À Mayotte, pourquoi est-il si difficile d’établir un bilan humain précis du passage du cyclone Chido ?

À Mayotte, pourquoi est-il si difficile d’établir un bilan humain précis du passage du cyclone Chido ?
À Mayotte, pourquoi est-il si difficile d’établir un bilan humain précis du passage du cyclone Chido ?

Un immense défi, dans un département où tout est à reconstruire. Après le passage dévastateur du cyclone Chido sur Mayotte samedi, les autorités ont beaucoup de mal à compter le nombre de morts et de blessés qu’il a laissé sur place. Dans le dernier bilan provisoire publié mardi 17 décembre à midi, le ministère de l’Intérieur a fait état de 22 morts à l’hôpital, précisant que ce bilan restait « très difficile à consolider ». Le même jour, devant les députés, le Premier ministre, François Bayrou, s’est montré à peine plus précis, évoquant “une vingtaine de morts, 200 blessés graves”, « 1 500 blessés dans une relative urgence » et un bilan “pas encore établi”.

Dès les premières heures qui ont suivi la catastrophe, les autorités ont alerté. « Il y en aura certainement plusieurs centaines [de morts]peut-être en approcherons-nous un millier, voire quelques milliers »a expliqué le préfet du département, François-Xavier Bieuville, dimanche à Mayotte la 1ère. Face à l’ampleur de la tâche, les autorités ont ordonné “la mise en place d’une mission de recherche des morts” parmi les communautés vivant dans ce département, le plus pauvre de . Pourquoi les autorités rencontrent-elles tant de difficultés pour établir une évaluation précise ? Franceinfo fait le point.

Des dégâts matériels considérables ralentissent les secours

Les destructions rendent difficile le travail d’urgence et donc l’accès aux victimes. Le cyclone a dévasté l’archipel, où un grand nombre d’habitations sont fragiles, voire très précaires. Selon les dernières données réalisées par l’INSEE, qui datent de 2017, quatre logements sur dix à Mayotte sont en tôle, en terre ou en bois. Le plus souvent, précise l’institut des statistiques, ces logements précaires sont occupés par des étrangers : 65 % d’entre eux vivent dans une maison en tôle, contre 25 % des Français originaires de l’archipel. « C’est du bois, de la tôle sur des collines d’argile. Vous imaginez le vent qui s’engouffre et la pluie créant des coulées de boue. »raconte à l’AFP le directeur des urgences et des opérations de la Croix-Rouge française, Florent Vallée. Des matériaux rudimentaires qui, pour la plupart, n’ont pas résisté aux rafales de plus de 230 km/h enregistrées sur l’archipel. Même les maisons solides ont vu leurs toits arrachés et leurs fenêtres explosées, selon les témoignages des habitants.

Les infrastructures ont également été gravement endommagées. La tour de contrôle de l’aéroport de Pamandzi a subi d’importants dégâts et les liaisons maritimes ont été coupées. LL’hôpital de Mamoudzou n’a pas été épargné. Lors du passage du cyclone, sur des images filmées à l’intérieur de l’établissement, on peut voir le sol submergé et les soignants tentant de nettoyer, les pieds dans l’eau. LLes centres médicaux ont également été “inopérant”Lundi, selon la ministre de la Santé démissionnaire, Geneviève Darrieussecq.

Les dégâts sont également très importants sur les grands axes routiers, même si « environ 80 % du réseau routier est à nouveau accessible »a assuré François Bayrou devant les députés mardi. « Nous sommes encore dans une phase complète de reconnaissance pour dégager les voies d’accès pour aller dans les endroits les plus isolés et comprendre l’impact et les conséquences de ce cyclone »explique sur France Bleu Jérôme Giron, président de l’ONG Pompiers Humanitaires français (PHF). Mardi, le courant était toujours en train d’être rétabli avec le “redémarrage” de « 50 % du réseau électrique »a tenté de rassurer le Premier ministre. L’eau non potable est à nouveau accessible et 50% de l’eau potable “sera restauré dans les 48 heures et 95% dans les sept jours”a précisé la mise à jour quotidienne du gouvernement. Au total, 95 % du réseau de téléphonie mobile restait indisponible mardi, selon Mayotte La 1ère.

La population réelle est difficile à estimer et parfois à atteindre

Mardi, le ministère de l’Intérieur a annoncé que 70 % des habitants de Mayotte avaient été « sérieusement touché » par le Cyclone Chido, sans pouvoir préciser dans quelle mesure. Le bilan “réel” du cyclone ne sera pas “Jamais” connu des autorités, déplore Estelle Youssuffa, députée Liot de la première circonscription de Mayotte, «puisqu’il s’agit d’une population en situation irrégulière et clandestine»qui n’est pas déclaré aux autorités locales. Mayotte compte officiellement 321 000 habitants, selon la dernière estimation de l’Insee. Dans son point sur la situation, le ministère de l’Intérieur estime à 100 000 le nombre de personnes vivant dans un logement précaire.

Le décompte est d’autant plus compliqué que Mayotte est un pays à forte tradition musulmane et que, selon les rites islamiques, de nombreux défunts ont probablement été enterrés dans les 24 heures suivant leur décès. Il est donc possible que des victimes aient déjà été enterrées sans avoir été déclarées aux autorités. « Il y a plus d’enterrements que de décès signalés. Ce ne sera pas facile d’avoir les données exactes”recognizes Yannick Le Bihan, of the NGO Médecins du monde.

Enfin, le nombre d’enfants isolés victimes du cyclone pourrait également augmenter dans les jours à venir. « Il existe un phénomène chronique d’orphelins : lorsque des parents sans papiers sont expulsés vers les Comores, ils ne disent pas forcément qu’ils ont des enfants… et se noient parfois en essayant de rentrer.expliqué to AFP Jean-François Corty, president of Médecins du monde. Nous ne savons pas vraiment où se trouvent ces enfants aujourd’hui.

Les services de secours ont également été affectés par le cyclone

Fonctionnaires, membres des équipes de secours, soignants… Les personnels en première ligne pour venir en aide à la population sont directement touchés par la catastrophe. « Nous n’avons réussi à prendre contact qu’avec cinq membres de notre équipe rémunérée et cinq bénévoles actifs, en raison de problèmes de communication et de coupures de courant.note à franceinfo Yannick Le Bihan, à la tête d’une équipe de Médecins du monde présente sur place qui comprend 25 bénévoles très actifs et 80 au total. Notre bureau a été touché et nous ne pouvons plus utiliser notre équipement. Certains membres de nos équipes n’ont plus de toit, ni de fenêtres chez eux, et ont des problèmes d’accès à l’eau potable et à la nourriture.

Même constat pour la Croix-Rouge, qui n’était toujours pas en mesure, mardi, d’entrer en contact avec 200 de ses volontaires présents sur l’archipel. De son côté, la fondation Apprentis d’Auteuil à Mayotte réussi à toucher environ 70 personnes à travers le [son] personnel. Seulement 70 sur 220 à ce jour”, confié à franceinfo Gwenola Coulange, la directrice de l’organisme.

Pour ces organisations, « La priorité, pour l’instant, n’est pas de donner un chiffre. C’est pour sauver les gens qu’on peut encore sauver et éviter une crise sanitaire”explique à Libération Éric Brocardi, porte-parole de la Fédération Nationale des Sapeurs-Pompiers.

 
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