A tout juste 23 ans, Violette Dorange participe à son premier Vendée Globe et a battu le record de précocité sur la mythique course autour du monde. Au micro de RMC Sport, la skipper du bateau Devenir a évoqué le passage à 2025 loin des siens mais avec la fierté de poursuivre seule son rêve.
Violette, déjà, comment vas-tu et comment va ton bateau ?
Je vais plutôt bien. Physiquement et moralement, je suis toujours heureux sur mon bateau. Et le bateau se porte plutôt bien. En fait ces derniers jours j’ai eu un peu moins de vent ce qui m’a permis de faire toutes les réparations. Donc là j’ai encore 100% du potentiel du bateau donc tout va bien.
Pour que nous puissions voir, où es-tu exactement ? Et quelles sont les conditions de navigation ?
Me voilà au milieu de l’océan Pacifique. Dans pas très longtemps, un jour ou deux, je dépasserai Point Nemo. C’est le point le plus éloigné de toute civilisation. C’est à dire que nous serons plus éloignés de la civilisation que les astronautes qui se trouvent dans l’ISS (la station spatiale internationale). Donc ça va vraiment être assez spécial. Et donc dans l’océan Pacifique, nous avons de la chance car nous avons des conditions super agréables, avec très peu de mer. Et du vent mais ça va vite car il y a très peu de vagues. Et autour de moi je vois de temps en temps quelques concurrents et j’ai plein de petits oiseaux qui me suivent depuis le début des mers du Sud.
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C’est votre premier Vendée Globe, vous êtes-vous dit à un moment donné : « mais qu’est-ce que je fais ici » ?
Il y a parfois des moments difficiles comme dans l’Océan Indien. Il y avait des moments où j’étais moi-même épuisé et effrayé. Mais à aucun moment je n’ai remis en question la réalisation de cette course. Je savais en partant que j’allais rencontrer des phases difficiles et à aucun moment je ne me suis dit « mais qu’est-ce que je fais ici ? Dans ces moments où ça ne va pas et où c’est difficile, je me dis que dans quelques jours ça ira mieux et c’est tout. Mais en tout cas, je n’ai aucun doute.
N’était-ce pas trop dur de passer les vacances de Noël loin de la famille ?
C’est la première fois que je vis Noël et je vais vivre le Nouvel An tout seul en mer. Mais d’un autre côté je ne suis pas du tout triste parce que je reçois beaucoup d’amour, beaucoup d’attention. Pour Noël j’ai reçu plein de messages, de chants que ma famille avait préparés. Ou encore dans mon bateau j’avais des cadeaux cachés pour ne pas me sentir seul. Et puis je sais que c’est incroyable d’être ici, je me dis que c’est fou d’être sur ce Vendée Globe donc je suis vraiment content d’être là où je suis en tout cas.
Demain c’est le Nouvel An, y a-t-il quelque chose de prévu en particulier ?
Je pense qu’il va y avoir quelques petites touches, en fait. Je ne les ai pas encore découverts car chaque jour j’ouvre un sac de nourriture, c’est un sac quotidien, et je pense que mardi il y aura peut-être un petit mot caché dedans ou une petite enveloppe que ma mère m’a préparé. Ou quelque chose comme ça. Donc j’ai vraiment des petites retouches mais presque toutes les semaines ou toutes les deux semaines. Donc je pense que pour le Nouvel An, j’en aurai.
“Nous allons faire une belle fête à mon retour.”
À 23 ans, généralement le soir du Nouvel An, nous le faisons avec nos amis et nos proches. Vous serez en mer. Envisagez-vous d’appeler vos amis ?
Oui, nous l’avions prévu. Et puis je pense qu’on va se rattraper au retour, on va faire une belle fête à mon retour. C’est pour ça que je n’ai pas du tout l’impression de manquer quelque chose. Je ne suis pas du tout frustré de toute façon.
Avez-vous encore la notion du temps ?
Je pense que je suis un peu perdu car je n’ai réalisé que dimanche que c’était le réveillon du Nouvel An. En effet, les journées à bord passent finalement assez vite. Chaque soir, je me dis : “Oh mon Dieu, c’était un autre jour”. Donc je pense que je perds un peu la notion du temps.
