“Enfant, la scène me terrifiait”

“Enfant, la scène me terrifiait”
“Enfant, la scène me terrifiait”

S’il fallait mesurer le statut d’icône atteint par un acteur (ou une actrice) et le nombre de personnes autour de lui en situation de « promo », il serait en pole position. En ce matin d’octobre, la grande suite réservée d’un hôtel cinq étoiles parisien regorge d’agents, attachés de presse, stylistes et maquilleurs qui vibrent dans une ambiance électrique. Grâce à ses rôles de sous-marinier doué dans Le chant du loup (2019), un flic marseillais décoloré dans BAC Nord (2020) ou l’attachant d’Artagnan dans Les Trois Mousquetaires (2023), l’acteur de 34 ans est devenu une valeur sûre du cinéma français digne de toutes les attentions. Sa jolie bouille brun foncé le rend populaire auprès des adolescents fans de ses trois films réalisés par Cédric Klapisch, ce qui ne l’empêche pas d’exceller dans la comédie potache avec la série Fiasco pour Netflix.

A l’aise dans tous les registres et devenu super bankable, François Civil marque ses vingt ans de carrière en vedette dans le film de Gilles Lellouche Amour ouf aux côtés d’Adèle Exarchopoulos, Élodie Bouchez et de la crème des acteurs français du moment (Raphaël Quenard, Jean-Pascal Zadi, Karim Leklou…) sublimés par les « parrains » Alain Chabat et Benoît Poelvoorde. François Civil incarne Clotaire, un personnage sombre empreint d’une violence sourde dans cette histoire d’amour passionné qui s’étend sur deux décennies à partir du début des années 1980. Interrogé sur son travail, ses goûts, ses modèles et ses envies, il se montre particulièrement bienveillant et généreux dans ses réponses. Il ne s’offusque que lorsqu’on lui demande si la relation amoureuse du film avec Adèle Exarchopoulos déborde dans la vraie vie, comme le prétend la presse people, ou a influencé le tournage : « C’est quoi cette question ?! » En ce moment, voici Adèle Exarchopoulos qui passe allègrement une tête. ” Salut ! Ah, tu travailles ? Désolé.»

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Quand Gilles Lellouche vous a-t-il parlé du film ?

C’était à la soirée cinéma BAC Nordà Marseille, avec Adèle Exarchopoulos et toute l’équipe. Nous avons tous été ravis des premiers chiffres le soir du la sortie. Gilles nous a dit, à Adèle et moi, qu’il était en train d’écrire un film sur une grande histoire d’amour, qu’il nous avait en tête pour les personnages principaux. Il a fallu attendre quelques mois qu’il termine le scénario avant de commencer à travailler.

Cette histoire d’amour passionnée débute au début des années 1980, dans une reconstitution minutieuse de l’époque, notamment grâce à la musique.

Gilles, qui a grandi à cette époque, était très heureux de partager avec nous ses souvenirs, il était attentif à tous les détails, les costumes, les accessoires, les voitures – dont il pouvait vous parler pendant des heures – et bien sûr la musique. . Pour ma part, la chanson de Billy Idol Des yeux sans visagequi apparaît sur la bande originale, me ramène immédiatement dans le film. Mais toutes les chansons sont importantes [A Forest, de Cure, y tient par exemple un rôle central]. Je me souviens que dans le scénario, Gilles avait déjà indiqué les titres en marge du texte pour qu’on puisse les écouter et se plonger dans l’ambiance qu’il souhaitait.

L’Amour ouf, by Gilles Lellouche, with Adèle Exarchopoulos and François Civil, comes out on October 16. (Credits: LTD/Studiocanal)

Dans la première partie de Amour oufc’est Malik Frikah qui joue le personnage de Clotaire, et vous l’incarnez dix ans plus tard. Qu’avez-vous emprunté à son jeu pour interpréter votre version de Clotaire ?

J’ai essayé de faire correspondre nos pulsions sans les imiter, de jouer le personnage de la même manière. Même s’il y a un écart de dix ans à cause de la prison qui transforme Clotaire, il a fallu ressentir quelque chose de perçant dès l’enfance, surtout lorsqu’il revoit Jackie, l’amour de sa vie. Il y a des gestes comme toucher son crâne rasé, fumer ou enfiler une veste, dont nous avons parlé. Il fallait avoir des repères, et la suite était plus tranquille. Observer Malik a été très bénéfique. Il y a quelque chose dans l’énergie du corps, une rage intérieure un peu sourde. J’étais fasciné par son jeu, aussi parce que j’aurais adoré avoir son rôle. J’ai été particulièrement impressionné de voir qu’à 17 ans, Malik a un niveau de concentration et de jeu beaucoup plus élevé que lorsque j’avais son âge.

