“Mais tais-toi !” “, Adèle Haenel s’emporte en pleine audience. L’actrice de 35 ans, qui arpentait souvent derrière les pupitres de la partie civile, a laissé éclater sa colère. Christophe Ruggia, en ce moment, est aux manettes et explique que lors des préparatifs du film Les diablesen 2001, alors que la jeune actrice n’a que 11 ans, il lui propose de prendre un nom de scène. “Un peu pour la protéger”, dit-il aux trois juges du tribunal correctionnel.
Protecteur, Christophe Ruggia, lui qui est jugé depuis lundi pour avoir agressé Adèle Haenel, dès 2002 et pendant trois ans et demi ? Trop, c’est trop pour l’actrice qui sort se calmer quelques instants. Et que de nombreux proches sont venus soutenir, dont l’actrice Noémie Merlant.
Le représentant du parquet n’a en tout cas aucun doute sur la véracité des accusations portées par Adèle Haenel. Ces longs samedis après-midi passés chez le directeur et « incapacité flagrante » de Christophe Ruggia pour détailler ces longs samedis après-midi, souligne le procureur. Environ 120 après-midi, a calculé Me Le Bras, un des avocats d’Adèle Haenel, au cours desquelles il y a eu « les caresses sur les cuisses, la main sur le sexe, la respiration lourde… » énumère le procureur.
« Fascinée par son corps »
Alors certes, contrairement au procès pour viol de Mazan – actuellement en cours à Avignon – il n’existe pas de vidéos de ces agressions. Mais il existe des témoignages, rappelle le magistrat. Un ancien associé de Christophe Ruggia a confirmé, à la barre, que le réalisateur était, certainement « fascinée par le talent de la jeune comédienne, mais aussi par son corps ». En 2011, il lui avait raconté avoir posé une main sur le ventre de l’adolescente mais l’avoir retirée avant d’atteindre sa poitrine.
En 2010, c’est Adèle Haenel qui se confiait à la sœur du réalisateur. “Adèle m’a raconté qu’il l’avait pelotée, tenté de l’embrasser.” Embarrassée, la sœur décide quand même d’aller au fond des choses et d’en parler à son frère, en 2014. Mais Christophe Ruggia se met à pleurer, puis regrette d’avoir “J’ai perdu l’amitié d’Adèle” qui avait arrêté de voir le réalisateur en 2005, et évoque encore “un geste malheureux”.
Pas d'”amour romantique”
Mais à l’audience, “il ne se souvient pas de cette conversation avec sa sœur”, ironise Me Anouck Michelin, une autre avocate d’Adèle Haenel. Or, comme le rappelle le procureur, l’expertise psychologique de la jeune femme a attesté que la plaignante n’avait pas « aucune tendance à la fabrication ». Et le magistrat a requis cinq ans de prison, dont trois ans avec sursis. Mais aussi, en raison du - qui s’est écoulé, que les deux ans requis soient fixés. Autrement dit, que Christophe Ruggia soit déclaré coupable mais pas envoyé derrière les barreaux.
En cette deuxième journée d’audience, l’ambiance reste électrique. Adèle Haenel lance des regards noirs à plusieurs reprises au réalisateur. Ce dernier finit par le soutenir. Et il continue de nier avoir agressé la jeune comédienne. Les deux avocats du réalisateur ont donc tenté de convaincre que leur client n’avait jamais eu “d’amour affectueux” pour sa jeune actrice. Me Fanny Colin veut comme preuve une des lettres échangées entre eux, dans laquelle il « utilisez bien le mot amour », mais il termine la lettre en écrivant : “Votre amitié me manque.”
Mais surtout, elle s’étonne que pendant les cent fois qu’Adèle Haenel s’est rendue chez Christophe Ruggia, « A chaque fois, la même scène d’agression se serait produite. Sans aucune évolution ». L’avocat estime au contraire que « une vraie souffrance » de l’actrice ne proviennent pas d’agressions commises par son client, ” mais sont venues des scènes du film auxquelles ils n’auraient jamais dû participer. Parce que oui, le tournage du film Les Diables aurait pu la traumatiser ». Notamment cette séquence où Adèle Haenel, alors âgée de 12 ans, devait danser nue devant une prison, à l’intérieur de laquelle de vrais détenus criaient « Nus ! « .
Bénéficiant du bénéfice du doute, l’avocat plaide donc l’acquittement. Décision de justice du 3 février.