Kamala Harris avait gagné, Musk aurait été une menace. S’il décide de ne plus fournir de données ni de satellites au Pentagone, la sécurité américaine en sera affectée et cela est très préoccupant.
Selon vous, quelle influence a-t-il réellement sur Trump ?
C’est une très bonne question car il n’a pas d’avenir politique : il n’est pas né aux États-Unis, il est naturalisé, donc il ne pourra jamais être président. Est-il là pour tuer la NASA, son principal concurrent spatial ? Peut être. Est-ce purement économique, de favoriser ses industries ? A-t-il avant tout une vision politique et idéologique pour imposer ses idées économiquement ultralibérales mais aussi liberticides et conservatrices ? Il faut se poser la question…
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Cela peut-il aussi menacer les ambitions de l’entourage de Trump ?
À 40 ans, Vance se considérait comme l’avenir du Parti républicain. Et Musk l’a rendu invisible. Alors oui, cela pourrait donner naissance à une aile anti-Musc au sein du parti. Compte tenu du délabrement des démocrates, l’espoir d’une démocratie résiderait dans le fait que les républicains et les techno-oligarques ne s’entendent pas.
Le 15 janvier, l’organisme américain de surveillance des marchés boursiers a ouvert une procédure contre Elon Musk pour le rachat de Twitter en 2022. Cela aura-t-il un impact ?
Non, car la nouvelle ministre de la Justice, Pam Bondi, pourra facilement stopper ces poursuites. Mais si Trump estime qu’il lui fait trop d’ombre, il aura les moyens d’ordonner au ministère de la Justice de partir à la « chasse au musc ».