Le 27 janvier 1945, les soldats de l’Armée rouge ouvrent les portes du camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau et libèrent les survivants. L’opinion mondiale découvre alors l’existence de camps d’extermination nazis, organisés à l’échelle industrielle. En France, où même le terme « survivant » sera débattu, des voix s’élèveront rapidement pour se plaindre qu’on en parle trop. En réalité, peu de journaux ont été émus par la découverte des camps. Parmi eux, le journal résistant Libération (dont les ayants droit nous feront bien plus tard l’honneur de nous donner leur titre), est pratiquement le seul à publier à la Une un reportage sur ce qu’il appelle « le camp de la mort lente », avec humanité, qui publia un témoignage glaçant de l’intérieur du camp le 13 septembre 1944. L’opinion publique ne veut pas les écouter, nous explique dans une interview passionnante l’historienne Tal Bruttmann, car elle ne veut pas entendre ce que disent ces juifs, résistants, communistes et tant d’autres ont vécu pendant la guerre. Elle n’en veut pas davantage aujourd’hui, alors que les enseignements de ce 80e anniversaire sont largement ignorés. En Europe, où vit seulement 10 % de la population juive mondiale, contre 60 % en 1939, les antisémites sont plus que jamais à l’offensive, revigorés par les massacres du 7 octobre en Israël et par le réflexe immédiat d’imputer aux Juifs leurs terribles conséquences pour les Palestiniens. Les enseignants sont souvent peu armés pour aborder le sujet en classe, tant les formations sont d’autant plus rares que les arrestations sont nombreuses. Les survivants que nous avons réunis pour un entretien plein de tristesse – mais aussi d’espoir – le savent : le but de la commémoration d’aujourd’hui est avant tout de tirer d’Auschwitz les leçons pour le présent.