Votre personnage est muet, mais il y a de savoureuses punchlines de vos partenaires Raphaël Quenard et Jean-Pascal Zadi. Considérez-vous que vous formez un petit groupe, une sorte de nouvelle garde du cinéma ?

Je ne pense pas qu’on puisse parler de gang. J’appartenais à un gang alors qu’on n’était pas encore bien implanté dans ce milieu à l’époque de la série Casting(s) [2013-2015] et de Cinq [2016]. Il y avait vraiment une histoire de gangs là-bas. Il y avait une énergie collective qui donnait envie de manger de tout. Nous avons tous prospéré depuis et c’est une grande fierté : Pierre Niney bien sûr, Igor Gotesman [le réalisateur de Five et de Fiasco] or Antoine Gouy [Lupin]Benjamin Lavernhe [Le goût des merveilles]Ali Marhyar [réalisateur de Comme un prince]. Aujourd’hui, les amitiés sont intactes. On se voit toujours en vacances ou au dîner, mais chacun suit son propre chemin.

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Parmi les autres acteurs français, y en a-t-il que vous admirez particulièrement ?

Sans hésitation Karim Leklou [BAC Nord, Le Roman de Jim]qui a une intégrité artistique exceptionnelle et une poésie qui me fascine. Il a en lui à la fois de la douceur et de la violence. Il aborde ce métier avec sang-froid et beaucoup de respect, ce qui donne lieu à des conversations passionnantes que j’écoute toujours avec attention. Il y a aussi Juliette Binoche, un de mes premiers chocs en tant qu’acteur, ou plutôt en tant qu’actrice, face à moi dans le film Ils [2012]. Sa précision de jeu, sa souplesse, son implication m’ont donné une ligne à suivre.

Dans la série Fiascosur Netflix, sorti en avril, votre personnage oublie son texte
et c’est très drôle. Avez-vous une technique de mémorisation particulière ?

Cela dépend du texte. S’il s’agit d’un style parlé, j’ai tendance à l’apprendre le moins possible. Si tout a du sens, si c’est vivant et que les dialogues sont intelligents, on l’absorbe très vite. Parfois, il y a des monologues, des connexions d’intention, des connexions de pensée qu’il faut faire dans votre tête ; donc dans ce cas, je divise le texte en plusieurs parties, que j’apprends une à une. Généralement, ces parties nécessitent un peu de réécriture, notamment les articulations, elles doivent nous être uniques.

Les dialogues de Trois mousquetaires le film dans lequel vous incarnez d’Artagnan, sont dans une langue unique. Est-ce plus difficile à mémoriser ?

Je crois que les auteurs, Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière, drew from Texte de Dumas pour certaines réponses. Apprendre ce genre de texte est un autre exercice. Il faut le mettre dans sa bouche. Je dois croire en ce que je dis, que je comprends, que ça vient naturellement. Avec d’Artagnan, j’ai voulu que ce soit fluide, comme avec mon personnage Chanteraide dans Le chant du loupquand il utilise un jargon très spécifique aux sous-marins. Il fallait que cela ait du sens, j’ai donc découpé le texte tout en restant ouvert aux différentes interprétations possibles.

Après votre succès au cinéma, aimeriez-vous faire du théâtre ?

Cela m’attire et en même temps cela me fait peur. Quand j’étais enfant, monter sur scène me terrifiait ; Je vomissais, je passais des journées horribles avant le lever du rideau. Aujourd’hui, peut-être que les choses iraient mieux. Depuis que j’ai commencé ce métier, je n’ai travaillé que sur le plateau. On est très encerclés là-bas, il y a beaucoup de monde, mais ce n’est pas un public, ce sont des alliés. Ils sont dans le secret, c’est ce que j’aime. Nous travaillons ensemble pour obtenir le meilleur résultat. Que ce soit le régisseur, le perchman ou le metteur en scène, nous avons tous le même objectif.

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Quels sont les réalisateurs avec lesquels vous avez le plus aimé travailler ?

Il y en a avec lesquels je m’entends extrêmement bien, mais il y a peut-être des choses qui m’ont déçu ou dont j’aurais pensé qu’elles seraient différentes au final. Mais je ne donnerai pas de noms ! Jamais ! On peut seulement dire que Cédric Klapisch, avec qui j’ai réalisé trois films, est dans le haut du panier.

