Trudeau et les Autochtones : je t’aime… moi non plus

Un peu à l’image de son bilan politique, le premier ministre Justin Trudeau, qui quitte son poste de chef libéral, aura eu du mal à suivre le rythme : après un départ en fanfare et de hautes ambitions en matière de réconciliation avec les peuples autochtones, les principaux acteurs concernés. Nous observons depuis plusieurs mois une certaine stagnation sur plusieurs dossiers importants.

Lorsqu’il est arrivé au pouvoir en novembre 2015, le 23e Le premier ministre du Canada fait une promesse lors de son premier discours à l’Assemblée des Premières Nations : Réinventer notre relation de nation à nation avec les peuples autochtonesdans un esprit de respect, coopération et partenariat.

Il a par la même occasion confirmé le lancement de la Commission nationale d’enquête publique sur les femmes et les filles autochtones assassinées ou disparues au Canada (ENFFADA), qui conclura en 2019 que cette crise s’apparente à un génocide.

Mais cinq ans plus tard, les 231 réclament justice duENFFADA ont du mal à être mis en œuvre et l’une des deux commissaires en chef, Michèle Audette, avouait cet été qu’elle et sa collègue Marion Buller étaient « frustrées et déçues ».

Nous avons perdu confiance en ce que [les gouvernements et les institutions publiques] a dit qu’ils le feraient.

Une citation de Michelle Audette, sénatrice

Sénatrice Michelle Audette.

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Il en va de même pour la Commission de vérité et réconciliation lancée sous les conservateurs, mais dont le premier ministre Trudeau avait promis de suivre les recommandations. Sur les 94 appels à l’action, 15 % ont abouti et 9 ans plus tard, un tiers sont bloqués ou non lancés, selon l’organisation. Chien de garde autochtone.

Les questions de services à la famille et de protection de l’enfance ont également occupé l’administration Trudeau au cours des 10 dernières années. Le gouvernement canadien s’est retrouvé devant les tribunaux à plusieurs reprises, mais il a également promulgué des lois pour que les communautés autochtones qui le souhaitent puissent adopter leurs propres systèmes de protection de la jeunesse.

Il a également proposé un accord de 47,8 milliards de dollars pour réformer le système de protection de la jeunesse autochtone.

Mais cette offre a été rejetée cet automne par une majorité de dirigeants autochtones qui avaient des doutes sur le modèle de gouvernance proposé, ou parce qu’ils craignaient qu’Ottawa puisse se soustraire à ses obligations légales.

Soufflant du chaud et du froid

Il faut dire que dans plusieurs cas, le gouvernement a soufflé le chaud et le froid. Quant à l’eau potable par exemple, les 4 milliards investis ont permis de réduire drastiquement le nombre d’avis d’ébullition de l’eau à long terme. Mais une trentaine de communautés sont toujours touchées et poursuivent Ottawa en justice.

Même si durant la campagne, M. Trudeau avait promis d’y remédier pour 2021, le gouvernement affirme désormais que l’engagement envers l’accès à l’eau potable est un engagement politique et non juridique.

Selon l’Assemblée des Premières Nations (APN), Les membres des Premières Nations sont 90 fois plus susceptibles que les autres Canadiens de ne pas avoir accès à l’eau courante, et plus de 30 avis à long terme concernant l’eau potable restent en vigueur pendant des décennies dans certaines communautés..

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Les stations-service d’eau potable sont courantes dans les communautés autochtones isolées du Nord de l’Ontario. (Photo d’archives)

Photo: - / Martine Laberge

La situation est telle que l’organisation autochtone s’est adressée directement aux députés pour leur demander de donner la priorité à l’avancement du projet de loi C-61, qui reconnaît que l’eau potable est un droit humain fondamental et une obligation fiduciaire de la Couronne.

En matière d’éducation, aucun des 11 appels à l’action CVR n’a pas été réalisée. En 2019, Ottawa avait promis d’investir 2 milliards de dollars par année pour offrir un soutien éducatif aux communautés autochtones similaire à ce qu’offrent les provinces, un objectif qui n’a pas été atteint, selon Indigenous Watchdog.

Même constat mitigé du côté des internats. Si le premier ministre s’est excusé, puis s’est rangé du côté des peuples autochtones en demandant au pape de s’excuser auprès des survivants, en plus d’offrir une compensation monétaire, le gouvernement a également tenté cette année de plafonner les sommes allouées à la recherche de tombes anonymes.

Par ailleurs, si le Canada a fini par adopter la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, l’adoption de la loi (C-15) permettant sa mise en œuvre a fait l’objet de critiques, notamment parce qu’Ottawa n’a toujours pas aboli la Loi sur les Indiens.

