[Article initialement publié le jeudi 31 octobre 2024 à 07h30 et mis à jour le mercredi 06 novembre 2024 à 10h20] Le retour de Donald Trump au Bureau ovale de la Maison Blanche se confirme, provoquant déjà quelques sueurs froides, outre-Atlantique… mais aussi de l’autre côté de l’océan Pacifique. Et pour cause, l’homme d’affaires envisage d’ériger un véritable mur fiscal. Le désormais 47e président des États-Unis a promis d’imposer un droit de douane universel de 10 % ou 20 % sur tous les produits non fabriqués aux États-Unis, et même de 60 % sur les marchandises en provenance de Chine.
Le programme économique de Donald Trump en 3 minutes chrono
La décision s’appliquerait à pas moins de « 3 000 milliards de dollars de produits importés », anticipait fin octobre Antoine Bouët, directeur du Centre de prospective et d’information internationale (Cepii), avec La Tribune.
SpaceX, Musk et l’espace : les atouts gagnants de Trump ?
Rééquilibrer la balance commerciale
Cette surtaxe massive sera une grâce salvatrice pour l’économie américaine, estime Donald Trump. ” Il est mercantiliste, c’est-à-dire qu’il juge le succès ou l’échec de son pays en fonction des excédents ou des déficits extérieurs. », a défini Bruno Cavalier, économiste chez le gestionnaire d’actifs Oddo BHF, dans une note. Or, ” Trump constatera que le déficit commercial des États-Unis est toujours très important », avait nuancé l’économiste. S’il a diminué de 18 % sur un an, en 2023, le déséquilibre entre exportations et importations américaines s’élève à 773 milliards d’euros. Une situation inacceptable pour le milliardaire. Il accuse la Chine d’en être largement responsable.
L’ancien Empire du Milieu est néanmoins passé de l’équivalent de plus de la moitié du déficit extérieur américain en 2016 à 25 % aujourd’hui. Le Républicain envisage désormais de rééquilibrer complètement la balance. Les importations chinoises représentaient 426 milliards de dollars en 2023, faisant de Pékin le deuxième pays importateur des États-Unis, après le Mexique. Au contraire, Washington a exporté pour 148 milliards de dollars de marchandises vers la Chine l’année dernière.
Pour le Républicain donc : « Plus les droits de douane sont élevés, plus une entreprise a de chances de s’implanter aux Etats-Unis » » et produire localement, justifiait-il le 16 octobre.
Forte baisse du PIB chinois
Une conviction qui, si elle se concrétise avec le retour de Donald Trump, se traduira par des bouleversements importants pour l’économie chinoise et le commerce mondial. Si les droits de douane souhaités par Donald Trump étaient mis en place, les échanges commerciaux entre les Etats-Unis et la Chine pourraient être réduits de 80 % d’ici 2030, selon une étude du Cepii publiée en octobre.
« La Chine envoie beaucoup de produits électroniques et électroménagers vers l’Amérique et, avec ces taxes, elle pourrait être supplantée par d’autres pays asiatiques dont les produits seraient plus compétitifs. », nous explique Gary Ng, économiste spécialiste de l’Asie à la banque Natixis.
Les États-Unis défient la Chine en signant un accord sur les semi-conducteurs avec le Vietnam
Dans un tel scénario, le cabinet Roland Berger estime que l’économie chinoise subirait un déficit de 827 milliards de dollars au cours de la prochaine législature, si les Républicains gagnaient également le Parlement. Le Cepii avait estimé que le PIB chinois pourrait même diminuer de 1,3 % entre 2024 et 2029. Et la vague de froid commercial ne se limiterait pas à Pékin.
« La crise du commerce international serait équivalente à celle connue en 2020 et le PIB mondial pourrait chuter de 0,5 % d’ici 2030 si les pays ciblés mettaient en place des contre-mesures. », a prévenu Antoine Bouët du Cepii.
Une préoccupation qui n’était pourtant pas partagée par tous les observateurs avant le scrutin. ” Ce serait important, mais ce ne serait pas la fin du monde pour Pékin, car lors du premier mandat de Trump, les mesures américaines n’ont finalement pas nui à l’économie chinoise. », a indiqué David Gaud, associé au family office (un gestionnaire de fortune) B. Durand Capital Partners, spécialiste de la Chine. L’ancien président avait en effet imposé des droits de douane de 20 % sur les produits chinois en 2019, avant de les annuler grâce à un accord en 2020.
Effets indésirables aux États-Unis
Surtout, Pékin ne serait pas le seul perdant. L’économie américaine elle-même pourrait en souffrir grandement. Roland Berger prédit 749 milliards de dollars de pertes cumulées sur le PIB américain entre 2024 et 2029 en raison des droits de douane. Le Cepii a même vu l’économie américaine décliner de 1,3% au cours du prochain mandat.
De plus, ” il existe un risque fort de hausse des prix des produits importés, ce qui pourrait conduire à une résurgence de l’inflation aux Etats-Unis », a déclaré Sarah Guillou, directrice du département Innovation et Concurrence à l’OFCE. Selon l’économiste, « il n’est pas du tout certain que la balance commerciale américaine bénéficiera de ces droits de douane à court terme. Cela obligerait les entreprises américaines à produire et exporter davantage, ce qui ne sera pas forcément le cas si leurs coûts de production augmentent. »
« Une autre théorie est que les droits de douane sont si élevés, si terribles, si odieux, que (les fabricants étrangers) viendront immédiatement » produire aux Etats-Unis, avait rejeté le républicain dans un discours en octobre, niant le risque d’inflation et de baisse du PIB.