La foule, cette « étrange créature à mille têtes » qui happe tout le monde au détour d’une manifestation, d’un festival ou d’un réseau social, est exposée au Musée de la civilisation de Québec (MCQ), dans une présentation qui propose de démystifier la physique qui régit ses mouvements, explique ses excès et dicte ses codes inconscients.
L’humain, animal éminemment social, n’échappe jamais à la foule. Une promenade au centre-ville, un spectacle en salle ou, pourquoi pas, une visite dans un musée national sont autant d’occasions d’en faire partie. La science a posé sa loupe sur ce phénomène et le QCM invite son public à comprendre ses lois inconscientes de manière vulgarisée, ludique et franchement passionnante.
First presented at the Cité des sciences et de l’industrie in Paris, the exhibition Des foules. Laboratoire humain arrive au Québec dans une adaptation tout à fait locale. Né des travaux du chercheur Mehdi Moussaïd, auteur de Fouloscopie : ce que la foule dit de nous et chercheur en sciences cognitives, qui, pour mémoire, a débuté à l’UQAM en 2004, l’exposition propose une immersion interactive pleine d’anecdotes au cœur de la psychologie de la multitude.
Comment mesure-t-on une foule ? Qu’est-ce qui provoque son « frémissement », ce mouvement collectif qui dissout et emporte ses composantes individuelles ? Pourquoi une infinité d’unités forme-t-elle un tout qui bouge, chante, s’enthousiasme ou s’indigne en chœur ? Le cours d’une heure offert à Québec jette son filet dans le grand océan des sciences pour faire émerger des réponses tant en physique qu’en analyse de données.
Chaque objet d’étude a son unité de mesure, et celle de la foule s’appelle, sans surprise, densité. L’exposition commence par une illustration fondamentale de cinq occupations spatiales différentes. La vue d’un corps tridimensionnel, seul dans un mètre carré, n’excitera pas les agoraphobes : ajoutez en revanche huit personnes dans ce même espace, et les mauvais souvenirs d’un trajet à bord d’un métro bondé reviendront en mémoire. à coup sûr. L’inconfort aussi.
Une foule de paradoxes
C’est là un des nombreux paradoxes de la foule : elle magnifie l’exaltation des grandes fêtes autant qu’elle repousse, effraie, incommode et donne parfois libre cours aux plus grands déchaînements de violence. Il permet la communion des masses, mais sert en même - de carburant aux pandémies. La foule, capable du pire, mais aussi du meilleur, échappe aux conclusions faciles.
L’exposition permet néanmoins de mieux comprendre l’oiseau et de déjouer certains stéréotypes tenaces à son sujet. La foule ne se contente pas de réduire le quotient intellectuel collectif à son plus petit dénominateur commun. La science, encore une fois, a prouvé que la solidarité de la multitude, lors d’événements dramatiques comme la chute des tours du World Trade Center à New York ou l’attentat du Bataclan à Paris, permettait de sauver des vies.
Grâce à la foule, « le collectif peut corriger les erreurs individuelles », selon les mots du chercheur Moussaïd. Une salle avec quelques micros et trois chansons québécoises suffisent à le prouver : même si chaque voix prise séparément est atrocement fausse, une musicalité se dégage néanmoins de l’ensemble. Demandez à 788 personnes combien pèse le bœuf placé devant elles et elles auront complètement tort. Cependant, faites la moyenne de leurs réponses et l’estimation globale sera précise à 4 kg près !
Des partenariats internationaux à multiplier
Des foules. Laboratoire humain enseigne également comment les interactions quotidiennes de la multitude se fondent dans une harmonie sans chef d’orchestre. Dans un couloir bondé, la foule se divise instinctivement en deux selon le sens de circulation. Dans le règne animal, seuls les termites et les fourmis partagent l’efficacité civile de cette « circulation bidirectionnelle ».
La fin de l’exposition invite chacun à jouer au dompteur grâce à une ingénieuse découverte qui place le public dans le fauteuil des observateurs et des observés. Le résultat de Foules teste également la capacité de la foule à rendre l’individu capable de transgresser ses limites et ses interdits. Le public commettra-t-il le sacrilège de colorer les murs immaculés du musée malgré les consignes l’interdisant ? A Paris, une première désobéissance suffit à en entraîner mille autres. À voir si la foule québécoise se montrera plus « docile » que les cousins français malgré un premier graffiti exécuté par nul autre que la nouvelle directrice de l’institution, Julie Lemieux.
Avec Foulescette dernière inaugure également sa première exposition depuis sa encore fraîche nomination en novembre. Elle espère, au cours de son mandat, multiplier les collaborations internationales similaires à celle qui a permis Foules pour traverser l’Atlantique. « Ce sera la clé », précise le nouveau directeur. Nous avons encore perdu du financement de la Ville de Québec pour notre prochain budget et nous devrons réorganiser nos façons de faire. Les partenariats sont en effet moins coûteux pour le Musée, mais tout aussi créatifs et intéressants. »