(Séoul) Le président sud-coréen Yoon Suk-yeol a été arrêté mercredi sous la vague des enquêteurs, une mesure sans précédent reflétant la crise politique provoquée par sa tentative ratée d’imposer la loi martiale début décembre.
Publié à 16h20
Mis à jour à 22h56
Hieun SHIN
Agence -
Après une première perquisition qui a tourné au fiasco début janvier, des agents du Bureau d’enquête sur la corruption de hautes personnalités (CIO) et la police se sont présentés en nombre, avant l’aube, à la résidence transformée en forteresse où se trouvait l’ancien Le procureur est enfermé depuis des semaines dans un quartier chic de Séoul.
Après avoir dû traverser l’enceinte à l’aide d’échelles sous les yeux de milliers de partisans du leader de droite, l’équipe des procureurs a annoncé l’avoir appréhendé à 10h33 (20h33 heure de l’Est), avant de le prendre en charge. à ses locaux.
Jamais auparavant un chef d’État en exercice n’avait été arrêté en Corée du Sud.
“J’ai décidé de répondre au Bureau d’enquête sur la corruption”, a annoncé M. Yoon dans un message vidéo, ajoutant qu’il ne reconnaissait pas la légalité de l’enquête, mais s’y soumettait “pour éviter toute effusion de sang malheureuse”.
Suspendu par les députés et visé par une enquête pour « rébellion », un crime passible de la peine de mort, Yoon Suk-yeol avait jusqu’alors toujours refusé de s’expliquer, poussant les procureurs à recourir à des mandats d’arrêt afin de l’y contraindre.
Son interrogatoire a commencé à 11 heures, heure locale (21 heures, heure de l’Est). Il peut être maintenu en détention pendant 48 heures en vertu du mandat d’arrêt actuel. Les enquêteurs devront en redemander pour éventuellement prolonger sa détention.
Altérations
Sous le coup d’une procédure de destitution, M. Yoon est dans la tourmente pour avoir brièvement instauré la loi martiale le 3 décembre, une mesure choc qui n’est pas sans rappeler les heures sombres de la dictature militaire. Il l’a ensuite justifié par sa volonté de protéger le pays des « forces communistes nord-coréennes » et d’« éliminer les éléments hostiles à l’État ».
Dans un Parlement entouré de militaires, les députés avaient déjoué ses plans en votant un texte réclamant la levée de cet état d’exception. Mis sous pression par des élus, des milliers de manifestants pro-démocratie et contraint par la Constitution, Yoon Suk-yeol a dû s’y plier.
Le 3 janvier, le Service de sécurité présidentielle (PSS), chargé de protéger les chefs d’État, a bloqué la première tentative du CIO d’exécuter le premier mandat d’arrêt contre M. Yoon.
Lors de leur deuxième descente, motivée par un nouvel ordre d’arrestation, les autorités avaient prévenu qu’elles appréhenderaient toute personne qui les gênerait.
De brèves altercations ont d’abord éclaté devant le portail de la résidence, où campaient des milliers de partisans déterminés à défendre M. Yoon, certains scandant « Mandat illégal ! », a constaté l’AFP.
Les équipes du CIO et de la police ont ensuite dû traverser le mur d’enceinte à l’aide d’échelles avant de franchir les barrages routiers.
En cours de route, la police a arrêté le chef par intérim du PSS, a rapporté l’agence de presse Yonhap.
Très impopulaire, Yoon Suk-yeol a été suspendu le 14 décembre suite à l’adoption par l’Assemblée nationale d’une motion de destitution.
“Premier pas”
L’arrestation de Yoon Suk-yeol est “le premier pas vers le retour de l’ordre”, s’est félicité Park Chan-dae, chef des députés du Parti démocrate (principale force d’opposition) au Parlement.
“L’histoire retiendra inévitablement que le CIO et la police ont exécuté un mandat injuste et illégal”, a critiqué Kweon Seong-dong, son homologue du Parti du pouvoir du peuple (PPP) dont est issu M. Yoon.
Le chaos étant « terminé », le président du Parlement Woo Won-shik a appelé à concentrer « les efforts sur la stabilisation des affaires de l’État et la restauration des moyens de subsistance de la population », car l’économie a été ébranlée par cette crise qui risque de se prolonger.
La Cour a jusqu’à la mi-juin pour se prononcer sur la demande de non-lieu votée le 14 décembre par les députés. Suspendu, M. Yoon reste officiellement président en attendant le verdict du tribunal qui pourrait le révoquer définitivement et convoquer des élections, ou le réintégrer dans ses fonctions.
Mardi, la Cour constitutionnelle a officiellement lancé son procès avec une première audience très courte. M. Yoon ne s’est pas présenté, citant des « inquiétudes » concernant la sécurité.
La procédure se poursuivra même sans lui. Une deuxième audience est prévue jeudi.