En Ukraine, les habitants vivent avec le risque que des explosifs infestent le sol

Près de trois ans après le début de la guerre, l’Ukraine est désormais l’un des pays au monde dont le sol est le plus contaminé par les explosifs.

C’est particulièrement le cas dans l’oblast de Kharkiv, à la frontière russe, une région où la population a fui en masse les petits villages proches de la ligne de front. La route menant à l’une d’elles, Kunye, est ponctuée de grands panneaux ornés de crânes rouges, qui rappellent le danger omniprésent des mines.

Viktor se tient devant sa maison au toit bleu et aux fenêtres masquées par des rideaux de dentelle. Il y a deux ans, il a trouvé une grosse bombe dans le champ où il cultive ses céréales. “Nous avons prévenu le conseil du village, mais personne n’a rien faitdit-il. Nous devons le contourner avec le tracteur et la moissonneuse. Les sauveteurs nous ont dit que c’était risqué, qu’il fallait le faire sauter, mais ils l’ont laissé tel quel pendant deux ans !

« La bombe risque d’exploser à cause du soleil ou des vibrations. Mais nous travaillons sur des moissonneuses, et c’est dans notre champ !

Viktor, résident de Kunye, à la frontière entre l’Ukraine et la Russie

sur franceinfo

Kunye comptait 5 000 habitants avant la guerre, il y en a à peine 2 000 aujourd’hui. La plupart d’entre eux sont des personnes âgées, comme Larissa et Sergei qui vivent dans une maison au bord de la route principale. Sur l’écran de leur téléphone, ils affichent une coque. “C’était juste derrière le potager, là où on attachait le bétail, au bord de la route, on les voyait en passantdécrit Larissa. L’explosion a touché notre potager, ça a fait un cratère. Et là où l’obus est tombé, plus rien ne pousse. »

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Après presque trois ans de combats, six mois d’occupation par les Russes puis la reconquête du village par les Ukrainiens, les conséquences sont bien visibles. Pour la population, il faut apprendre à vivre avec les explosifs.

Bombes, missiles et drones kamikaze continuent de tuer dans la région. Des ONG comme Handicap International y mènent des actions de prévention. Une de leurs équipes s’arrête devant une maison de Kunye d’où sort une babouchka, un foulard noué autour de la tête, les doigts rougis par le froid. La sirène a beau retentir plusieurs fois par jour dans le village, les réflexes ne sont toujours pas acquis. “Avec la paume de votre main, couvrez vos oreilles et protégez votre tête pour que vos tympans n’explosent pasexplique un membre de Handicap international. Ne retenez pas votre respiration et gardez la bouche ouverte car l’onde de choc peut créer une forte compression et provoquer une commotion cérébrale. S’il y a un fossé ou un trou, descendez le plus bas possible. Plus vous êtes bas par rapport au sol, mieux c’est pour vous, souvenez-vous-en.

Un membre de l’ONG Handicap International explique à un habitant de Kunye comment se protéger des bombardements (CLAUDE GUIBAL / RADIO FRANCE)

La population, désormais habituée à vivre à proximité d’explosifs, n’est plus forcément consciente des dangers. « Avec toutes les destructions dans ces localités, il ne reste plus beaucoup d’emploisse désole Oleksi, chef de mission à Handicap International. Les gens essaient donc de rapporter les coquillages chez eux car des rumeurs courent selon lesquelles ils sont faits de métaux précieux. Ils tentent donc de les récupérer pour les revendre dans des points de collecte de métaux. Tout cela est dangereux. Depuis le début de la guerre, on estime que plus de 300 personnes ont été tuées et plus de 700 blessées par les restes explosifs.

Près d’un quart de l’Ukraine serait touché par la présence de ces centaines de milliers d’explosifs qui entravent l’agriculture, la reprise économique et la reconstruction du pays. Selon les autorités ukrainiennes, au moins plus de 150 000 kilomètres carrés de territoire doivent être inspectés pour espérer pouvoir y mener une vie normale. Les experts estiment qu’il faudra plusieurs décennies pour débarrasser l’Ukraine de ces matières explosives, une tâche gigantesque qui pourrait coûter jusqu’à 37 milliards d’euros, selon la Banque mondiale. La ligne de front, longue de plus de 1 000 kilomètres, constitue désormais le plus long champ de mines du monde.

 
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