Plus que des consultations, cela nécessite le consentement […]. Le gouvernement colonial du Canada ne peut plus être celui qui décide de l’avenir des territoires que nous occupons depuis des millénaires.

Une citation de RoseAnne Archibald, en 2023, alors qu’elle était chef nationale de l’APN

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La chef de l’APN en 2023, RoseAnne Archibald. (Photo d’archives)

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Sur le plan économique, le gouvernement Trudeau est un allié, prêtant l’argent nécessaire à plusieurs nations souhaitant investir dans des projets énergétiques (pipelines, éoliennes, énergie solaire), leur assurant ainsi une certaine indépendance économique. Mais est-ce suffisant ? Un récent rapport de l’Assemblée des Premières Nations estime le déficit d’infrastructures dans les réserves (notamment en matière de logement) à 349 milliards de dollars par rapport au reste du pays.

Nous ne pouvons pas réparer 150 ans de colonialisme en un seul mandat

Certains reprochent également au premier ministre Trudeau de faire passer les intérêts économiques et politiques du pays avant les questions autochtones en cas d’antagonisme. Ce fut notamment le cas de la première ministre autochtone de la Justice, Jody Wilson Raybould, qui a claqué la porte du gouvernement en 2019 après avoir fait l’objet de pressions du cabinet Trudeau dans le dossier de corruption chez SNC Lavalin.

C’est également le cas des Wet’suwet’en, le long du tracé du futur gazoduc. Lien gazier côtier en Colombie-Britannique, qui ont fait l’objet d’une répression musclée de la part de la Gendarmerie royale du Canada.

Des agents armés de la GRC se précipitent sur un manifestant pour l'arrêter.

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Des agents de la GRC lors d’une intervention pour déloger des manifestants Wet’suwet’en qui bloquaient une route. (Photo d’archives)

Photo : Twitter : @Gidimten

Pour certains juristes, ce type de contestation illustre l’absence de cadres de résolution des conflits, tandis que d’autres y voient plutôt un décalage entre le désir de réconciliation du premier ministre Trudeau et la résistance, que ce soit au sein des communautés autochtones. ou l’État.

Nous ne pouvons pas réparer 150 ans de colonialisme en un seul mandatrésumait Martin Papillon, professeur agrégé au Département de science politique de l’Université de Montréal, en 2020 à -.

Une fin amère à la lune de miel

Les dernières semaines ont été particulièrement dommageables pour les relations entre Trudeau et les premiers peuples, signe qu’un troisième mandat, quoique minoritaire, n’aura pas suffi à réaliser le rattrapage attendu.

Réunis à Ottawa plus tôt ce mois-ci, les chefs et représentants de l’Assemblée des Premières Nations ont demandé en vain au premier ministre de lancer une enquête nationale sur le racisme systémique dans les forces policières. Au moins 11 autochtones ont perdu la vie cet automne lors d’interventions policières, selon le décompte des Espaces nationaux.

Présent à la rencontre, M. Trudeau a été directement interrogé lors de la période de questions publique.

Il faut faire quelque chose. Ils nous ciblenta déclaré Edith Wells, la mère de Jon Wells, décédé lors d’une intervention policière musclée à Calgary.

Edith Wells, en larmes, soutenue par des femmes autochtones, derrière un micro.

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Edith Wells (au premier plan), Martha Martin (à sa droite) accompagnées d’autres femmes endeuillées. (Photo d’archives)

Photo : La Presse Canadienne / Sean Kilpatrick

Le premier ministre a répondu qu’il voulait tout faire changer la discrimination systémique et le racisme qui existent dans nos systèmesmais ne s’est pas prononcé directement sur la tenue d’une enquête publique, au grand désarroi de certains dirigeants indigènes.

À peine deux semaines plus tard, l’épisode d’un déficit budgétaire plus important que prévu ajoute une couche d’amertume. Dans la mise à jour économique présentée lundi, Ottawa évalue désormais le déficit à 62 milliards, soit une augmentation de près de 22 milliards.

Pour justifier cette augmentation, Ottawa a notamment évoqué des dépenses projetées de 16,4 milliards de dollars pour des engagements déjà pris, surtout en ce qui concerne les revendications autochtones.

Ces déclarations sont trompeuses, car ces allégations découlent du manquement du Canada à respecter ses obligations envers les Premières Nations.a protesté dans un communiqué Cindy Woodhouse Nepinakle chef national deAPN.

Elle a ensuite évoqué le sous-financement récurrent dans plusieurs domaines, dont les infrastructures communautaires. Des domaines fondamentaux comme le maintien de l’ordre, l’eau potable, le logement, l’éducation et la réconciliation économique restent gravement sous-financés.conclut-elle.

 
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