Face au risque de censure, et donc de non-vote du budget 2025, le gouvernement a menacé d’augmenter les impôts sur le revenu. “Près de 18 millions de Français verront leur impôt sur le revenu augmenter”, a déclaré mardi soir le Premier ministre Michel Barnier sur France 2 et TF 1. D’autres paieront pour la première fois parce que nous n’avons pas pu inscrire la réindexation prévue dans la loi de finances.»
Si aucun budget 2025 n’est voté, un projet de « loi spéciale » pourrait être soumis au parlement et c’est alors celui de 2024 qui serait renouvelé. Or, “tout au long de l’année, il y a eu de l’inflation et le budget 2025 a prévu de la corriger”, explique au Parisien Stéphanie Villers, économiste chez PwC France. Pour les impôts, cela doit se traduire par une augmentation des barèmes.
Cinq tranches d’imposition existent en France : une personne seule (une action) percevant jusqu’à 11 294 euros de revenu net par an ne paie pas d’impôt. Puis 11 % sur ses revenus jusqu’à 28 797 euros, 30 % puis jusqu’à 82 341 euros, 41 % jusqu’à 177 106 euros et 45 % au-delà. Le budget 2025 prévoyait d’augmenter ces barèmes en fonction de l’inflation, en hausse de 2,2% : il fallait par exemple avoir gagné plus de 11 520 euros pour être imposé en 2025.
Cette augmentation des barèmes devait permettre aux personnes qui ont vu leur salaire augmenter en raison de l’inflation de ne pas payer trop d’impôts supplémentaires. Sauf qu’en cas de gel, “les tranches ne suivront pas la variation de l’inflation”, indique Stéphanie Villers. Et en réalité, ce n’est pas tant que les Français gagnent vraiment plus, c’est que leurs salaires ont déjà été réévalués en fonction de l’inflation.»
Au total « 17,6 millions de ménages verraient leur impôt sur le revenu augmenter par rapport à une situation d’indexation à l’inflation », estimait l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) en octobre.
Les ménages au revenu médian « perdraient entre 50 et 100 euros par an »
Le gel du barème de l’impôt sur le revenu pourrait avoir « plusieurs effets », explique Pierre Madec, économiste à l’OFCE. D’un côté, « des gens qui n’auraient pas dû être imposables le deviennent parce qu’ils passent au-dessus de la première tranche ». Dans un article pour l’OFCE en octobre, il estimait que près de 380 000 ménages se retrouveraient dans cette situation.
Mais même si vous n’êtes pas à la limite d’une tranche d’imposition, ils pourraient augmenter. Les revenus nets ne sont en effet pas imposés de manière uniforme. Si une personne gagne 25 000 euros par an, elle ne paie pas 30 % sur tous ses revenus, seuls ceux dépassant 11 294 euros sont imposés. En cas d’augmentation de salaire mais de gel de la grille, la part située dans la tranche imposable augmenterait donc mécaniquement.
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Selon Pierre Madec, “les effets sont relativement faibles car c’est une fraction de vos revenus qui sera un peu plus imposée”. Un contribuable célibataire qui déclare 11.400 euros, et est donc imposable, est aujourd’hui imposé à 11% sur les 105 euros dépassant le seuil, soit 11,5 euros.
« En cas de gel, les ménages proches du niveau de vie médian perdraient entre 50 et 100 euros par an par rapport à une situation d’indexation. habituelexpliquait l’économiste en octobre, soit entre 0,2% et 0,3% de leur niveau de vie annuel. » « Cela dépasserait les 250 euros pour les 15 % des ménages les plus aisés (les trois vingtièmes les plus pauvres), ajoute-t-il. Mais les plus riches seraient relativement moins touchés que les autres, en raison de la faible progressivité de l’impôt dans les tranches les plus élevées. »
Ce gel, s’il se concrétise avec la chute de Michel Barnier, pourrait cependant être corrigé dans les semaines ou mois à venir, avec le vote d’un nouveau budget qui rétablirait l’indexation à l’inflation. À condition d’avoir un gouvernement capable de le faire.