L’arme probablement utilisée par le suspect dans le meurtre du PDG de UnitedHealthcare à New York a apparemment été fabriquée en partie avec une imprimante 3D et des composants Glock 19 disponibles dans le commerce.
Les images de l’arme saisie par la police dans le sac à dos de Luigi Mangione ont notamment été diffusées par CNN et NBC.
“Le pistolet avait une culasse métallique avec une poignée en plastique et un canon métallique tordu”, précise le rapport des policiers de Pennsylvanie, qui ont appréhendé le suspect de 26 ans lundi matin. Les images du meurtre, captées par les caméras de surveillance et diffusées par certains médias américains, laissent penser qu’il s’agit bien de l’arme du crime.
Selon le politologue Yannick Veilleux-Lepage, spécialiste des tactiques terroristes au Collège militaire royal du Canada, il s’agit d’une arme imprimée à partir d’un plan baptisé ChairmanWon V1, du nom de son créateur anonyme.
Des projets pour cette arme circulent sur internet depuis 2022. Dans le jargon, il s’agit d’un « kit de finition de pièces », ou ensemble incomplet à assembler soi-même. « Seule la carcasse de l’arme est imprimée en 3D. Le reste des pièces sont des pièces standards d’un Glock 19″, précise le politologue.
Aux États-Unis, ces armes permettent de contourner la loi fédérale sur le contrôle des armes à feu, selon laquelle la carcasse de chaque arme à feu doit porter un numéro de série. L’impression du cadre permet de s’affranchir de cette obligation, tout en permettant de l’associer à des pièces de qualité industrielle, dont le barillet, élément particulièrement difficile à fabriquer soi-même.
«Quand on parle d’armes fantômes, c’est vraiment de cela qu’on parle», affirme M. Veilleux-Lepage.
Sur internet, plusieurs forums libertaires glorifient la fabrication d’armes en 3D, perçue comme un acte de défiance envers le système et les élites. “Sur les forums Internet [consacrés] Armes 3D, les utilisateurs adressent leurs félicitations à ChairmanWon, le créateur de cette arme», note M. Veilleux-Lepage.
«À mon avis, il s’agit du premier crime très médiatisé commis avec une arme imprimée en 3D aux États-Unis», ajoute M. Veilleux-Lepage. Le nombre de ces armes à feu dites « fantômes » saisies par les policiers américains a augmenté de plus de 1 000 % depuis 2017, selon le Bureau of Alcohol, Tobacco, Explosive and Firearms Control.
Interdit au Canada
Si la loi encadrant la fabrication d’armes avec une imprimante 3D varie d’un État américain à l’autre, elle est bien plus sévère au Canada. Une nouvelle disposition du Code criminel interdit même la possession et le partage de fichiers informatiques permettant leur impression.
Un homme de Saint-Joseph-du-Lac, Pascal Tribout, est le premier Canadien qui risque d’être condamné en vertu de cette nouvelle disposition, entrée en vigueur en décembre 2023. L’entrepreneur-couvreur de 37 ans, adorateur d’Hitler, qui a tenu des propos inquiétants sur les Juifs sur un forum de discussion, a été arrêté après avoir envoyé à un agent infiltré de la GRC une image d’une arme en 3D qu’il prétendait avoir fabriquée de A à Z.
“Vous tirez sur quelqu’un avec ça, puis vous le faites fondre après, vous faites disparaître les preuves, cela devient un crime parfait”, écrit-il à son interlocuteur, peu avant son arrestation.
Selon Yannick Veilleux-Lepage, l’une des montures d’armes imprimées en 3D saisies chez Pascal Tribout, sur laquelle étaient gravés les mots « va te faire foutre connard », était une base de pistolet Glock à compléter avec des pièces commerciales. La police a également saisi plusieurs armes dans l’appartement du suspect, notamment des gâchettes et des ressorts qui semblaient avoir été livrés à son domicile.
Pascal Tribout fait face à des accusations d’incitation à la haine, ainsi qu’à des accusations de détention et de diffusion de données informatiques utilisées pour fabriquer des armes à feu.
De son côté, le suspect new-yorkais était jusqu’à présent inculpé de meurtre et de possession d’arme à feu sans permis. Il est possible que d’autres frais s’ajoutent.
Son sac à dos contenait un « silencieux également imprimé en 3D », précise un rapport rendu public par la police de Pennsylvanie. Cet accessoire, que la culture hollywoodienne a étroitement associé aux meurtres, reste légal dans plusieurs États américains.