Des fouilles sur des sites paléolithiques comme la Madeleine, en France, Grimaldi, en Italie, Sungir, en Russie, etc. en ont exhumé, parfois par milliers, associés à des restes, notamment cousus sur des vêtements. Autrement dit, ils sont utilisés comme ornement depuis des dizaines de milliers d’années. De quoi s’agit-il ? De perles. Et ils n’ont jamais cessé d’être à la mode jusqu’à aujourd’hui, avec les bons moments. Il en était ainsi dans l’Antiquité, où ces « larmes d’Aphrodite » étaient achetées, à raison d’une ou deux par an, par de riches familles romaines afin qu’à leur majorité, les filles aient un collier. entier. Et l’on se souvient de l’épisode, raconté par Pline l’Ancien et pourtant contesté, de Cléopâtre qui, voulant offrir le repas le plus cher, dissout dans du vinaigre l’une des deux grosses perles qu’elle portait en boucles d’oreilles.
Un autre moment de grand engouement eut lieu en France, entre la fin du XIXèmee et le milieu du 20ème sièclee siècle, où Paris devient la capitale des perles. Et cet apogée fait justement l’objet d’une exposition à la croisée de l’histoire, de l’art et des sciences organisée par l’École des Arts Joailliers de Paris.
L’histoire d’abord, avec l’essor du marché parisien. Jusqu’en 1906, le marché était détenu principalement par les Britanniques qui, depuis l’Inde, capturaient les perles pêchées principalement dans le golfe Persique, notamment à Bahreïn. En offrant de meilleures conditions, en se passant d’intermédiaires, un certain Leonard Rosenthal change le cours des choses et oriente les secteurs vers Paris où s’installent de nombreux commerçants. Artisans, bijoutiers, artistes, annonceurs, couturiers, sont tombés sous le charme de la perle (son prix dépassait parfois celui du diamant !) qui fut la riche époque de l’Art Nouveau, de l’Art Déco, de la Belle Époque…
Cet âge d’or prend fin, et plusieurs raisons peuvent être évoquées : crise de 1929, évolution de la mode, montée du nazisme… Mais la perle n’a jamais cessé d’inspirer les créateurs et, aujourd’hui encore, elle trouve sa place dans de nombreux bijoux.
L’heure est à l’art, car les pièces de haute joaillerie présentées sont exceptionnelles. Comme le dit Léonard Pouy, historien de l’art et commissaire de l’exposition : « Nous avons les plus belles du monde. » Ainsi, ce clip « Tête de mouton » de 2006 avec des rangs de perles à la place de la laine, de la maison JAR.
Ou encore ce devant de corsage dessiné par Henri Vever en 1905, en perles du Mississippi.
Ou encore cette broche « Gladiateur », sortie en 1956 des ateliers de Van Cleef & Arpels, soutien de l’École des Arts Joailliers. Au milieu de l’or jaune, des diamants, des émeraudes… le torse du jeune combattant est représenté par une grosse perle à la forme inhabituelle, non sphérique, et dite « baroque » pour cette raison. Comment expliquer cet aspect ?
C’est au tour de la science d’entrer en scène. Et d’abord, il convient de rappeler ce qu’est une perle. La nacre qui la compose est constituée d’un empilement de couches de cristaux d’aragonite, un minéral composé de carbonate de calcium CaCO3disposés comme des briques dans un mur, le mortier étant un mélange de protéines et de sucres (conchyoline). On distingue les perles fines, qui apparaissent naturellement, de celles dites « de culture ». Une légende raconte que les premiers apparaissent lorsque, par exemple, un grain de sable se glisse dans la coquille du mollusque bivalve qu’est l’huître, essentiellement du type Pinctada : cela entourerait l’intrus de nacre pour le neutraliser. Ce n’est pas le cas.
Même si le mécanisme conserve encore quelques mystères, ses grandes lignes ont été éclaircies. Certaines cellules du manteau de l’animal, la structure la plus externe du corps mou qui tapisse l’intérieur de la coquille, se détacheraient, suite à une infection probablement virale, et persisteraient, après avoir pris la forme d’un soi-disant sac. perlier », pour faire ce pour quoi ils sont programmés : produire de la nacre jusqu’à l’obtention d’une perle.
Ceux de culture, plus fréquents, résultent d’un processus plus compliqué, explique Nathalie Le Gloahec, qui a créé une ferme perlière à Tahiti : « Un noyau, c’est-à-dire un morceau sphérique de coquille d’une moule d’eau douce du Mississippi, aux États-Unis. , est entourée d’un morceau du manteau d’une huître donneuse, puis insérée dans la gonade d’une autre huître receveuse. Là, le greffon devient le germe d’une future perle. »
Et la perle baroque du gladiateur ? Selon Olivier Segura, gemmologue et deuxième commissaire de l’exposition, il s’agirait d’un exemple de « soufflage », lorsqu’un dégagement de gaz se produit à l’intérieur du sac de perles, déforme la perle et en fait une sorte de ballon à l’intérieur. à partir duquel la matière organique se décompose. C’est un phénomène assez rare et pas complètement expliqué, mais qui a laissé un souvenir amer à certains commerçants. Lorsque ces perles transpercent, et que les odeurs pestilentielles qu’elles dégagent obligent à ouvrir la fenêtre pendant plusieurs jours ! Cela n’a jamais nui à la « perlomanie » parisienne, et gageons que vous y succomberez vous aussi.
« Paris, capitale des perles », à l’Ecole des Arts Joailliers, à Paris, jusqu’au 1est Juin 2025.