C’était son huitième voyage commémoratif en Pologne avec des étudiants. Muriel Guedj, professeur d’anglais au lycée professionnel privé L’Initiative, dans le 19e arrondissement de Paris, de confession juive et passionnée par l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, connaît par expérience les fruits de ce type de projets sur les jeunes. : remise en question, ouverture sur le monde et apprentissage de l’importance de transmettre la mémoire.
40% de la population juive mondiale assassinée
Ce vendredi de novembre 2024, les sept étudiants de Première Professionnelle, quasi exclusivement des jeunes femmes, sont particulièrement attentifs. Depuis le début de l’année, avec leur professeur d’anglais, ils ont déjà regardé les films Échapper à Sobibor – du nom d’un autre camp qu’ils visiteront également en Pologne – La liste de Schindleret visité le Mémorial de la Shoah à Paris ainsi que celui de Drancy (Seine-Saint-Denis).
Silence, écoute, quelques questions réfléchies : tout montre qu’ils ont déjà intégré des repères et des connaissances précises sur l’histoire de cette tragédie du XXe siècle, la mort annoncée, planifiée et exécutée à l’échelle industrielle de cinq à six. millions de Juifs, soit 40 % de la population juive mondiale, soit la moitié de celle de l’Europe de l’époque.
Actes de résistance et de désobéissance
Depuis la rentrée scolaire, lors de ce cours hebdomadaire qui les avait préparés à ce voyage, Muriel Guedj avait décidé de remettre en question le verset biblique contenu dans le livre d’Isaïe : « Maltraité, il s’est humilié, il « n’a pas ouvert sa bouche, comme un agneau qui se laisse conduire à l’abattoir. (Es, 53, 7).
Elle n’entendait pas laisser fleurir dans l’esprit des étudiants l’idée que les Juifs seraient restés passifs face aux menaces d’extermination qui pesaient sur eux. « Vous souvenez-vous, à Drancy, du tunnel creusé qui permettait aux juifs de s’échapper ? « . Elle a également souligné les nombreux actes de résistance et de désobéissance. « Non, les Juifs ne se sont pas laissés conduire à l’abattoir sans rien dire ! »
Émotion, échange, discussion
Des photos du camp d’Auschwitz ont circulé dans la classe, une discussion sur la signification du noir et blanc dans le film de Spielberg La liste de Schindler a commencé. L’émotion, l’échange, la discussion font partie intégrante du travail de mémoire.
-Ameline, 21 ans, lève souvent la main et participe activement au cours. À la sortie du cours, elle confie : « J’aime particulièrement l’histoire, elle permet de mieux comprendre les conflits actuels. J’ai hâte d’aller en Pologne pour apprendre encore plus cette période, c’est une belle opportunité ! Mais bien sûr, c’est aussi difficile. On n’y va pas avec le sourire jusqu’aux oreilles… »
Sofia, 17 ans, d’origine tunisienne par sa mère, dont le grand-père était juif et qui a un père athée issu d’une famille chrétienne, estime que « toute religion est respectable et appelle, par définition, à la paix. » Elle avait surtout hâte de partir en Pologne pour « découvrir un nouveau pays ».
L’enseignante n’a que très rarement été confrontée à des réactions d’indifférence ou de rejet de la part de ses élèves. Elle témoigne même que ce sont « les enfants arabo-musulmans qui me remercient le plus à mon retour de Pologne. Ils me disent qu’ils ont beaucoup appris, qu’ils ont été émus… Je me souviens de l’un d’eux, l’année dernière, Elias, en dernière année. C’était un leader, un étudiant un peu remuant, qui vivait à La Courneuve (Seine-Saint-Denis). Il a déclaré ouvertement qu’il « ne se souciait pas du tout » de l’Holocauste, qu’il était simplement heureux d’aller en Pologne pour être avec ses amis. Sur le chemin du retour, il m’a raconté qu’il avait retenu ses larmes à plusieurs reprises au cours du voyage. Il m’a aussi dit qu’il y avait des Juifs dans sa famille. Cela m’a vraiment touché.
Muriel Guedj a pu le vérifier : cette préparation de plusieurs mois permet d’aller encore plus loin dans le travail de mémoire une fois sur place. À leur retour, elle demande également à ses élèves d’écrire ce qui les a frappés, ce qu’ils ont appris. Afin de ne pas laisser toute la place à l’émotion et de laisser la raison faire son œuvre dans l’esprit de ces jeunes adultes.