Mayotte s’est réveillée mercredi 18 décembre, après une première nuit sous couvre-feu, mis en place pour assurer la sécurité et éviter les pillages. Mais cette mesure est encore jugée insuffisante par certains acteurs locaux, cinq jours après le passage du cyclone Chido qui a ravagé l’archipel.
La députée Estelle Youssuffa, membre du groupe Liot, a réclamé lundi sur RTL « état d’urgence au plus vite, afin de déployer l’armée ». L’élu mahorais, qui a parlé de pillage et de racket, estime que l’arrivée des forces militaires est nécessaire pour « empêcher l’île de sombrer dans l’insurrection et le chaos ». Des magasins et des habitations privées ont été pris pour cible, poursuit-elle, afin de voler les tôles et de reconstruire les bâtiments. « des bidonvilles dévastés »devenir « cimetières à ciel ouvert ».
Le cyclone a laissé un paysage de désolation à Mayotte, ajoutant à la confusion dans un territoire déjà ravagé par des violences chroniques. Ces derniers mois, certains acteurs locaux militent déjà pour l’instauration de l’état d’urgence afin de lutter contre les violences qui ruinent le quotidien des habitants. Instauré en 1955, ce dispositif exceptionnel a été décrété à sept reprises en Conseil des ministres. La dernière fois, c’était en Nouvelle-Calédonie, au printemps, après des émeutes qui ont causé la mort d’un gendarme.
Cependant, et contrairement à l’idée parfois admise, ce régime ne permet pas de libérer des moyens humains ou matériels, ni de déclencher l’envoi de troupes. « L’état d’urgence, lorsqu’il est activé, donne simplement des pouvoirs supplémentaires en matière de sécurité publique aux autorités et à l’administration »résume l’avocat Nicolas Hervieu à franceinfo. Cette mesure permet par exemple de déclencher des assignations à résidence, des perquisitions administratives ou encore des interdictions de circuler à des fins de atteinte à l’ordre public. “Ce n’est pas une baguette magique.”résume le spécialiste du droit public.
« Il est possible de déclencher un état d’urgence suite à une catastrophe naturelle ou climatique. Mais à condition qu’il y ait des troubles à l’ordre public, et que cette mesure puisse y répondre. »
Nicolas Hervieu, public law lawyersur franceinfo
Un couvre-feu a été instauré entre 22 heures et 4 heures du matin. et les pouvoirs du préfet ont été renforcés, dans le cadre de l’article 27 de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur (LOPMI). Mais comme Estelle Youssouffa, la présidente du conseil départemental de Mayotte, Ben Issa Ousseni, a demandé “le déclenchement rapide de l’état d’urgence”, dans une lettre adressée mercredi au Premier ministre, François Bayrou. « L’état de désolation observé sur l’ensemble de notre île fait craindre une montée de la violence et de l’insécurité, aggravées par le manque de nourriture, d’eau potable et de solutions d’hébergement temporaire pour une population déjà vulnérable. “argumente-t-il.
“C’est un grand nonreplies Nicolas Hervieu. Nous ne déclenchons pas l’état d’urgence pour prévenir d’éventuels troubles à l’ordre public.»mais seulement lorsqu’ils se produisent. Ces demandes préventives, selon lui, alimentent « une banalisation de régimes d’exception présentés comme une sorte de solution magique et politique à tous les problèmes ».
Il y a quelques mois, Senator Saïd Omar Oili (RDPI) avait déjà exprimé son opposition à l’éventuelle instauration de l’état d’urgence. Il n’a pas changé d’avis, malgré l’ampleur du désastre. “Je pense que nous devons être très prudents dans les termes que nous utilisons, afin que cela ne devienne pas un piège contre nous-mêmes.»explique à franceinfo le sénateur, de retour lundi après-midi à Petite-Terre. Il décrit un paysage lunaire. « Il n’y a que des tas d’ordures et des tôles partout. Les rues, là où elles existent encore, sont jonchées de déchets.»
« Vous me parlez d’état d’urgence, mais pour moi l’urgence, c’est avant tout donner aux gens de la nourriture, de l’eau et de l’électricité. »
Saïd Omar Oili, senator from Mayotte (RDPI)sur franceinfo
Depuis samedi, les gens n’ont ni eau ni nourriture. Certaines personnes, qui avaient pris des précautions à l’avance, avaient acheté de la nourriture et l’avaient mise au congélateur. Il n’y a pas d’électricité, ils ont dû tout jeter. » Le sénateur ne cache d’ailleurs plus son agacement face à ce débat récurrent sur l’état d’urgence. « Arrêtez de me parler d’état d’urgence. Mon état d’urgence est de donner à manger aux gens.
Tout dépendra donc de la situation sécuritaire observée dans les jours et semaines à venir. A ce stade, « nous avons constaté quelques vols, mais pas de scènes de pillages violents »a déclaré lundi sur franceinfo la porte-parole de la gendarmerie nationale, Marie-Laure Pezant. Celui-ci précisait que le risque de pillage était « identifié » et que du personnel arrivait de La Réunion et de France, afin de renforcer les 800 personnels déjà sur place. « L’état d’urgence, qui ouvre des dispositions particulières en matière d’assignation à résidence, de visites à domicile ou de création d’un périmètre de protection, ne semble pas adapté en l’état »a souligné mardi le ministère de l’Intérieur. Sans exclure cela « une réserve si la situation venait à se détériorer ».