Trump 2, le retour à Washington. Défiant de nombreux pronostics et les derniers sondages, Donald Trum a réussi son pari en battant largement Kamala Harris : revenir à la Maison Blanche, quatre ans après l’avoir quittée en trombe, et retrouver ainsi sa casquette de président des Etats-Unis. C’est une première depuis 1893 et la réélection de Grover Cleveland.
Vu de France, et plus généralement d’Europe, il est parfois difficile de comprendre la complexité de l’électorat américain. Les États qui pourraient faire basculer l’élection en faveur de Donald Trump ou de Kamala Harris ont tous fait le même choix et ont donné leurs électeurs au camp républicain. L’immigration, le déclassement et la nostalgie des grandeurs passées ont lourdement pesé sur les Amériques religieuses, rurales et retraitées. Panorama en quelques cartes.
Le « Mur Bleu », un mur très fragile
Aux États-Unis, 18 États ont toujours choisi le candidat démocrate à la présidentielle entre 1992 et 2012. Ce « mur bleu », dont divers commentateurs politiques contestent la paternité, se caractérise notamment par des États densément peuplés, donc en mesure de garantir un nombre élevé de candidats. électeurs. Pour mémoire, le candidat qui obtient la majorité du vote populaire dans un État remporte l’ensemble de son collège électoral, qui votera pour lui au niveau fédéral. Et le nombre d’électeurs dépend de la population de l’État.
Idéologiquement, le « Mur Bleu » n’a pas de définition idéologique précise. Il rassemble ceux qui, alors que le Parti républicain se concentrait sur les intérêts des populations blanches et rurales ainsi que des électeurs, se sentaient ignorés par le Parti républicain, aussi surnommé Grand Old Party (GOP). Pour résumer, le « mur bleu » rassemble a priori ceux à qui le Parti républicain ne parle pas.
En 2016, ce « Mur bleu » aurait dû donner la victoire à Hillary Clinton sur Donald Trump. Mais visiblement, des lacunes sont apparues et le candidat républicain a gagné. Même scénario cette année, mais à plus grande échelle. Le « Mur Bleu » s’est ainsi effondré.
Le « Rust Bowl », symbole du déclin industriel américain
Jusqu’au milieu des années 1980, lorsqu’on parlait de cette région du nord-est des États-Unis, on parlait de « ceinture industrielle », ou « Manufacturing Belt » en langue originale. Mais la politique économique de Ronald Reagan n’a pas épargné ce bassin industriel, rebaptisé le « bassin de la rouille », « Rust Belt », par Walter Mondale, candidat démocrate à l’élection présidentielle américaine de 1984.
Le « Rust Bowl » symbolise donc le déclin du charbon, de la métallurgie, de l’acier et de l’industrie automobile, activités qui ont apporté la prospérité à la région au XXe siècle.
Elle s’étend de Chicago à la côte atlantique, et de la frontière canadienne jusqu’aux Appalaches. Bien qu’il concentre encore 40 % de la production industrielle aux États-Unis, le « bassin de la rouille » est marqué depuis les années 1980 par une désindustrialisation massive, avec tous ses corollaires : chômage endémique, pauvreté croissante, déclin démographique et, parfois, villes sinistrées, comme Détroit.
Comment il a voté : le « Rust Bowl », ce n’est pas surprenant, est aujourd’hui une mine d’États pivots. Ces Etats font basculer une élection car, compte tenu du contexte économique et social local, de l’évolution de la population ou du climat des affaires, leurs électeurs n’ont pas fait de choix définitif. Le Michigan, le Wisconsin et la Pennsylvanie faisaient partie de ces « Purple States » (un mélange de rouge et de bleu). Et c’est Donald Trump qui a convaincu dans ces zones économiquement fragilisées, sans doute sensibles aux promesses du candidat en matière de pouvoir d’achat.
La « Sun Belt », réalité géographique mais abstraction politique
La « ceinture solaire » désigne ce tiers sud des Etats-Unis qui, depuis les années 1970, voit son poids économique, démographique et politique exploser. Il s’étend du sud de la Californie au sud de la Caroline du Nord, en passant par le Texas et l’Oklahoma. En 1969, Kevin Phillips, l’analyste politique qui a inventé le terme « Sun Belt », décrivait déjà le phénomène dans La majorité républicaine émergentee, en français). Un climat particulièrement doux associé à des ressources abondantes ne pouvait qu’attirer les populations d’un Nord déprimé ou une main d’œuvre bon marché (et non syndiquée) des pays du Sud.
La « Sun Belt » recouvre néanmoins des réalités économiques et politiques différentes. Il est difficile de comparer la Californie, cœur battant de la haute technologie mondiale, et la Caroline du Sud ou le Tennessee, États agricoles du « sud profond », le Deep South.
À lui seul, le Texas est une terre de paradoxes, avec un centre universitaire et technologique très progressiste autour d’Austin et de Houston et d’immenses champs de pétrole ou terres agricoles au nord ou à l’est de l’État. Quant à la Floride, elle se nourrit autant des ingénieurs de la NASA que d’un afflux massif de retraités.
