Plus les jours avancent, plus l’isolement de Michel Barnier influence son discours. Après la force tranquille, place au catastrophisme. Invité à s’exprimer sur le plateau du 20 heures de TF1, dans la soirée du mardi 26 novembre, le Premier ministre a continué de se montrer en réaction aux attaques à l’arme blanche perpétrées par ses « alliés », aux menaces brandies par ses opposants et au manque de de confiance affichée par son supérieur.
Tout cela alors que la perspective d’une censure de son gouvernement se précise à mesure que progressent les débats sur les budgets de l’Etat (PLF) et de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025. Prochaine échéance en date : l’examen du PLFSS par la commission paritaire (CMP), qui est prévu ce mercredi 27 novembre, à 14 heures, et qui pourrait accélérer les choses. « Pourquoi voulez-vous que je démissionne ? » »a lancé le locataire (plus éphémère que prévu ?) de Matignon, interrogé par Gilles Bouleau, présentateur de TF1, n’hésitant pas à jouer la carte du “c’est moi ou le chaos”. Si le gouvernement tombe, « il y aura probablement une tempête assez grave et de graves turbulences sur les marchés financiers »il a prophétisé.
Un recours à l’article 49.3 sur le vote du budget
Alors qu’elle n’avait pas hésité à donner son aval au Premier ministre pour empêcher la gauche d’accéder à Matignon, la chef de file des députés du Rassemblement national (RN), Marine le Pen, n’hésite plus à brandir la menace d’un vote favorable de son groupe, si jamais le Nouveau Front Populaire (NFP) profite du recours à l’article 49.3 du budget pour faire tomber le gouvernement Barnier. Ce qui pourrait arriver dès la semaine prochaine si la CMP de ce mercredi après-midi sur le PLFSS était concluante. Après sa rencontre lundi avec le chef de l’exécutif, l’ancienne candidate d’extrême droite à la présidence de la République a ainsi estimé que le Premier ministre restait “campé” sur ses positions.
De quoi pousser Michel Barnier à revenir publiquement sur la hausse prévue de la taxe électrique, une ligne rouge décrétée par le RN, toujours prompt à se donner l’image d’un parti à l’écoute des Français. « Nous verrons si nous pouvons faire davantage pour préserver [leur] pouvoir d’achat »a annoncé le Premier ministre. Surtout, il a multiplié les signaux destinés à l’extrême droite en évoquant « les sujets sur lesquels (il) veut agir (…) : la sécurité quotidienne des Français, le contrôle de l’immigration et l’interdiction de l’immigration clandestine, sur le travail qui doit payer plus que les allocations, avec une allocation sociale unique, sur la démocratie et peut-être le projet que souhaitent beaucoup de partis sur la représentation proportionnelle pour exemple”.
Jusqu’ici discret sur la situation politique nationale, ainsi que sur la stratégie de Michel Barnier, Emmanuel Macron ne l’est pas, selon les informations de parisienon ne se fait presque plus d’illusions sur la durée de vie du gouvernement. Le chef de l’État aurait proclamé à des proches, lors de la cérémonie en l’honneur d’Élisabeth Borne, à qui a été décernée la médaille de Commandeur de la Légion d’honneur, que le « le gouvernement va tomber (…) et plus tôt que tu ne le penses ». L’Élysée a immédiatement démenti ces propos rapportés dans un article publié par le quotidien, ce mardi 26 novembre.
Un « socle commun » qui n’a pas que des alliés
Michel Barnier ne peut plus compter sur un soutien clair de la « base commune » (LR, Horizons, Modem et Ensemble pour la République), dont les têtes d’affiche n’hésitent pas à montrer les crocs. Laurent Wauquiez, président du groupe Droite républicaine à l’Assemblée nationale, a annoncé, quelques heures avant l’intervention de Michel Barnier sur TF1, que son groupe et les sénateurs LR renonceraient à une cotisation pour faire travailler gratuitement tous les actifs pendant sept heures de plus par an. année.
Celui qui rêve de représenter la droite à la présidentielle de 2027 a ainsi donné la priorité à l’ancien commissaire européen. Une habitude pour Laurent Wauquiez, qui avait déjà annoncé la revalorisation des retraites de moitié par rapport à l’inflation, le 1er janvier 2025, en direct durant 20 heures sur TF1.
Sur la même scène, Michel Barnier n’a pas hésité à fustiger le « manœuvres » et le “petites phrases”. Une attaque qui vise autant Laurent Wauquiez que son prédécesseur, Gabriel Attal, président du groupe Ensemble pour la République (EPR) dans l’hémicycle. « Jouer à pile ou face avec l’avenir du pays n’est pas à la hauteur de la responsabilité »estime l’ancien Premier ministre.
Une très faible majorité
Pour rappel, sept députés et sept sénateurs tenteront de parvenir à un compromis sur le budget 2025 de la sécurité sociale. Un texte qui pourrait déboucher sur le 49.3 tant redouté par l’exécutif. A huis clos dans une salle de l’Assemblée, les parlementaires travailleront donc, en début d’après-midi, sur la copie sénatoriale de ce projet de loi de financement. Le problème est que la coalition gouvernementale ne dispose que d’une très courte majorité (huit voix contre six). Le gouvernement doit convaincre les députés de son propre camp, ceux de l’EPR, de ne pas s’opposer à une augmentation des cotisations patronales.
Projet difficile, alors que de nombreux macronistes estiment que « s’écarter de la ligne pro-business poursuivie depuis 2017 serait une erreur fondamentale »comme indiqué dans une interview avec parisienAntoine Armand… Ministre de l’Économie du gouvernement Barnier. Signe de tension, une première réunion organisée ce mardi 26 novembre du groupe macroniste pour décider du vote en commission paritaire n’a pas suffi. “ On était plutôt 60/40 pour » votez pour le CMP, dit un député. Le groupe tranchera donc sa position au dernier moment.
“Nous allons jouer le jeu”a pour sa part annoncé le député socialiste Jérôme Guedj, concernant les débats à venir. Le risque que la France soit bloquée par l’absence de budget est en effet exagéré. «Il n’y a aucun risque de [parvenir] à une situation dans laquelle les fonctionnaires ne sont pas payés ou les services publics ne fonctionnent plusa rappelé le coordinateur politique de la France Insoumise (LFI), Manuel Bompard, au micro de France Inter, ce mardi 26 novembre. C’est un mensonge pur et simple : le calendrier parlementaire permet parfaitement, dans ce cas, de discuter et de mettre en place un autre budget. » Ce qui est sûr, c’est que Michel Barnier y joue largement son rôle, alors que le gouvernement pourrait tomber dans les prochaines semaines.
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