« Ciels d’or » du Trio Haydée – Ils composent, ils transcrivent, ils interprètent – ​​Critique

Difficile d’anéantir des siècles de préjugés en un jour : un disque ne réunissant que des compositrices, cela se remarque encore, même si rien n’empêche d’espérer que cela finira par devenir aussi normal qu’un programme ne mettant en scène que des compositrices. compositeurs. Mais des progrès ont déjà été réalisés dans le domaine classique : un disque interprété exclusivement par des musiciennes ne surprend plus personne, alors qu’il aurait été rare il y a quelques décennies.

Trio Haydée (from left to right: Anastasie Lefebvre de Rieux, Marielou Jacquard, Constance Luzzati) © Jean-Baptiste Millot

Le Trio Haydée doit son nom à un personnage du Comte de Monte-CristoDumas lui-même ayant repris le nom autrefois fort célèbre d’une des héroïnes du Dom Juan de Byron paru vingt ans auparavant, Haydée étant cette jeune Grecque qui accueille le héros naufragé et tombe amoureuse de lui (l’opéra Haydée d’Auber, trois ans après le roman de Dumas, invente encore un autre personnage portant ce nom). Il réunit une voix, celle de la mezzo Marilou Jacquart, avec deux instrumentistes, la flûtiste Anastasie Lefebvre de Rieux et la harpiste Constance Luzzati, sœur de la violoncelliste Héloïse Luzzati qui a créé le label « La Boîte à Pépites » pour défendre les compositrices. C’est cependant pour une autre maison de disques que le Trio Haydée a enregistré ce programme, Voces8 Records.

Le programme rassemble des œuvres de onze compositrices d’époques et de styles variés, célèbres ou oubliées, françaises ou étrangères, trois d’entre elles vivantes, les autres décédées depuis plus ou moins longtemps (née en 1941, Edith Lejet est décédée l’année dernière – on lui doit la seule piste non vocale de ce disque). La plus ancienne est aussi la plus célèbre puisqu’il s’agit de Pauline Viardot, dont on continue de redécouvrir l’œuvre de compositrice, même si elle n’a longtemps été connue que comme chanteuse ou comme inspiratrice. Sa proche contemporaine, Clémence de Grandval, vient de connaître une brillante revanche avec la reconstitution de son opéra Mazeppa.(1) Tous deux sont présents avec des pièces relevant en partie du pastiche historicisant, sur des poèmes du XVee ou le 17ème sièclee siècle, auquel s’ajoute néanmoins l’imitation de l’oiseau pour « Roussignoulet » de Viardot. « Nuit d’étoiles », de Théodore de Banville, composée en 1892 par Louise-Zoé Gouirand-Gentil, n’a rien à envier à la version réalisée peu avant par le très jeune Debussy.

Avec « Reflets » de Lili Boulanger, sur un poème de Maeterlinck, on entre dans le XXe sièclee siècle. De 1939 date l’exquis Trois chansons de Rosy Wertheim à partir de poèmes chinois et, si talentueux que soient les arrangements proposés ailleurs, de pièces pour voix et piano ou pour voix, piano et violon, par exemple, on comprend bien que cette œuvre a été conçue d’emblée pour flûte, voix et harpe , ainsi que le fascinant Chansons de sommeil (1959) réunissant des poètes britanniques de différentes époques, par Grace Williams, qui collabora un temps avec Britten. Le « Pantoum » de Marguerite Roesgen-Champion prend une forme poétique orientale (Ravel a choisi ce même titre pour le deuxième mouvement de son Trio avec piano). Parmi nos plus proches, Edith Canat de Chizy est la seule représentante de la modernité avant-gardiste, les autres semblant parfois très tournées vers le passé.

Dans toute la diversité de ces pièces, le charme de l’association voix-flûte-harpe opère sans faille. Marilou Jacquard semble aussi à l’aise en anglais ou en espagnol qu’en français, et ce n’est qu’en de rares occasions que son timbre clair de mezzo semble un instant prisonnier d’une tessiture un peu trop serrée pour sa voix, les œuvres d’Elisenda Fabregas et Josephine Stephenson ( ce dernier étant une commande passée par le trio) lui permettant de mettre davantage en valeur les basses de sa tessiture.

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Laurent Bury

(1) www.concertclassic.com/article/mazeppa-de-clemence-de-grandval-munich-une-eleve-plus-douee-que-le-maitre-compte-rendu

Sortie du disque le 7 février 2025 (Voces8 Records / VCM 169)

Le Trio Haydée a présenté un programme largement similaire à l’Auditorium du Musée d’Orsay le mardi 21 janvier et se produira à l’Espace Camac (92 rue Petit, 75019 Paris / M° Ourcq) le jeudi 30 janvier 2025 à 20h – tél. 01 40 40 08 40 ) // www.camac-harps.com/fr/events/?sd=%2F2025-01-30
Photo © Jean-Baptiste Millot

 
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