Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre François Bayrou a évoqué un déficit du système de retraites de 55 milliards d’euros par an.
Le Conseil d’orientation des retraites estime que le solde était de -6,1 milliards en 2024.
Pourquoi deux nombres sont-ils si éloignés ?
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Informations examinées par les commissaires aux comptes
Un système déficitaire… mais de combien ? Face à la levée de boucliers toujours persistante d’une grande partie de la classe politique contre la réforme adoptée en 2023, le Premier ministre François Bayrou a rouvert le projet des retraites. Pendant trois mois, une conférence sociale réunissant les partenaires sociaux va travailler pour tenter de modifier le texte. Mais les différents acteurs doivent respecter une condition : ne pas détériorer les finances publiques.
Le chef du gouvernement “souhait” en fait un accord entre syndicats et patronat qui n’entraîne pas une augmentation du déficit du système. Avant même de trouver des solutions, le point de départ est débattu. Dans sa déclaration de politique générale, François Bayrou a évoqué un trou de 55 milliards d’euros que l’Etat devrait combler chaque année.
« Je résume les chiffres que nous avons établis au Haut-Commissariat au Plan en 2021, qui se sont probablement dégradés depuis »a lancé le Premier ministre, mardi 14 janvier, depuis la tribune de l’Assemblée nationale. « Notre système de retraite verse environ 380 milliards d’euros de pensions chaque année. Les employeurs et salariés des secteurs privé et public paient environ 325 milliards par an. 380 – 325 : il reste 55 milliards, payés par le budget des pouvoirs publics, dont le budget de l’Etat de 40 à 45 milliards. Cependant, nous n’avons pas le premier centime de ce montant, le pays l’emprunte. Et donc s’endette.
Bataille des chiffres
Les syndicats ne voient pas les choses de la même façon. Selon eux, le déficit est bien moindre. Pour cela, ils s’appuient sur le dernier rapport annuel du Conseil d’orientation des retraites (COR), publié en juin 2024. (nouvelle fenêtre). Selon cet exemple, “l’équilibre du système de retraite”après avoir été “excédent en 2023 (+3,8 milliards d’euros)”est clairement déficitaire en 2024 (et le sera encore davantage dans les décennies à venir). Mais 6,1 milliards d’euros, peut-on lire sur le site du COR. Soit huit fois moins que les estimations données par François Bayrou (nouvelle fenêtre).
-Qui dit la vérité ? « Tout dépend des définitions comptables, mais le COR colle à la réalité des régimes de retraite »répond à TF1info Vincent Touzé, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). « Pour les fonctionnaires, c’est un régime d’employeur, la pension de retraite est liée au contrat de travail : l’Etat s’engage à verser une pension à ses travailleurs – engagements qu’il doit honorer lorsque ces derniers partent à la retraite – sans prévoir à ce moment-là ces droits ont été accordés. Tandis que pour le secteur privé, les entreprises sont obligées de constituer des provisions dès qu’elles prennent des engagements financiers.
Des engagements de l’État mêlés au déficit
Dans son calcul, le Premier ministre prend en compte l’intégralité de la participation de l’Etat. Y compris les engagements passés non financés. « Dans le secteur privé, le régime de retraite est financé avec un taux de cotisation de 28 %. Au niveau de l’État, si l’on prend en compte toutes les dépenses, cela revient à 85% »explique l’économiste. “François Bayrou considère que cet écart de 57 points de cotisation correspond à ce que l’Etat doit ajouter pour équilibrer le système, qu’il s’agit d’un dépassement de budget.” A taux de cotisation constant, le déficit serait donc de 55 milliards d’euros.
Sauf qu’une grande partie de cette somme correspond à un engagement. « L’État ne fait qu’honorer ce qu’il doit à ses fonctionnaires retraités »continues Vincent Touzé. « Ces engagements sont contractuels. Le paiement des retraites est alors garanti par l’État, qui fournit automatiquement les ressources nécessaires. Le système des fonctionnaires est donc toujours en équilibre. Mais François Bayrou est Premier ministre, il doit gérer le budget de l’Etat : la question se pose forcément de savoir comment les engagements peuvent être tenus par les finances publiques.»
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Les retraites coûtent donc en réalité des dizaines de milliards d’euros aux finances publiques chaque année, comme l’a affirmé le chef du gouvernement. Reste que considérer l’intégralité du montant comme un déficit du système, alors qu’une grande partie correspond aux pensions de retraite des fonctionnaires, est bien plus discutable. Dans quelle direction la Cour des comptes va-t-elle décider ? C’est elle qui a été sollicitée par le Premier ministre pour réaliser une « mission flash » afin de« établir un bilan chiffré le plus incontestable possible » du solde du régime de retraite. Son rapport est attendu le 19 février.
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