Dans le sillage de la danseuse étoile, Guillaume Diop, le film d’Arte dévoile un opéra de Paris qui, en consacrant le talent d’un jeune talent noir, s’ouvre enfin à la diversité. Un documentaire passionnant avec un accès gratuit jusqu’au 21 juillet 2025 produit par Virginie Plaut et Youcef Khémane
Un article de Sandra Joxe
Le 11 mars 2023, Guillaume Diop a été nommé danseur vedette à l’Opéra de Paris: c’est un événement, une grande première pour cette institution attachée à ses traditions, qui n’avait jamais accordé ce titre à… un noir.
Son talent expressif épuisé et tous les danseurs exigent “Ce partenaire idéal” qui, avec sa grande taille (1,87 m), leur apporte la grâce mais aussi la sécurité. Après avoir assuré de nombreux rôles majeurs dans le répertoire, il est promu au grade d’un danseur vedette: c’est la consécration.
Pour ce jeune métis, avec une beauté et une grâce à couper le souffle, la pression est immense: il veut honorer le défi artistique et devenir un symbole pour les jeunes générations.
Celui qui (beaucoup) a souffert lors de son apprenti me fait peur aussi. Je viens d’avoir 23 ans, je dois déjà me connaître avant de pouvoir représenter les autres », confie-t-il) à la caméra, dans ce film à la fois intime et politique.
Guillaume Diop, s’il ne cache pas sa sensibilité à bord, est également un militant pendant son temps libre: dès 2020, il a rejoint un collectif de danseurs qui ont signé un manifeste contre la discrimination raciale à l’opéra de Paris. Le mouvement avait fait du bruit et a même suscité une controverse dans la presse spécialisée. Il a visiblement porté des fruits car voici Guillaume Diop Dancer Star! Cela ne l’empêche pas de montrer son humilité, sa fragilité et surtout sa peur qu’il ne soit accusé d’être seulement un produit illégitime d’une discrimination positive! Une honte: même au sommet de la gloire, la danseuse noire ne peut calmement profiter de son statut.
“C’est pourquoi j’ai travaillé comme un patient, je ne voulais pas être dit que j’étais juste mis là parce que j’étais noir”.
Le documentaire sait comment faire la part entre les deux visages du personnage: son triomphe sur scène, son sourire radieux, sa générosité envers les petits rats d’opéra (son meilleur fan club) mais aussi ses secrets moins joyeux: il confie après avoir gardé un «Mémoire violente de l’école de danse» où il a été critiqué pour ses fesses trop dodues ou ses petits pieds cambrés. Il est passé par l’anorexie, la dépression: «Être le seul en couleur est une anxiété».
Une trajectoire et une problématique qui se souvient – entre autres – celle de Marianne Anderson: l’une des premières chanteurs de contralto, Black American a promu à l’opéra et qui a suscité de nombreuses réactions d’hostilité à l’époque.
En 1955, l’établissement musical a finalement ouvert les portes du Met (New York Opera) et c’était une révolution! Il a fallu 50 ans de plus pour un jeune danseur noir, promu au firmament de l’opéra de Paris.
Le mélange des deux cultures
Guillaume Diop admet Franco que la préexistence d’une étoile noire rassurerait sans aucun doute ses parents – père sénégalais et mère française – lorsqu’il s’est lancé. Parce que si ce dernier le soutenait dès le départ (en particulier la mère), ils se souviennent également fréquemment de la nécessité d’avoir le BAC en cas de recyclage.
Le père africain admet avoir été sceptique: dans mon pays, il confie: «Danser ce n’est pas un travail», et il en voulait un, solide, pour son fils.
-Maintenant, il l’applaudira sous l’or du Palais Garnier.
Quant au fils qui a tenu le cours de sa passion malgré le cours d’obstacles, il aurait bien essayé la médecine si la danse, découverte en accompagnant sa grande sœur à un cours d’éveil, ne l’avait pas attrapé «Se faire interroger tous les jours à la barre était exaltant, exprimant mes sentiments dans cette langue hyper codifiée me fascinait. »» Le seul aspect de sa vie sociale qu’il refuse de sacrifier? Ses vacances dans la banlieue de Dakar, où vit sa grand-mère paternelle. «Mélanger les deux cultures compte pour moi».
“Noir? Ce n’est pas une insulte »
Dans le film apparaît également une jeune joueuse de contrebasse martinicaine, Sullivan Loison, qui vient de rejoindre l’opéra de Paris où elle est jusqu’à présent «la seule personne de couleur»!
Autant la danseuse vedette Guillaume Diop, exprime ses préoccupations et n’ignore pas les souffrances endurées, autant que le jeune musicien affiche une relaxation joviale, lucide et conquérante! Eh bien, dans sa peau, la langue bien pendue, sûre de son talent en tant que musicienne et passionnée par son travail, la couleur de sa peau ne semble pas l’avoir traumatisée, au contraire: elle encouragera ceux qui l’entouraient l’abandon de l’euphémisme de ” Person de couleur »ou« noir »anglicisme au profit du mot français: noir!
Et le jeune artiste à déclarer non sans fierté: “Ce n’est pas une insulte, c’est ma couleur de peau et elle est élégante”.
Révolution à Palais Garnier
S’il veut être un panorama de la situation à l’Opéra de Paris, le film se concentre principalement sur: répétitions, visites, interview avec des managers, des réunions délicates du comité de «diversité» au cours de laquelle nous apprenons que les Noirs n’ont pas le même physique TELECTEMENT (ouverture des hanches, forme de l’arc) et que le répertoire de l’opéra occidental classique n’est pas nécessairement bien adapté à leur morphologie: c’est donc c’est à eux de s’y adapter! L’argument a longtemps été invoqué par des enseignants réticents qui «« Blackboula »apprentissage des Blackboula» sont presque systématiques avec la peau trop basante à leur goût. Les temps ont changé, mais les anciennes réagsions ont la peau (blanche mais…) dur!
Pourquoi les filles «racialisées» âgées de 11 à 13 ans sont-elles encore moins candidates à l’école de ballet que les pairs de leurs garçons? Les questions ici ouvertes sont parfois vertigineuses…
Comment surmonter la résistance des enseignants? Devrions-nous adoucir les codes esthétiques? Ce film raconte la révolution du velours qui se déroule dans une institution encore terriblement figée, même si progressivement, elle finit par se dépoussiérer, sans rejeter un répertoire hérité du 19e siècle avec ce qu’il offre des stéréotypes et des préjugés, parfois raciste. Grâce à Guillaume Diop et Sullivan Loison, l’opéra et le ballet occidental classique seront revisités de manière stimulante…
La révolution est en cours, comme en témoignent ces belles scènes ou de la danseuse étoile que nous acceptons, pour la première fois de sa carrière, ses cheveux crépus: un très joli coiffeur (noir) pas très fier de son compétence, s’efforce de reconstruire sur le crâne du danseur, une coiffure afro traditionnelle avec des tresses collées, comme les guerriers ethniques les portent: un superbe résultat.
À travers le portrait nu de ces deux jeunes personnalités talentueuses et solaires, chacune à leur manière, le film » Être noir à l’opéra »Évoque deux trajectoires exemplaires et complémentaires qui vous donnent envie de… courir pour assister à un spectacle, dans leur entreprise, à l’Opéra de Paris!