L’uniformisation des prix de l’eau entre les communes de la CCPP a suscité de vifs débats au sein du conseil. Cette convergence progressive durera 10 ans mais pourra être révisée dans le futur.
Ravenel n’avait pas accueilli de conseil communautaire depuis 7 ans. Une attente récompensée par l’une des réunions les plus longues et animées de l’année, ce jeudi 19 décembre, lors du dernier conseil communautaire de 2024.
L’un des sujets majeurs à l’ordre du jour, loin de faire l’unanimité, portait sur l’unification des tarifs de l’eau entre les 52 communes de la communauté de communes du Plateau Picard (CCPP).
Un thème complexe et insolite dans une assemblée où règne généralement le consensus.
Principe de solidarité et de respect de la ressource en eau
Pour mieux comprendre les tenants et aboutissants de ce dossier, petit retour dans le passé. En 2018, la CCPP récupère la compétence eau et mandate un cabinet. Une étude a révélé une grande disparité quant aux prix de l’eau entre les communes avec pas moins de 21 grilles tarifaires différentes. Une hétérogénéité intenable qui touche aussi bien la partie fixe que la partie variable.
« Tout le monde n’est pas logé dans la même enseigne et l’étude nous a donné des perspectives d’harmonisation des prix de l’eau », details Olivier de Beule.« C’était un choix de ne pas harmoniser à l’époque car il y avait des différences de qualité de service. Nous avons progressivement amené tout le monde à une norme et maintenant, il faut s’attaquer à la standardisation des prix »ABSUDE GEOFFREY FUMAROLI, Directeur Général des Services.
L’objectif : atteindre une souscription fixée à 90 € et une part variable à 2,58 €/m³.
En levant le principe de solidarité propre à une communauté de communes, Olivier de Beule a soutenu que cette convergence permettra de réaliser des investissements majeurs avec notamment le financement d’un programme pluriannuel d’une décennie évalué à 12 millions d’euros visant à réhabiliter certains équipements ou encore pour renouveler les canalisations.
Des travaux qui seront également conformes aux exigences gouvernementales en matière de fuite.
-Quelles conséquences sur les factures ?
Mais forcément, compte tenu des écarts existants actuellement sur le territoire, certains habitants pourraient voir leurs factures gonfler tandis que d’autres vont diminuer. Selon les calculs effectués par le cabinet qui accompagne le CCPP, la différence annuelle serait comprise entre – 15 € et + 13 €.
Sans surprise, plusieurs voix se sont élevées dans l’assemblée et notamment celle du maire de Valescourt, Jean-Pierre Gourdou dont l’opposition à ce projet est de notoriété publique.« Mon conseil municipal est contre cette convergence »lance-t-il, débite un flot de chiffres et de simulations. Dénoncer un « Manque de concertation »Jean-Pierre Gourdou a demandé un report du vote d’environ 18 mois, le temps que le schéma directeur soit obtenu.
Mais la prochaine échéance électorale est dans toutes les têtes et Olivier de Beule ne souhaite pas relancer cette machine complexe et démarre depuis 6 ans déjà avec un collège en partie renouvelé. « L’eau n’est pas une compétence communale »rappelle ce dernier.
Après ce passe d’arme assez technique, Xavier Matte, premier édile à Sains-Morainvillers, a rappelé le nœud du problème : la conséquence financière d’une telle décision pour les ménages. Une inquiétude partagée par Francis SOETAERT, maire de Tricot. « Comment les gens vont-ils payer ? Nous sommes déjà confrontés à beaucoup d’impayés impayés ». S’ensuit une série d’échanges mêlant inquiétudes et doutes.
Savoir naviguer en eaux troubles
Enfin, la maire d’Angivillers, Elisabeth Van de Weghe, a présenté l’église au milieu du village en rappelant le problème des fuites et les contraintes liées à l’eau. « Nous sommes entre le marteau et l’enclume. Si on a trop de fuites, on aura des sanctions de l’Etat, donc indirectement des coûts. En cas de pollution ou de sécheresse, il faut s’unir les uns aux autres. Et il faut aussi penser à la sécurité incendie. Oui, cela fait une grosse facture pour les gens qui ont de l’eau désinfectée et il y a peut-être un compromis à faire sur le calendrier. »
Une intervention qui a semblé apaiser les tensions, permettant à Olivier de Beule de prendre la parole, après une heure de débat fleuve. Cette dernière s’engage chaque année à revoir les tarifs, « A voir si la dynamique est la bonne ». Mais pas seulement. « Chaque année, les prix seront votés. Chaque année, nous nous positionnerons à nouveau sur le retard. Nous déciderons de la périodicité, de l’objectif des 90 €. Ayez l’assurance que nous serons transparents et que nous nous reverrons chaque année. »
Une promesse à laquelle l’actuel président du CCPP devra se tenir et qui n’est pas tombée dans les oreilles d’un sourd.
L’un des votes les plus controversés du plateau picard
Si plusieurs conseillers ont souhaité reporter le vote de cette délibération, Jeanpierre Gourdou a finalement demandé un scrutin secret. Seuls 7 autres élus se sont exprimés en faveur de ce type de scrutin, insuffisant pour l’appliquer.
Finalement, la délibération a été adoptée malgré 8 abstentions et 13 voix contre.
Émeline Bertel