Au procès libyen, Nicolas Sarkozy raconte sa rencontre sous la tente avec Kadhafi

Par
Clément Lacombe

Publié le

21 janvier 2025 à 8h53, mis à jour le

21 janvier 2025 à 9h23

Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, lors de sa rencontre avec le dictateur libyen Mouammar Kadhafi le 6 octobre 2005 à Tripoli. OUSAMA IBRAHIM / AFP

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L’ancien chef de l’Etat a été longuement interrogé sur la visite effectuée au dictateur libyen à Tripoli le 6 octobre 2005, au cours de laquelle, selon l’accusation, le « pacte de corruption » a été conclu. Ce contre quoi il s’est défendu pendant plus de trois heures.

Pour aller plus loin

Nicolas Sarkozy est d’abord resté silencieux après avoir entendu la présidente du tribunal, Nathalie Gavarino, poser sa question avec désinvolture – en fait, la question centrale au cœur du procès sur le financement présumé de la campagne libyenne de 2007 : « Avez-vous demandé un financement sous la tente ? » La tente bédouine est la toile sous laquelle Mouammar Kadhafi, le dictateur libyen, aimait recevoir ses invités de marque lors de leurs visites à Tripoli. Comme Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, le 6 octobre 2005, lors d’une visite express en Libye – à peine huit heures ! – pour parler officiellement de flux migratoires. Une journée au centre des débats, ce lundi 20 janvier devant la 32e chambre du tribunal correctionnel de Paris lors du « procès libyen » qui a abouti à ce que l’ancien président et trois anciens ministres soient jugés pour corruption.

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“Je n’avais jamais mis les pieds en Libye de ma vie”

Selon l’accusation, c’est le 6 octobre 2005 qu’un accord a été finalisé entre Kadhafi et le futur chef de l’Etat français, lors d’un tête-à-tête, pour financer sa campagne. Alors quand il entend Nathalie Gavarino poser sa question, Sarkozy ménage son effet et finit par crier : « Madame, c’est pénible pour moi de répondre, c’est sale pour moi de répondre à des questions comme ça. Y a-t-il un début de début d’élément concret ? Si on avait trouvé de l’argent dans mes avoirs, si on avait trouvé de l’argent dans ma campagne, si je m’étais isolé avec M. Kadhafi… Mais maintenant, ce n’est pas mon idée d’aller en Libye où je n’ai jamais mis les pieds de ma vie, nous parler pendant trente minutes, nous ne sommes pas seuls mais avec nos interprètes, je suis avec le traducteur de Jacques Chirac avec qui la tension est à son comble, et j’aurais demandé 30 ou 40 millions d’euros ? C’est fou. »

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Une ligne que Nicolas Sarkozy, coups d’épaule en l’air et mains frétillantes, tiendra pendant plus de trois heures, pour tenter de rétablir la situation après l’audition désastreuse, jeudi dernier, de son ancien directeur de cabinet au ministère de l’Intérieur. et bricoleur, Claude Guéant. Qui est venu à Tripoli le 1er octobre 2005, cinq jours avant la visite de Sarkozy. Et il s’est retrouvé à dîner à trois – à son insu, avait assuré Guéant à la barre – avec l’intermédiaire Ziad Takieddine, sulfureux maître des grandes négociations de contrats, et Abdallah Senoussi, le beau-frère de Kadhafi, chef des renseignements locaux, numéro deux officieux du régime et surtout condamné par contumace en à la réclusion à perpétuité pour avoir été le cerveau de l’attentat contre le DC-10 aérien de la compagnie UTA, au cours de laquelle 170 personnes sont mortes (dont 54 Français).

“Il faisait des bruits bizarres”

Pour l’accusation, c’est précisément le sort judiciaire de Senoussi – et la promesse de lever son mandat d’arrêt international – qui constituerait la contrepartie du financement accordé par Kadhafi, dans un « pacte de corruption » à égalité via Takieddine. “M. Guéant s’est trompé. Mais quand il dit « je suis tombé dans un piège », je le crois. » explique l’ancien président de la République. Pas question pour Nicolas Sarkozy de trop alourdir son ancien compagnon de voyage, même s’il avait déjà semblé le lâcher dès le premier jour d’audience…

L’ancien chef de l’Etat continue de porter ses coups pour Takieddine, absent du tribunal car en cavale au Liban mais omniprésent dans les débats avec ses déclarations bruyantes (et changeantes) lors de l’enquête – au point de devenir « celui dont le -nom-on-prononce-tout-le-temps ». Ou pour Kadhafi, présenté comme un bouffon aussi dangereux qu’irrationnel aux logorrhées sans fin : « Il faisait des bruits bizarres. Je pensais qu’il se droguait, je ne suis pas un spécialiste, je n’ai jamais fumé… » Ou enfin de déchirer la thèse d’une rencontre, ce même 6 octobre 2005, avec Abdallah Senoussi, comme le rapporte Ziad Takieddine lors d’un interrogatoire. Dans l’avion qui emmenait Sarkozy à Tripoli dans la matinée, le chef de la DST, Pierre de Bousquet de Florian, l’avait mis en garde contre la présence potentielle du cerveau derrière l’attaque du DC-10 d’UTA et l’avait mis en garde contre le piège potentiel. . Claude Guéant, qui selon son témoignage était tombé dans le même piège cinq jours plus tôt, n’avait pas jugé bon de signaler l’incident à son patron…

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Une autre personne très proche de Nicolas Sarkozy, son ami de quarante ans Brice Hortefeux, a également rencontré Senoussi à Tripoli, quelques semaines après la visite de Nicolas Sarkozy. Il l’expliquera au tribunal lors d’une prochaine audience. Reprise des débats mercredi.

Le spectacle Djouhri et macaronis au foie gras

Il était à la barre depuis quelques minutes à peine, comme au spectacle, les mains sur les hanches, lorsque déjà le président du tribunal le rappelait à l’ordre : « Pouvez-vous vous tenir un peu mieux ? » Et dire que cet homme qui semble aimer la lumière est longtemps resté tapi dans l’ombre de la République, au point de devenir une machine à fantasmes. Alexandre Djouhri est désormais soupçonné par le parquet d’être l’un des deux intermédiaires, avec Ziad Takieddine, par l’intermédiaire desquels l’argent libyen a alimenté la campagne de Nicolas Sarkozy. « Vous êtes mentionné dans quelque 70 notes de service qui n’ont pu être déclassifiées »a expliqué le procureur Philippe Jaeglé. «Cela prouve que la France est intelligenterépondit Djouhri. S’ils avaient été déclassifiés, ce n’est pas moi qui aurais eu des problèmes, mais la France. » De l’affaire libyenne, nous n’avons pas beaucoup appris de Djouhri. Ni ses 59 visites à l’Elysée, entre 2007 et 2012, pour voir Claude Guéant et ses 14 pour s’entretenir avec Nicolas Sarkozy : « C’était sympathique, ils ont des périodes de repos aussi, ces gens-là. Parfois, j’appelais et demandais «puis-je passer». Avec Nicolas Sarkozy, nous avons parlé de cyclisme, de football, de nos divorces, de macaronis et de foie gras. Claude Guéant semble austère, mais en réalité il est jovial et drôle. » Une question du procureur de la République : « Vous n’avez jamais parlé de grands sujets, de contrats ? » Répondre : « Rholala, non. »

 
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