Chaque mardi, Devoir offre un espace aux créateurs de périodique. Cette semaine, nous vous proposons un extrait d’un texte publié dans la Revue d’histoire de la Nouvelle-France, n° 5 (hiver 2025).
La réconciliation avec les peuples autochtones s’est imposée comme une priorité au Québec et au Canada, soutenue par des initiatives symboliques et politiques. Cependant, au-delà de ces gestes, comment parvenir à une véritable réconciliation qui donne aux peuples autochtones leur place dans l’histoire nationale ?
Réécrire l’histoire apparaît comme une solution clé, mais soulève des défis complexes pour les sociétés concernées. Depuis le tournant des années 2000, l’heure est à la réconciliation avec les peuples autochtones du Québec, du Canada et d’ailleurs dans le monde.
De la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (2007) à la motion visant à reconnaître les principes de la même déclaration adoptée par l’Assemblée nationale du Québec (2019), en passant par la Commission de vérité et réconciliation du Canada (de 2008 à 2015) , il y a une vraie poussée en faveur des Premières Nations.
Aujourd’hui, une ville comme Montréal a sa propre stratégie de réconciliation avec les peuples autochtones et une Journée nationale pour la vérité et la réconciliation a récemment été instituée au Canada, le 30 septembre de chaque année. Le mois de juin est également désigné, depuis 2009, comme Mois national de l’histoire autochtone au Canada.
Conscience
Les objectifs de ces différentes initiatives sont de sensibiliser les populations et, pour les institutions politiques, de réparer les abus subis par certaines nations autochtones au cours de l’histoire.
Au Canada, ces abus ont eu lieu principalement en relation avec la Loi sur les Indiens (adoptée en 1876) et les pensionnats, qui visaient l’acculturation des peuples autochtones. Accroître la visibilité et la présence des Premières Nations fait également partie des objectifs.
Mais au-delà de ces gestes surtout politiques et symboliques, que se passe-t-il concrètement ? Comment réaliser une véritable réconciliation capable de panser les blessures infligées tout au long de l’histoire et de repartir sur de nouvelles bases ?
-Dans son récent essai intitulé Les peuples autochtones. La partie effacée du Québec, l’anthropologue Gilles Bibeau lance une solution possible. Ce dernier soutient « que l’avenir des relations entre les peuples autochtones et les Québécois et le sens même de la nation québécoise dépendent intimement de ce que sera ou non la « réécriture à parts égales » de notre histoire ». Bibeau envisage ainsi un récit qui tient autant compte des versions québécoise et autochtone.
Point de vue
Jusqu’à présent, il y a eu quelques tentatives isolées de la part d’historiens occidentaux cherchant à raconter l’histoire du point de vue indigène. Mais c’est avec une réelle envie de s’inscrire dans ce processus de réconciliation que l’historien Patrice Groulx a récemment publié un ouvrage, Pour en finir avec Dollardce qui correspond très bien à « l’histoire à parts égales » souhaitée par Bibeau.
Groulx revisite le mythe de Dollard des Ormeaux et la place qu’y occupent les autochtones. Dans cette histoire qui a longtemps marqué la mémoire collective canadienne-française et québécoise, Dollard et 16 Français, accompagnés d’une quarantaine de Hurons-Wendat et de quatre Anishinabe, combattirent contre les Iroquois lors de la bataille de Kinodjiwan (Long-Sault), en 1660. Même si l’expédition se solde par une défaite cuisante pour les alliés, Dollard a longtemps été célébré pour un acte de bravoure qui l’aurait amené à se sacrifier et à sauver la Nouvelle-France. Cependant, la réalité était plus complexe que cela…
Selon Groulx, la mémoire de la bataille de Kinodjiwan constitue un exemple typique de l’effacement des peuples autochtones du récit historique. Dans son ouvrage, il entreprend donc une relecture de cette histoire pour redonner aux Premières Nations la place qui leur revient. Pour cet historien, « le traitement de l’histoire fait aussi partie du processus de réconciliation ».
Cependant, comment s’y prendre ? Est-ce aux historiens québécois d’entreprendre ce projet, aux autochtones eux-mêmes ou aux deux communautés? Quelles sources devrions-nous utiliser pour obtenir le point de vue autochtone ?
Commentaires ou suggestions d’idées en cours de révision ? Écrivez à [email protected].