Le Consumer Electronics Show (CES) se tient à Las Vegas du 7 au 10 janvier 2025. Que faut-il attendre de cette 57ème édition qui réunira toute l’élite de la tech mondiale ? Matthieu Deboeuf-Rouchen, responsable du centre d’excellence Innovation de Capgemini et auteur de Guide de survie du Consumer Electronics Show : Comment organiser, vivre et optimiser votre visite au plus grand salon Tech au monde ! connaît bien le CES. Il l’a déjà couvert dix fois et y accompagne désormais des entreprises. 20 minutes l’a interrogé sur l’évolution de ce rendez-vous incontournable de l’innovation.
Le CES de Las Vegas reste-t-il une vitrine pour les constructeurs ?
Au fil de ses cinquante-sept éditions, ce salon a évolué, mais reste une caisse de résonance. Historiquement, cette réunion concernait les cassettes, les magnétoscopes, les DVD et les baladeurs. Mais depuis 15 ans, la réalité du CES est d’avoir pu ouvrir avec Eureka Park une zone dédiée aux démarrer. C’est sans doute ce qui l’a sauvé : développer le lien entre le matériel et le logicielintégrer les briques technologiques, la connectivité et l’intelligence dans un objet physique.
La French Tech y est-elle encore très active ?
Oui. Entre 130 et 150 start-up françaises que nous accompagnons devraient être présentes à Las Vegas cette année. Nous veillons à ce qu’ils soient conditionnés avec des objectifs extrêmement définis, dans des conditions optimales face à la concurrence mondiale. Ils sont formés, clairs dans leur message, mais jouent aujourd’hui dans une nouvelle catégorie. La vision un peu « gadget high-tech » d’hier a été supplantée par l’intelligence économique d’aujourd’hui, même si le côté euphorique du CES demeure.
Face à des success stories comme celles de Withings ou de Netatmo, certaines start-up ayant participé au CES ont également échoué…
Parfois, au CES, la « sauce » ne marche pas… ou la « sauce » est vendue ! Toutes les start-up n’ont pas vocation à devenir des entreprises, mais peuvent être vendues, voire fusionnées. C’est l’essence même de ces jeunes pousses.
On découvre également sur leur stand des projets qui ne verront peut-être jamais le jour. On attend toujours le CES pour découvrir des « produits », et il est plus difficile d’imaginer une brique techno qui sera ensuite déployée dans des équipements finalisés… que l’on verra peut-être davantage, au salon IFA de Berlin !
Quelles seront les grandes tendances du CES 2025 ?
C’est évidemment du côté de l’IA que l’accent sera mis, mais aussi sur l’IA à travers la santé numérique, et comment cette intelligence va impacter le monde, l’individu et la planète dans une société de plus en plus sociétale. plus connecté.
La santé, véritable filtre de cette émission, sera très orientée vers les maladies chroniques en se répandant dans l’environnement de la maison connectée, comme avec des cailloux à placer dans nos toilettes pour réaliser des analyses d’urine. À la base de tout cela se trouve la convergence de l’IA et d’autres technologies pour nous aider à vivre mieux et plus longtemps.
Au-delà, l’IA se développera dans nos intérieurs, nos maisons intelligentesavec des équipements intelligents, mais aussi une dimension de plus en plus forte de l’individu et de son environnement.
Vous faites partie du jury des CES Awards, qu’avez-vous déjà repéré pour le grand public ?
Il y a beaucoup de nouveautés ou de projets passionnants, comme le Powerfoyle, un matériau que nous découpons, qui génère de l’énergie et qui peut être intégré dans un casque de vélo pour fournir un éclairage LED sans batterie. Également, les skis de randonnée à assistance électrique E-Skimo pour faciliter les déplacements dans les zones à forte pente. Ou encore Inverse 3, une sorte de souris 3D à retour haptique, qui peut s’avérer très pratique pour s’entraîner à distance. Il existe également le vélo Pocket Rocket avec son allure de fusée qui fait écho aux besoins de mobilité durable. Ou l’exosquelette ultra-mobile de WIRobotic.
Et je ne peux m’empêcher de parler du Ropet, une sorte de petit robot à poser sur une table de chevet, un assistant IA en forme de boule de poils, avec lequel on va interagir.
Alexa, OK Google, SIRI, c’est déjà du passé ?
Non, il ne faut pas sous-estimer ce qu’on appelleEffet pomme: ou comment une grande entreprise en retard peut, en six mois, reprendre la main grâce à sa formidable capacité industrielle. C’est la force exceptionnelle de tous les géants !
Peut-on « survivre » au CES quand on est exposant ou visiteur ?
Oui, mais avec beaucoup de difficulté ! Ce salon reste extrêmement pertinent pour exposer, annoncer et chercher une caisse de résonance ultra intéressante, alors que jusqu’après les fêtes de fin d’année, l’industrie traverse une période d’arrêt.
Pour nous Européens, la réalité est qu’il y a 9 heures de décalage horaire entre la France et Las Vegas, quand on additionne les rendez-vous et les rendez-vous. Sur place, les taxis disent qu’on est sympa en tech, mais qu’on travaille tout le temps et qu’on ne s’amuse pas assez ! Pour nous, le CES est une bulle de confinement. Nous nous reposons de minuit à 3h00 et le reste du temps, nous vivons dans le salon.
On subit donc le CES si on ne s’y est pas préparé. Il est impératif d’avoir créé les conditions pour que 80 % du programme soit établi à l’avance, mêlant rencontres et visites. Les 20 % restants doivent être consacrés à la découverte…
La technologie sauvera-t-elle le monde ?
Ce qui me semble important, c’est de considérer la techno comme un moyen au service de la condition humaine, au sens large. Nous ne résoudrons pas les problèmes sans recourir à la science et à l’ingénierie. Ces rapports sont nécessaires pour esquisser les solutions de demain.
Alors non, le petit robot Ropet ne changera pas le monde, mais il y a peut-être des technologies à l’intérieur à intégrer dans d’autres écosystèmes. Le CES est nécessaire pour créer des passerelles, avec une vision à 360°, pour savoir ce qu’on va en faire.