Le gouvernement Barnier tiendra-t-il jusqu’à Noël ? “Je ne sais pas combien de temps j’ai devant moi, répond le Premier ministre. Cela dépend d’une éventuelle coalition des opposés à l’Assemblée nationale. » La phrase, glissée dans son discours de clôture du Congrès des maires à Paris ce jeudi, a fait rire la salle. L’avènement de ceci « coalition des opposés » et la possibilité d’une chute de son gouvernement, trois mois seulement après sa constitution, n’a jamais été aussi proche.
Cette perspective n’est pas nouvelle. On l’a déjà oublié, tellement de pratique est devenue monnaie courante depuis 2022, mais Michel Barnier a essuyé une première motion de censure dans son discours de politique générale. Rejetés, les députés du Rassemblement National n’ont pas associé leurs voix à celles des députés du Nouveau Front Populaire. Fidèle à lui « stratégie d’égalité »toujours en quête de respectabilité, le parti de Marine Le Pen s’est voulu conciliant. Il a affiché son « le sens des responsabilités » et a amené les gens à croire que le nouveau gouvernement serait “sous surveillance”, pour ne pas dire sous son influence.
Une posture que la gauche n’a cessé d’assimiler à une forme de complicité entre le bloc central et l’extrême droite. En martelant cette idée, elle a fait son chemin dans les rangs des électeurs RN. Un sondage Elabe publié mercredi estime que 61 % des sympathisants du RN seraient aujourd’hui favorables au vote d’une motion de censure. La réponse à la même question, posée début octobre, n’a reçu que 29% de oui. C’est aussi parce qu’elle entend monter cette musique parmi ses troupes que Marine Le Pen a viré sa mignonne ce mercredi, sur RTL, en menaçant de voter la censure si « le pouvoir d’achat des Français [était] toujours amputé » par le futur budget. Plus qu’une pression sur Michel Barnier, c’est une promesse qu’elle fait à ses électeurs. Et qu’elle devra retenir si elle ne veut pas perdre la face, un ” effort “ de 60 milliards pour redresser les comptes de la nation étant nécessairement susceptible d’avoir un impact, direct ou indirect, sur le pouvoir d’achat des Français.
Chaos économique et financier ?
A cela s’ajoute une autre annonce, faite par le Nouveau Front Populaire ce jeudi, dans une tribune publiée par Le monde : si Michel Barnier décide d’utiliser un 49,3 pour faire voter le budget, la gauche déposera une nouvelle motion de censure. La probabilité que l’Assemblée nationale adopte ce budget étant quasi nulle, on voit mal comment le Premier ministre pourrait s’en passer. Ce qu’il a admis dans une interview accordée à Ouest de la France la semaine dernière.
Le tout forme une sorte de spirale dont l’issue n’est pas certaine, mais hautement possible. Le scénario : il y aurait 49,3 sur le budget, suivi du dépôt d’une motion de censure, votée mécaniquement par le « coalition des opposés » qui verrait se rejoindre les deux extrêmes de l’hémicycle. La chute du gouvernement s’accompagnerait du rejet du budget 2025.
L’Élysée et Matignon sont convaincus que personne ne risquera de déclencher le chaos économique et financier que va déclencher cette annulation. Un pari bien risqué en ces temps où la colère semble sur le point d’étouffer toute raison et calculs personnels prenant le pas sur toute considération d’intérêt général. À tous les étages.