Johnny et Le Parisien, c’est une longue histoire. Sur plusieurs décennies, plusieurs époques. Avec des hauts, des bas, de grandes rencontres et de grandes engueulades, certaines où l’on célébrait les triomphes de ses albums « Sang pour sang », en 1999, et « À la vie, à la mort », en 2002, d’autres où l’on titrait sur des choses cela nous a bouleversés.
Lorsque notre journal révélait en 1998 que ce n’était pas lui mais un sosie que les spectateurs du Stade France voyaient atterrir sur le toit de l’enceinte Saint-Denis, sortant d’un hélicoptère, le chanteur s’est agacé. Quand on dit qu’il utilise le playback parfois lors de ces mêmes concerts, il s’énerve.
Rien n’a jamais été ennuyeux avec Johnny. En 2011, lorsque nous lui demandions d’être interviewé par certains de nos lecteurs, il se confiait comme rarement, se confiant sur la fragilité de sa fille Laura, la relation compliquée avec son fils David. Ses interlocuteurs sont un jour abasourdis par sa franchise. Nous aussi. Une rencontre mémorable. Il y en avait bien d’autres.
VidéoQuand Johnny Hallyday confiait : “Ma carrière se terminera le jour de ma mort”
Un jour de 2008, nous étions chez lui à Marnes-la-Coquette juste avant la sortie de l’album « Cà ne va fin rien ». À l’heure de prendre quelques photos, le photographe Matthieu de Martignac lui a proposé une séance photo dans son jardin. Johnny grincheux répond : « Fais ce que tu veux, mais dépêche-toi… ».
Ambiance complètement différente un an plus tard, il accepte de nous recevoir en coulisses lors de son dernier spectacle de l’année au Zénith d’Orléans, peu avant son apparition sur scène. La soirée est bien avancée et la fermeture du journal du lendemain approche. Serons-nous prêts à - ?
« Vous, les journalistes, êtes toujours un peu stressés », me dit-il moqueur, assis tranquillement dans sa cantine de tournée, alors qu’il s’apprête à commencer un concert quelques minutes plus tard. Nous commençons la discussion : « Alors, c’est la dernière pour toi… » Je n’ai pas le - de terminer qu’il me demande à nouveau : « Oh non, la dernière de l’année ! »
Pendant des semaines, cette phrase m’a fait frissonner le dos. En fait, cela a presque fini par être « celui-là » tout simplement. Quelques jours plus tard, Johnny est plongé dans un coma artificiel à Los Angeles, et la France retient son souffle.
Je me suis aussi souvenu de la mienne trois ans plus tard, à Montpellier, en coulisses lors de la première date de sa tournée, qui s’était révélée plus difficile que d’habitude comme nous l’avions révélé. En entrant dans sa loge, sa voix résonne, tandis qu’il me tourne le dos. « C’est Marolle ? Je ne sais pas si je veux le voir, Marolle. » Ambiance… Et émotion, comme toujours.
“Si je n’étais pas chanteur, je prendrais une arme et j’irais les combattre”
Lorsque notre reporter Éric Bureau, en 2015, s’immergeait dans sa tournée, et se glissait pendant quelques jours dans la peau d’un roadie, il racontait un moment historique. Les attentats du 13 novembre viennent d’avoir lieu. La star a choisi de poursuivre malgré tout ses concerts à partir du 14 novembre. Après ce reportage vraiment pas comme les autres, Johnny le reçut dans sa loge, le jour de l’assaut du Raid à Saint-Denis, le 18, et lui confia : « Nous avons quand même pris la décision de jouer pour montrer à tous ces criminels que nous ne les craignons pas. Ils ne nous empêcheront pas de vivre. Si je n’étais pas chanteur, je prendrais une arme et j’irais les combattre. »
Quelques semaines plus tard, début 2016, il interprétera sa chanson « Un dimanche de janvier » écrite par Jeanne Cherhal après l’attentat de « Charlie Hebdo » en hommage aux victimes. Cela restera notre dernière vraie rencontre avant le spectacle des Vieilles Canailles aux côtés d’Eddy Mitchell et Jacques Dutronc et l’annonce de son cancer, qui l’a emporté le 5 décembre 2017.