Qui était Berthe Morisot, pionnière et co-fondatrice de l’impressionnisme, il y a 150 ans ? – .

Nous sommes dans les anciens studios du photographe Nadar, à deux pas du nouvel Opéra, au cœur de la Ville Lumière rénovée par Haussmannien. Amoureux de liberté et fascinés par la modernité, des créateurs réunis depuis 1873 au sein de la Société Anonyme Coopérative de peintres, sculpteurs et graveurs, inaugurent une exposition collective et indépendante, en marge de l’académisme du Salon officiel et de son jury. de bleuets.

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150 ans d’impressionnisme en quinze tableaux cultes

PORTFOLIO – Il y a 150 ans, Monet, Pissarro, Morisot, Degas et bien d’autres révolutionnaient la peinture. Pour célébrer cet anniversaire, le musée d’Orsay présente à partir de ce mardi (jusqu’au 14/07) quelque 130 œuvres des maîtres de l’époque dans l’exposition-événement « Paris 1874. – Inventer l’impressionnisme »

200 œuvres que le visiteur peut contempler, pour un droit d’entrée de 1 franc. Sans le savoir, le public et la critique ont devant eux de futurs chefs-d’œuvre, aujourd’hui reconnus dans le monde entier et d’une valeur inestimable. Pourtant, quasiment aucune œuvre ne sera vendue et l’exposition, qui accueillera au maximum 3.500 visiteurs pendant un mois, ruinera la société organisatrice, liquidée moins d’un an après sa création.

Une seule femme, Berthe Morisot


« Impression, Soleil levant », de Claude Monet, probablement exécutée durant l’hiver 1872-1873.

Musée Marmottan-Monet

Parmi les artistes, sept maîtres présentés passeront à la postérité, dont une seule femme : Berthe Morisot. Aux côtés de Claude Monet – dont le célèbre tableau illustrant le port du Havre, « Impression du soleil levant », est l’une des quatre œuvres vendues et donnera son nom au mouvement -, Auguste Renoir, Paul Cézanne, Alfred Sisley, Camille Pissarro et Degas, le jeune artiste expose neuf tableaux, dont trois huiles devenues célèbres : « Cache-cache », « La Lecture » et « Le Berceau ».


Peint par Berthe Morisot en 1872, « Le Berceau » représente Edma Morisot près du berceau de sa fille Blanche.

Musée d’Orsay

Élève de Corot, muse de Manet, elle reste l’une des signatures les plus importantes des impressionnistes, dont les toiles lumineuses, peintes en extérieur, loin des ateliers, montrent la réalité non telle qu’elle est, mais telle qu’ils la voient. percevoir : ce slogan, toutes les avant-gardes à venir s’en empareront.

De la classe moyenne supérieure

Berthe Morisot vers 1877.


Berthe Morisot vers 1877.

Wikimédia Commons

Comme presque toutes ses compagnes, Berthe Morisot, née en 1841 à Bourges, en pleine monarchie de Juillet, est issue de la bourgeoisie éclairée. Troisième de quatre enfants, elle a deux sœurs, Yves et Edma, et un petit frère, Tiburce. Son père, Edme Tiburce Morisot, était alors préfet du Cher. Il sera par la suite préfet du Calvados, puis d’Ille-et-Vilaine, avant d’être nommé en 1852 conseiller à la Cour des comptes de Paris. Chez les Morisots, l’amour de l’art et de la culture n’est pas qu’un vernis. Nous accueillons des artistes et des intellectuels. Musique, peinture…. Les enfants sont élevés dans les bonnes manières bourgeoises à Passy, ​​près de Paris, mais leur mère, Marie-Cornélie, veille à leur éveil artistique.

« La Lecture », portrait d'Edma Morisot, par Berthe Morisot, 1873.


« La Lecture », portrait d’Edma Morisot, par Berthe Morisot, 1873.

Musée d’art de Cleveland

Talent et caractère

Passionnées de peinture, Berthe et Edma suivent les cours de Joseph Guichard, élève de Delacroix et d’Ingres. A vingt ans, ils intègrent l’atelier de Jean-Baptiste Camille Corot, ami de Guichard, qui les initie à la peinture en plein air. Avec lui, ils peignent au bord des étangs de Ville-d’Avray. Les Beaux-Arts sont interdits aux femmes et le resteront jusqu’en 1897. Comme le fit en son temps la célèbre peintre animalière Rosa Bonheur, de vingt ans leur aînée, les deux sœurs copièrent alors les grands maîtres du Louvre, et se familiarisèrent avec l’art délicat du Maîtres du XVIIIe siècle, Watteau, Fragonard et François Boucher. Leurs formateurs les voient comme de futurs artistes. Ils sont très talentueux. Edma plus que Berthe. Mais cette dernière, qui travaille dur ses pinceaux, les impressionne par son caractère bien trempé.

