l’essentiel
Inconnu il y a encore un an, Jérôme Bayle, l’éleveur de Volvestre (Haute-Garonne), devenu star de la télé, ambitionne de remporter l’élection à la Chambre d’agriculture face aux syndicats historiques, que certains perçoivent comme une marionnette du pouvoir.
Depuis des mois, Jérôme Bayle travaillait pour faire de cette idée une réalité. Le 16 décembre, la figure de proue de la lutte paysanne a officiellement déposé la candidature des « Ultras de l’A 64 » aux élections à la Chambre d’agriculture de Haute-Garonne, prévues du 7 au 31 janvier 2025. originaire de Volvestre (Haute-Garonne), coqueluche des médias, ne fait jamais rien comme tout le monde, il fera campagne sans que son nom n’apparaisse parmi les 20 candidats de sa liste emmenée par Christian Déqué. «Je veux préserver ma liberté de parole et d’action pour défendre l’agriculture», confie l’ancien rugbyman.
«Querelle entre les gens»
Après avoir quitté la FDSEA, il ambitionne de mettre une liste sans appartenance syndicale à la tête de la Chambre d’agriculture, une première. Cependant, le président des Ultras de l’A 64 se dit prêt, s’il « gagne », à laisser tous ses concurrents siéger au bureau. En l’occurrence : la liste « FDSEA/JA », celle de la Coordination Rurale et de la Confédération Paysanne. A ses détracteurs qui lui reprochent de diviser le monde agricole déjà fragilisé « pour des querelles personnelles », il répond qu’il y voit au contraire une opportunité : « Nous, les Ultras de l’A 64, avons désormais un poids sur la scène médiatique nationale. et des liens avec des politiciens de tous bords. Cela nous permet de mettre en valeur notre département et de donner une dynamique à nos actions.
« Un homme manipulé par le pouvoir et qui veut plaire à tout le monde »
Parmi ses propositions phares figurent la création de nouveaux réservoirs d’eau pour lutter contre les sécheresses prolongées et l’installation de panneaux solaires sur les toits agricoles. Ces mesures visent à accroître l’autonomie des exploitations agricoles. Jérôme Bayle souhaite également reconstituer une filière « viande » 100 % haute-Garonne pour renforcer la résilience locale.
Pour Hélène Granzotto-Delmas, tête de liste de la Confédération paysanne, c’est avant tout de la « poudre aux yeux ». « C’est une liste qui manque de cohérence. Les Ultras avaient affirmé qu’ils ne présenteraient pas de candidats et qu’ils resteraient dans une logique associative pour soutenir les syndicats. Finalement, ils ont changé de cap sans proposer de véritable programme. Ils privilégient des actions spectaculaires, comme des barrages routiers, mais cela ne reflète pas une vision politique solide pour l’agriculture.» Si elle reconnaît l’apport essentiel de l’action de Jérôme Bayle et de ses camarades pour avoir remis les débats publics au cœur des débats publics, elle voit dans la figure de l’éleveur, habitué des plateaux télé, « un homme manipulé, qui peut -être sans s’en rendre compte, par le pouvoir et qui veut plaire à tout le monde.
La désunion affaiblit le monde agricole
Mathieu Maronès, homologue de la FDSEA/JA, adopte une position plus nuancée à l’égard des Ultras 64 et de Jérôme Bayle : « Je pense que leur présence est une bonne chose pour la démocratie. Cela montre que chaque agriculteur, quelle que soit sa position, peut être représenté. Il faut cependant reconnaître que cette liste ajoute à la fragmentation, dans un territoire déjà divisé. C’est regrettable sur le plan stratégique, car le syndicat aurait permis de mieux défendre les intérêts des agriculteurs.
Pour la Coordination rurale, force émergente comptant une centaine d’adhérents, la candidature « Bayle-Ultras 64 » ne pose aucun problème. « Je n’ai aucun sentiment négatif à son égard ou contre son association. Notre credo pour cette élection : c’est servir sans se servir. J’espère simplement que, quelle que soit l’issue de l’élection, elle aboutira à des résultats concrets et positifs », indique Dominique Raud, éleveur de chèvres et tête de liste CR 31.
Une élection à la « roulette russe »
Les élections à la Chambre d’agriculture adoptent un mode de scrutin atypique, inspiré davantage des coutumes anglo-saxonnes que du scrutin uninominal à deux tours, pilier de la République française. La règle est simple : le premier gagne, avec la moitié des sièges plus un. Sur la ligne de départ : quatre listes. Confédération Paysanne, FDSEA/JA, Ultras 64 et Coordination Rurale. La victoire se décidera probablement par un nombre infime de voix, quelques dizaines au maximum. Avec seulement 4 500 agriculteurs inscrits, ce scrutin affiche une abstention de l’ordre de 50 %. En 2019, avec 38,66% des voix, la liste JA conduite par Sébastien Albouy a remporté le scrutin, devant la FDSEA (34,88%), tandis que la liste commune Confédération paysanne/Coordination rurale n’a rassemblé que 26,44% des 2 394 votants, soit 50,44% des inscrits.