Comment elle a voté : la « Sun Belt » comprenait plusieurs Swing States, ces États disputés entre les deux candidats. Arizona, Nevada, Géorgie et Caroline du Nord. Aucun d’eux n’a résisté à l’offensive républicaine. Les démocrates n’ont convaincu que dans leurs fiefs. La question de l’immigration, centrale dans une zone frontalière avec le Mexique, a sans doute joué ici un rôle déterminant.
Le Midwest, terre de conquêtes
Au début du XIXe siècle, aucun territoire au-delà des Appalaches n’appartenait aux États-Unis. C’était le Far West, dont la frontière s’est progressivement déplacée. À la fin du XIXe siècle, les terres dites « civilisées » de l’Occident s’étendaient jusqu’au Kansas ou au Nebraska. Et le Far West a été repoussé au-delà des Rocheuses.
Au milieu du XXe siècle, l’administration américaine prend acte d’une réalité géographique en divisant le pays en grandes régions : le nord-est, le sud, l’ouest et, au milieu, le Midwest, « Heartland » pour certains. , le cœur de l’Amérique.
Mais les États de la région ont-ils des caractéristiques communes ? Du Michigan au Dakota du Nord ou de l’Illinois au Missouri, les activités économiques et les densités de population varient radicalement. Chicago regroupe près de 15 % de la population et les Grandes Plaines ne comptent pas plus de 5 habitants au km2.
La zone est hautement industrialisée au nord-est, là où elle croise la « Rust Belt » (ceinture de rouille) (au-dessus de), et très rurale au sud, où elle se confond avec une partie de la « Corn Belt » (voir ci-dessous). Il reste deux points communs entre tous les États du Midwest : ils sont au carrefour de tous les grands réseaux de transport et, pour la plupart, subissent de fortes mutations économiques ou démographiques.
Comment il a voté : pas de surprise dans le Midwest, traditionnellement remporté par les Républicains. Un seul État pivot pourrait changer la tendance, le Michigan, mais celui-ci s’est déplacé vers le camp républicain. Le Heartland, comme l’appellent les Américains, s’accroche à une image traditionnelle du pays. Donald Trump, qui défendait la grandeur des Etats-Unis, trouve sans doute un écho dans les territoires très ruraux et peu ouverts sur le monde.
La « Bible Belt », toujours fidèle à ses valeurs
La « Ceinture biblique » fait référence à une région où la religion a un poids social et culturel important. En Alabama (dans la « Bible Belt »), à peine 12 % de la population se déclare non religieuse, contre 37 % au Vermont (au nord). Mais ici, quand on parle de religion, c’est de la croyance des pionniers qu’on parle, du protestantisme baptiste, méthodique, évangélique en particulier.
Contrairement à d’autres régions des États-Unis, la région présente peu de diversité religieuse. C’est ainsi que nous le reconnaissons. Au Tennessee, par exemple, 52 % des croyants revendiqués sont évangéliques.
De la Caroline du Nord au Texas, de l’Arkansas à la Géorgie, on parle donc d’une forme d’unité culturelle, marquée par un certain conservatisme, mais aussi par des difficultés chroniques. Le niveau général d’éducation dans la « Bible Belt » est parmi les plus bas du pays, les grossesses adolescentes sont nombreuses et les problèmes médicaux liés à la précarité sont importants.
Comment elle a voté : Pas de surprise ici non plus, lorsque nous parlons de la « Ceinture biblique », nous parlons de comtés et d’États conservateurs. Seules les marges de ce quartier très attachées aux valeurs religieuses ont voté pour Harris, mais il n’y avait aucun doute sur ce point. Et les Swing States de la « Bible Belt », la Géorgie et la Caroline du Nord, ont donné leurs électeurs à Donald Trump.
« Corn Belt et « Barbecue Belt »…
La Corn Belt est une résurgence du passé. Initialement, la région se définissait par sa monoculture, le maïs. Dans le Midwest américain, conquis au milieu du XIXe siècle, cette céréale occupait jusqu’à la moitié des terres cultivées de l’Iowa, de l’Illinois, de l’Indiana et de l’Ohio. Mais depuis, l’agriculture s’est grandement diversifiée. Et surtout, son poids économique et politique a diminué. Dans le système électoral américain, les États de la « Corn Belt » n’ont pas beaucoup de poids. Même si, à l’exception de l’Illinois, ils sont aujourd’hui tous républicains.
La « Ceinture du Barbecue » est, quant à elle, un accident apolitique. La Caroline du Nord, la Caroline du Sud, l’Alabama, le Kentucky, le Texas, le Missouri et le Tennessee partagent au moins une tradition : le barbecue. Certains font des trous dans le sol, d’autres fument la viande des nuits entières. Tous, en tout cas, font référence à un moment de partage, une forme de convivialité propre à une certaine culture méridionale. En 2024, cela ne se traduira pas par une ouverture à la différence, à la diversité ou au partage. La Barbecue Belt a voté pour Trump.