Édouard Manet

Dès 1864, les dames Morisot présentent leurs tableaux au célèbre Salon, la manifestation artistique institutionnelle annuelle organisée chaque année depuis le XVIIe siècle afin de présenter au public les œuvres des derniers lauréats de l’Académie puis, à partir de 1817, de l’École. des Beaux-Arts. En 1865, dans la salle « M », leurs œuvres côtoient « Olympia » d’Édouard Manet, ce qui crée un retentissant scandale. La peinture de Manet s’efforce de capturer l’impression d’un instant plutôt que de restituer la réalité. Un idéal dans lequel se reconnaissent les deux sœurs. Grâce à leur ami Fantin-Latour, ils rencontrent Manet au Louvre. Dès 1868, ce dernier demande à Berthe de poser pour lui. En tout, il peint quatorze portraits d’elle. Comme les Morisots, les Manet étaient de grands bourgeois amateurs d’art et de culture. Les deux familles traînent. Dans le salon d’Édouard et de son épouse, la talentueuse pianiste Suzanne Leenhoff, Edma et Berthe rencontrent Zola et Baudelaire.

« Olympia », tableau d'Édouard Manet, peint en 1863 mais exposé pour la première fois au Salon de 1865.


« Olympia », tableau d’Édouard Manet, peint en 1863 mais exposé pour la première fois au Salon de 1865.

Musée d’Orsay

Figure de proue des « indépendants »

Edma abandonne sa carrière lorsqu’elle se marie en 1869. Mais pas Berthe. Pour la cadette, qui a beaucoup peint sa sœur, y compris après son mariage, la peinture doit primer. Son travail acharné finit par payer : en 1871, Paul Durand-Ruel, galeriste de Monet, expose ses œuvres. En 1874, année où elle finit par épouser Eugène, le frère d’Édouard Manet, elle est l’une des figures marquantes des « indépendants », qui méritent leur nom d’impressionnistes, à la suite de la célèbre exposition organisée boulevard des Capucines. Elle est soutenue par Manet, tandis que le journal « Le Figaro », particulièrement cinglant, dénonce ses tendances révolutionnaires et dangereuses dans une violente diatribe d’Albert Wolff. De Berthe Morisot, il dit : « Il y a aussi une femme dans le groupe comme dans tous les groupes célèbres ; elle s’appelle Berthe Morisot et elle est curieuse d’observer. En elle, la grâce féminine se maintient au milieu des excès d’un esprit délirant. La phrase a failli lui valoir un duel avec Manet.

  • « Femme et enfant au balcon » de Berthe Morisot, 1872.


    « Femme et enfant au balcon » de Berthe Morisot, 1872.

    Musée d’Orsay

  • La Chasse aux papillons, de Berthe Morisot, 1874.


    La Chasse aux papillons, de Berthe Morisot, 1874.

    Musée d’Orsay

Tombé dans l’oubli

Avec Pissarro, Berthe Morisot est la seule artiste du groupe à participer à toutes les expositions impressionnistes jusqu’en 1886, à l’exception de celle de 1879, année qui suit la naissance de sa fille Julie, qu’elle représente dans une multitude de portraits.

Eugène Manet et sa fille dans le jardin de Bougival, par Berthe Morisot, 1883.


Eugène Manet et sa fille dans le jardin de Bougival, par Berthe Morisot, 1883.

Wikimédia Commons

À sa mort de la grippe en 1895, l’artiste laisse derrière elle une œuvre conséquente : 423 peintures, 191 pastels, 240 aquarelles, 8 gravures, 2 sculptures et plus de 200 dessins. Masculinisme et misogynie obligent, les critiques d’art spécialisés dans l’impressionnisme la classent néanmoins rapidement parmi les peintres mineurs du mouvement. Lorsqu’elle est évoquée, c’est plus souvent comme modèle de Manet que comme alter ego du peintre. Son incroyable talent, comme celui de Rosa Bonheur, ou de bien d’autres artistes féminines avant elle, tombe dans l’oubli. Il faudra attendre 1987 pour qu’une première exposition rétrospective remette ses œuvres en lumière, aux États-Unis, grâce aux études de chercheuses féministes anglo-saxonnes. Elle se rendra ensuite en France.


“Jour d’été”, 1879.

Galerie nationale, Londres.

Le fonds Marmottan Monet

Aujourd’hui encore, Morisot est peu représentée dans les musées, comparée à ses compagnons impressionnistes masculins. Contrairement à eux, elle n’a vendu que quelques tableaux. Marmottan-Monet, qui lui a rendu hommage à Paris en 2012, fait exception. Les descendants de l’artiste voulaient qu’il abrite la première collection au monde de ses œuvres.

  • « Bergère couchée », de Berthe Morisot, 1891.


    « Bergère couchée », de Berthe Morisot, 1891.

    Musée Marmottan-Monet

  • «Roses trémières», 1880.


    «Roses trémières», 1880.

    Musée Marmottan-Monet

Son goût pour la lumière et les couleurs pastel, son don pour le dessin et sa liberté de style caractérisent les vingt-cinq tableaux, soixante-cinq aquarelles, pastels et dessins qu’il détient. Paysages de Normandie, marines de Nice, jardins fleuris et portraits de jeunes filles épanouies constituent une collection muséale unique au monde, qui permet d’embrasser l’œuvre de cette immense figure de l’impressionnisme.

 
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