Maintenant que vous êtes submergé d’offres, aimeriez-vous travailler dans une production américaine ?

Pouvoir choisir les projets et les personnes avec qui je souhaite travailler est un véritable luxe, j’en ai bien conscience. Mais je n’ai pas spécialement envie d’une grosse production américaine, même si j’aimerais tourner dans d’autres langues, anglais, espagnol ou italien, pour me perfectionner. Pour choisir, j’aimerais travailler avec des réalisateurs que j’admire, comme Paul Thomas Anderson [Magnolia, Boogie Nights, There Will Be Blood] ou James Gray [Little Odessa, The Yards, Ad Astra].

En vingt ans de carrière, votre approche du métier a-t-elle beaucoup changé ?

Si je me compare à Malik, j’étais définitivement bien plus dilettante que lui. Je suis arrivé en retard à mes castings. Je n’ai pas pris les choses au sérieux. Au fil de mes expériences, je suis devenu de plus en plus passionné par ce métier. Préparer un film m’absorbe complètement, au point de devenir une obsession, une sorte d’abandon au service du personnage. En ce moment par exemple, je prépare le film d’Arnaud Desplechin Un casdont nous commencerons le tournage à la fin du mois. J’y joue un pianiste de concert. Cela occupe une grande partie de mon espace mental. Je m’entraîne beaucoup au piano. J’ai hâte de commencer le tournage.

Vous parvenez à vous adapter à tous les registres, du thriller testostéroné aux films fanfarons, en passant par la comédie potache et les drames sentimentaux. Vous considérez-vous comme un homme « déconstruit » ?

C’est un mot qu’on utilise à toutes les sauces. En tout cas, je ne me considère pas comme un méga-macho. Mais il y a un travail d’introspection à faire pour tous les hommes aujourd’hui quand on voit les affaires récentes qui secouent la France, sans les évoquer. Même si tous les hommes ne sont pas responsables de ces questions, chaque homme a la responsabilité de se remettre en question, de son rapport aux autres, de son rapport aux femmes. Nous vivons ensemble et il y a des choses inquiétantes qui doivent changer. Pour le filmPas de vagues Par exemple [sorti en mars 2024]J’incarnais un professeur accusé à tort d’avoir harcelé un de ses élèves. Cela m’a bouleversé. En lisant le scénario, j’ai pu me mettre à la place de tous les protagonistes – le professeur, mais aussi la jeune fille qui s’est sentie blessée ou son frère qui menace le professeur. Le film a donné la parole à chacun. Surtout, cela a montré le système scolaire qui n’a peut-être pas réussi à collecter la parole et à la traiter. Nous avons besoin de plus d’écoute.

Un casting fantastique

C’est l’histoire d’une rencontre passionnée entre deux adolescents, Jackie (Mallory Wanecque), brisé par la mort de sa mère, et Clotaire (Malik Frikah), fils d’un ouvrier marginalisé. Une trahison envoie Clotaire en prison pour une longue période. On les retrouve une dizaine d’années plus tard, le premier sous les traits d’Adèle Exarchopoulos, les seconds sous ceux de François Civil. Jackie n’arrive pas à se reconstruire, tandis que Clotaire veut régler ses comptes et renouer le fil de son amour perdu. Divisé en deux parties, le film brille par sa reconstitution maniaque des années 1980 – bande-son calibrée (The Cure, Prince, Billy Idol…), parc automobile 100% d’époque (Golf I, Super cinq, Mercedes 280 S…) – et un casting cinq étoiles : Alain Chabat, Benoît Poelvoorde, Élodie Bouchez, Vincent Lacoste, Raphaël Quenard, Karim Leklou… Tous, relookés pour l’occasion – Lacoste en polo Ralph Lauren, pour couronner le tout –, dessinent un film choral avec punchlines bien senties, image soignée et magnétisme indéniable des interprètes. Bourré d’une énergie indéniable et contagieuse, ce (trop) long métrage (2 heures 40 minutes) aurait sans doute gagné à être scindé en mini-série façon Netflix, ou en diptyque enTuer Billtomes 1 et 2. Pour (encore) plus d’efficacité.

Amour oufde Gilles Lellouche, avec Adèle Exarchopoulos, François Civil, Mallory Wanecque, Malik Frikah. 02h40 Sortie le 16 octobre.

 
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