Entre les vacances de Noël et celles de février, les yeux des passionnés sont tournés vers la neige dans les stations de ski. Dans la Cité des Gants, il faut s’adapter au fil des années pour skier à proximité, lorsque les conditions le permettent.
C’est probablement une période que les moins de 20 ans ne peuvent pas vivre. Autrefois, les amateurs de sports d’hiver ne se posaient pas la question de l’enneigement en montagne pour s’adonner à leurs loisirs favoris.
Le 28 janvier 2006, la Cité des Gants se réveille avec une blouse blanche mesurant 70 à 80 cm, un record. Tandis que certains se contentaient de déambuler dans les rues les plus escarpées de la ville avec des sacs plastiques ou des couvercles de poubelles, les plus enthousiastes ont pris la voiture, direction l’Aigoual ou les gares de Laguiole.
Des années 70 à nos jours, un changement remarqué par l’Alpina
Depuis quelques années, on compte le nombre de jours de ski dans les environs sur les doigts des deux mains. Pour les chiffres d’Alpina, le phénomène est encore plus ancien. Didier Cadaux – aujourd’hui âgé de 66 ans et maire de Saint-Georges-de-Luzençon – a rejoint Alpina très jeune, à la suite de ses parents adhérents. “Je n’étais pas fan mais ça m’a marqué et ça colle avec la mort de Claude Françoisil confie. À partir du milieu des années 70, la neige est devenue plus rare.»
A cette époque, l’Aigoual, à une bonne heure de route, était la station privilégiée du Millavois, où beaucoup y apprenaient à skier. Alpina, qui avait son chalet à proximité des pistes de l’Aigoual, a également mis un terme à l’organisation de son grand prix, avancé d’année en année – de mars à fin janvier – pour faire face au manque de neige. . Si la pratique s’est popularisée dans les années 1950, en raison des conditions climatiques, les effectifs ont logiquement diminué.
Jusqu’à une centaine d’enfants accompagnés lors des stages des vacances de février, le club compte cette année une cinquantaine d’adhérents. Tournée ensuite vers Laguiole, l’Alpina comme tous les skieurs pouvait profiter de 40 à 45 jours de ski par an dans les stations de l’Aubrac. Lorsque tous les ingrédients sont réunis, on ne compte qu’une vingtaine de jours skiables par an en moyenne ces dernières années, marquées par la crise sanitaire et des hivers particulièrement chauds.
« Le Lioran était beaucoup plus loin et il n’y avait pas d’autoroute à l’époquese souvient Didier Cadaux. Aujourd’hui, c’est presque devenu le plus proche mais il souffre aussi du manque de neige. L’année dernière, Laguiole et l’Aigoual n’ont ouvert que deux week-ends… » Début janvier 2023, Alpina a annulé pour la première fois ses sorties programmées au Lioran à ces dates, faute de neige. Et cette année, l’or blanc a chuté presque par surprise à quelques jours des fêtes de Noël. Mais les stations voisines luttaient contre d’autres cieux.
Un sujet aussi politique qu’économique
A Laguiole, l’Association pour la Promotion de la Station de Ski de Laguiole (APSL) a manifesté début décembre devant la mairie, seule structure à avoir répondu à l’appel d’offres lancé par le syndicat mixte des stations de l’Aubrac Aveyron pour gérer le domaine.
Régulièrement déficitaire, le trou de 200 000 € de l’année dernière a été comblé par la commune de Laguiole, comme le soulignent nos confrères de Centre de presse. Le conseil syndical paritaire – présidé par Vincent Alazard, maire de Laguiole – a approuvé le 27 décembre le contrat d’exploitation de la station de ski de Laguiole pour cet hiver à l’APSL.
Ce dernier s’est retrouvé dans la même situation pendant deux saisons, et pour les mêmes raisons, aux commandes des 15 pistes de ski alpin, des dix remontées mécaniques, des quatre pistes de ski de fond et des parcours de raquette et de luge. La municipalité investira 60 000 € pour les frais de fonctionnement, tandis que l’APSL envisage également de développer des activités estivales, alors que 1,5 million d’euros de retombées économiques sont calculées. Du côté de l’Aigoual, les activités estivales sont pensées depuis des années. Laurent Monge-Cadet et Denis Boissière sont directeurs de la Délégation de Service Public (DSP) de l’Alti Aigoual depuis 2019. En 2029, cette DSP prendra fin.
Depuis 2024, Denis Boissière est également vice-président de l’association civique AVE Cévennes. « Il faut préparer l’après 2029, ce n’est plus pour nous qu’on se bat mais pour le territoire », dit-il. La station est en déclin à cause du réchauffement climatique mais aussi à cause du Parc National. Cela fait 30 ans que nous luttons pour la diversification. La station a été créée en 1968 et le Parc en 1970. Lorsque ce dernier a voulu venir sur notre territoire en 1969, les élus de l’époque ont voté contre avec 14 propositions dont la septième qui n’interdisait pas l’agrandissement des stations. Aujourd’hui, alors que la forêt de l’Aigoual s’étend sur plus de 16 000 hectares, nous nous battons pour retirer une trentaine d’hectares du cœur du parc au profit des aventures VTT ou accrobranches.
Des assemblées générales se sont tenues à Espérou en fin d’année avec les élus concernés et le nouveau directeur du Parc.
À ce combat se mêle celui de l’économie. En avril 2024, Alti Aigoual a dû procéder à des licenciements pour passer de 8 à 3 équivalents temps plein. « Sept stations sont venues nous aider pour 42 jours de travail », ajoute Denis Boissière, en mettant l’accent sur la solidarité montagnarde. Une collecte de fonds en ligne a permis d’embaucher 1,5 technicien pour monter la station mais, mi-décembre, il manquait encore 30 000 € pour le fonctionnement. Au-delà de compter sur la solidarité montagnarde qui a permis le prêt de deux dameuses, les entreprises sont invitées à parrainer ces dameuses et les usagers à acheter des forfaits solidaires.
« S’il n’y a pas dix jours d’ouverture, l’intégralité du colis se transforme en bon d’achat, il explique. La saison dernière, on pensait déjà que c’était la dernière. Dès le début du DSP, nous pensions pouvoir nous financer tout au long de l’hiver et de l’été. Depuis 2017, les années ont été particulières et à cela s’est ajoutée l’explosion des coûts énergétiques en 2022 qui a vu notre facture passer de 35 000 € à 80 000 €. Là, on peut dire qu’à partir de 10 000 colis, on peut se sauver. Quand nous sommes ouverts, dans une bonne journée, nous pouvons faire 1 000 colis par jour.
Mi-janvier, la station gardoise n’avait toujours pas ouvert ses pistes, faute d’assurance. Mais nous affirmons en interne que le problème est réglé et que tous les ingrédients – y compris la neige – seront là dans les semaines à venir. Ce week-end, l’Aigoual compte attirer les lugeurs et coureurs du trail Hivern’Aigoual.
Si les principaux acteurs semblent résister au réchauffement climatique – des stations ferment également dans les Pyrénées ou les Alpes – la diversification des activités semble être leur salut. Car au final, dans le pire des cas, ces amoureux du territoire craignent de voir partir les habitants qui l’ont rendu attractif.