LLa stratégie d’Herbert Kickl a porté ses fruits. Avec son très nette victoire aux élections législatives Fin septembre, le leader de la très radicale droite autrichienne (FPÖ) s’est contenté d’attendre. Il a observé les efforts déployés en vain depuis des semaines par les trois partis traditionnels, ÖVP (conservateurs), SPÖ (sociaux-démocrates) et Neos (libéraux), pour essayez de former une coalition capable de lui barrer la route vers le pouvoir. Et lorsque celle qu’il surnomme « la coalition des perdants » jette l’éponge en l’espace de quelques heures, Herbert Kickl est naturellement propulsé au premier plan. Aujourd’hui, celui qui vilipende l’Union européenne qui réclame la levée des sanctions contre Moscou et la « remigration » d’une partie des migrants établis en Autriche, a de bonnes chances de devenir le premier chancelier d’extrême droite de son pays. Son rêve est sur le point de se réaliser.
Il n’a fallu que 36 heures pour se terminer dans le chaos. Vendredi, les négociateurs du parti libéral Neo ont annoncé en grande pompe qu’ils quittaient la course. Trop de points de discorde avec leurs deux potentiels coéquipiers. Quelques heures plus tard, les démocrates-chrétiens abandonnaient. Impossible d’être d’accord avec les sociaux-démocrates, très à gauche, notamment sur la question du nouveau budget. Et dans la foulée, le chancelier social-démocrate Karl Nehammer a annoncé sa démission, tant de son poste de chef du gouvernement que de celui de son parti, l’ÖVP.
A LIRE AUSSI Pourquoi l’Autriche cherche (encore) une coalitionL’Autriche revient donc à la case départ : la recherche d’une majorité pour former un nouveau gouvernement stable. Maintenant que l’option d’une coalition tripartite a été écartée, il ne reste plus que deux solutions. Premièrement, l’organisation de nouvelles élections dans les plus brefs délais – ce qui, au vu des sondages actuels, renforcerait encore la position du FPÖ. Le parti a obtenu 29% des voix – un record historique – fin septembre. Si des élections avaient lieu aujourd’hui, les instituts de sondage lui créditeraient 36% des voix. Un bond spectaculaire réalisé ces dernières semaines et qui est dû, en grande partie, au spectacle angoissant offert par les partis traditionnels incapables de trouver un compromis pour gouverner ensemble. De nouvelles élections renforceraient donc encore davantage la position d’Herbert Kickl et lui ouvriraient grandes les portes de la chancellerie.
Les conservateurs sont confrontés à un tas de ruines
Deuxième option qui aboutirait au même résultat que la première : les conservateurs de l’ÖVP acceptent de former une alliance avec le FPÖ et de gouverner sous la direction d’Herbert Kickl. Une solution que Karl Nehammer avait toujours refusé, accusant même à plusieurs reprises Herbert Kickl d’être « un danger pour la sécurité » du pays en raison de ses positions pro-russes. Le départ de Karl Nehammer change la donne, même si le parti conservateur reste très divisé sur la question d’une telle alliance.
A LIRE AUSSI Élections législatives en Autriche : le triomphe sans sacre de l’extrême droite d’Herbert KicklLe secrétaire général par intérim du parti, Christian Stocker, qui a remplacé au pied levé Karl Nehammer à la présidence de l’ÖVP, a immédiatement laissé entendre que si Herbert Kickl venait lui demander de participer aux négociations en vue de former un gouvernement, il accepterait cette invitation. Un changement de cap d’autant plus surprenant qu’il y a à peine trois semaines, Christian Stocker – qui ne porte pas Herbert Kickl dans son cœur – avait dit au Parlement qu’il n’avait pas sa place dans cet hémicycle. Interrogé par le journal La norme sur les raisons d’un tel revirement, Christian Stocker a déclaré que la situation avait changé et qu’il fallait être réaliste.
Spéculation sur un retour de Sebastian Kurz
L’Autriche a déjà été gouvernée à plusieurs reprises par une coalition entre les conservateurs et l’extrême droite. Mais à chaque fois, le FPÖ n’était que le partenaire junior et le chancelier restait de l’ÖVP. Si une telle alliance était conclue dans les semaines à venir, la chancellerie reviendrait pour la première fois à Herbert Kickl, vainqueur des élections législatives. Les conservateurs, très affaiblis, seraient contraints de lui céder leur place. Un événement de valeur historique.
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Plusieurs personnalités de l’ÖVP ont déjà annoncé qu’elles ne souhaitaient pas prendre la direction du parti. Parmi eux, un possible fantôme. L’ancien chancelier Sebastian Kurz, qui a dirigé deux coalitions avec le FPÖ, a été approché par les stratèges du parti. Il n’a pas tardé à décliner l’invitation. Au sein de l’ÖVP, on espérait que le retour de ce « garçon ensoleillé », très populaire à son époque, contribuerait à sortir le parti de l’ornière dans laquelle il était tombé. Mais c’était sans compter l’ambition de Sebastian Kurz, qui n’entend certainement pas jouer les seconds rôles en acceptant un poste de vice-chancelier sous la direction d’Herbert Kickl. D’autant que la relation entre les deux hommes est compromise puisqu’en 2019, après le scandale de l’Ibiza Gate, c’est le chancelier Kurz lui-même qui a limogé son ministre de l’Intérieur Herbert Kickl.
Légitimé par plus d’un tiers des votants, il peut aussi se vanter des succès de son parti dans plusieurs Länder où il est solidement implanté. Dans deux semaines, le FPÖ a toutes les chances de remporter les élections dans le Burgenland, région frontalière de la Hongrie. Un pas symbolique vers la chancellerie ?