Est-ce si spécial pour un marin de passer le Nouvel An seul sur son bateau au milieu de l’océan ?
En fait je me suis souvenu que le 1er janvier 2024, le lendemain et vraiment dès mon réveil, je me suis dit que cette année c’était l’année du Vendée Globe. C’est un projet que je prépare depuis quatre ans. C’est un rêve, c’est vraiment quelque chose qui a pris beaucoup de place dans ma vie. Et alors, me dire que je suis ici au milieu de l’océan, que la course se passe bien pour le moment, que j’ai réussi à progresser durant ces cinquante jours… Je suis juste trop heureuse et trop fière de Moi. C’est pour ça que c’est exceptionnel. Et je me dis que c’est un petit événement supplémentaire sur mon parcours car tout au long du parcours il y a le passage de caps, le passage de points un peu mythiques comme le Point Nemo, le point le plus éloigné de la civilisation. Mais il y a aussi le fait de dire que je suis arrivé jusqu’ici et c’est trop cool.
Pour votre menu du Nouvel An, y a-t-il un plat que vous aimeriez particulièrement ?
Je pense que c’est quelque chose de spécial qui a été préparé pour le réveillon du Nouvel An, mais je n’en ai aucune idée. Je ne sais pas du tout ce que c’est, ce sera une surprise. Quelque chose de simple, je dirais. Quelque chose comme des pâtes… oui des pâtes. Quelque chose de simple, des pâtes bolo ou quelque chose comme ça.
Et aimeriez-vous attirer l’attention de personnes en particulier ?
Je pense quelque chose à mes proches, à ma famille. Un petit mot… et je pense déjà que ce mardi je vais les appeler. En fait, ce qui va être assez drôle, c’est que je serai retardé de neuf heures. Ils seront donc déjà en 2025 depuis neuf heures donc je les appellerai dans la matinée.
On voit que vous êtes très présent sur les réseaux sociaux, est-ce important pour vous de partager cette aventure ?
Oui, oui, c’est important. En fait, je n’ai pas de réseaux sociaux en mer parce que j’ai très peu de connexion et puis parce que j’aime être coupé du monde dans ma bulle. Mais j’envoie toutes mes vidéos et mon équipe les met en ligne sur les réseaux sociaux. Et c’est super important pour moi de partager cette aventure. Nous sommes un peu comme des cobayes humains, partant affronter des mers très peu fréquentées et très peu naviguées. Et voilà, je pense que c’est une expérience tellement folle qu’il faut la partager et essayer d’expliquer ce qu’on vit. Et cela fera en tout cas de très beaux souvenirs.
Ce Vendée Globe est-il un rêve d’enfant devenu réalité ?
Oui, je pense que c’est un rêve qui devient réalité. Chaque jour je me dis que c’est incroyable, je suis dans le Vendée Globe. Chaque jour, je m’y accroche et chaque jour aussi, je regarde la carte pour voir tout l’itinéraire que j’ai parcouru. C’est juste fou et ça me rend heureux chaque jour. Même si c’est parfois dur, je suis tellement heureuse d’avoir réussi tout ça.
Vous êtes le benjamin de ce Vendée Globe, vous rendez-vous compte de toute l’attention qui vous entoure ?
Je sais qu’il y a eu un grand engouement, mon équipe m’a un peu parlé des chiffres des réseaux sociaux qui ont énormément augmenté et donc je sais qu’il y a eu un grand engouement. C’est un immense plaisir car l’objectif du projet est aussi de pouvoir motiver des jeunes de mon âge à partir à l’aventure, à relever des défis et à monter des projets.
Et c’est pour ça que mon bateau s’appelle Devenir. L’idée est de dire qu’on peut se construire, qu’on peut rêver, monter nos projets. Et l’essentiel reste encore d’être bien accompagné et de trouver des personnes de confiance. Et cela vient du fait de trouver des personnes en qui vous avez confiance. C’est aussi pour des gens comme des chefs d’entreprise qui peuvent aider, ils peuvent se dire que les jeunes sont capables de faire des choses, qu’ils sont pleins de qualités, donc il faut les soutenir et les accompagner.
Propos recueillis par Léna Marjak