Cinq ans après des révélations qui ont ouvert la voie au #MeToo français et bouleversé le Monde du cinéma, Adèle Haenel affrontera le réalisateur Christophe Ruggia devant le tribunal, où il sera jugé lundi 9 décembre et mardi 10 décembre pour agression sexuelle sur mineure.
Christophe Ruggia (59 ans), qui conteste les accusations, et Adèle Haenel (35 ans), parties civiles au procès, seront présents au tribunal correctionnel de Paris à l’ouverture de l’audience, en début d’après-midi. ont rapporté leurs avocats respectifs. Les associations féministes ont appelé à un rassemblement dehors à midi.
La justice s’est saisie de ce dossier en 2019, après une enquête de Mediapart sur les faits dénoncés par l’actrice, depuis retirée du cinéma. Adèle Haenel avait 11 ans au moment du casting du film Les Diablesde Christophe Ruggia, et 12 ans lors du tournage, à l’été 2001.
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Le long métrage, dont des extraits devraient être projetés lors du procès, raconte la fugue perpétuelle d’un frère et d’une sœur autistes abandonnés à la naissance. Une histoire qui devient incestueuse, avec plusieurs scènes de sexe entre les enfants et des gros plans sur le corps nu d’Adèle Haenel.
Des rendez-vous « tous les samedis »
Aux enquêteurs, l’actrice a raconté ces séquences qui l’avaient mise « très inconfortable »autres “violent” comme celle où elle devait danser devant une prison aux cris de “nu!” » de vrais détenus. Et le “taureaux” dans lequel le réalisateur avait progressivement “isolé” sur le plateau, demandant à sa famille de ne pas venir pour ne pas la distraire.
Plusieurs professionnels ont décrit leur « mal-être » face aux conditions de travail imposées aux enfants – et surtout au comportement de Christophe Ruggia sur le plateau. “Envahissant”, “déplacé”, “sa main sur la cuisse” de la jeune actrice, “des choses dans le cou”elle “assise à genoux”. “Ça ne va pas, ça ressemble à un couple, ce n’est pas normal”se dit une scénariste.
Après le tournage, entre 2001 et 2004, l’adolescente part “tous les samedis” après-midi environ chez celui qui lui dit qu’il l’a “créé”. Les agressions qu’elle dénonce se sont toujours déroulées de la même manière : lui assis sur un fauteuil, elle sur le canapé, et « très vite » il trouve une excuse pour se rapprocher. Il commence par lui caresser les cuisses, remonte “ça ne ressemble à rien”puis touche son pénis ou sa poitrine. “Il respirait fort” et “m’a embrassé dans le cou”décrit-elle. Et si elle résistait, “il a réagi sous le choc et avec ce regard de “non mais qu’est-ce que tu vas croire ?”, alors qu’il avait la main dans ma culotte”.
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Une « revanche », selon Christophe Ruggia
Durant l’enquête, Christophe Ruggia niera tout. Les agressions, les déclarations d’amour, le contrôle. Il discutera du “sensualité” de l’actrice de 12 ans pendant le tournage. LE « pose » qu’Adèle Haenel prenait sur son canapé, ses mouvements de ” langue “, “digne d’un film porno”ce qui le mettait mal à l’aise ou même “dégoûté”.
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Il a eu du mal à expliquer ce qu’ils faisaient pendant plusieurs heures, tous ces samedis après-midi. Je me souviendrai qu’il lui a donné “une collation” avant de la ramener chez ses parents. Et mettra les accusations sur le compte d’un « vengeance »parce qu’il ne l’aurait finalement pas fait travailler à nouveau.
Adèle Haenel a déclaré avoir décidé de s’exprimer publiquement lorsqu’elle a appris que Christophe Ruggia préparait un nouveau film avec des adolescents. Mais elle avait déjà raconté ou évoqué ces crises des années auparavant à son entourage personnel et professionnel, qui témoignait de son mal-être et de ses crises d’angoisse.
Elle qui a marqué le public de son empreinte Naissance des poulpes, de Céline Sciamma, dans 120 battements par minutede Robin Campillo, et surtout dans Portrait de la jeune fille en feude Céline Sciamma, a remporté deux Césars, celui de la meilleure actrice, en Les combattantsde Thomas Cailley, et celui du second rôle, dans Suzanneby Katell Quillévéré.
Elle s’est depuis officiellement retirée du cinéma, mettant fin à une carrière qui avait basculé le soir des César 2020, lorsqu’elle avait quitté en fanfare la cérémonie pour dénoncer le sacre de Roman Polanski, accusé d’agressions sexuelles et de viols par plusieurs femmes. Christophe Ruggia, jugé pour agressions sexuelles aggravées par la minorité de la victime et sa position d’autorité, encourt jusqu’à dix ans de prison et 150 000 euros d’amende.
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