Il y a 52 ans, Bruce Springsteen sortait son tout premier album, Greetings From Asbury Park, NJ. Un hybride parfait entre Bob Dylan, Roy Orbison et Elvis Presley. Réalisation de.
50 ans de carrière. Voici un anniversaire. En publiant son tout premier opus, Bruce Springsteen est entré dans la légende. Et s’il lui faudra attendre son troisième opus pour enfin atteindre la stratosphère du rock, ce tout premier effort reste plus que le témoignage d’un artiste en devenir, il a tracé l’avenir. Parce qu’il faut le dire tout de suite, Salutations d’Asbury Park, NJ retrace avec une force et une clarté rare ce que sera le parcours de celui que l’on surnommera affectueusement « le patron ». Sur ce premier album, Bruce Springsteen présente un extérieur proche d’un hybride parfait entre Bob Dylan, Roy Orbison et Elvis Presley. Bruce incarne tout cela et bien plus encore. Une sorte de baryton du New Jersey qui doit encore faire ses preuves, après des années de groupes plus ou moins éphémères, lancés alors qu’il était encore lycéen. Certains atteindront une certaine notoriété locale, mais sans jamais faire le break. Cependant, il faut avant tout reconnaître que la sonorité générale de ce premier effort montre un Springsteen un peu brouillon mais talentueux, toujours à la recherche de sa voie… Et de sa voix !
“Bruce Springsteen est un nouveau talent audacieux qui a beaucoup à dire »Lester Bangs a fait l’éloge de sa critique publiée dans Rolling Stone. « Il a été beaucoup influencé par le groupe, ses arrangements ont parfois tendance à prendre une teinte Van Morrison, et il fait une sorte de grognement un peu comme Robbie Robertson sous Quaaludes avec Dylan vomissant dans son cou. C’est une combinaison difficile, mais ce n’est que le début. Parce que ce qui rend Bruce totalement unique et cosmiquement excitant, ce sont ses paroles. Bon sang, quel verbiage !
En effet, Salutations d’Asbury Park, NJ est surchargé de rimes folles, d’anecdotes humoristiques, de personnages vifs et d’images au rythme rapide, la plupart tirées directement des expériences personnelles de Springsteen. « La plupart des chansons [de Greetings] étaient des autobiographies tordues » il a écrit dans ses mémoires de 2016, Né pour courir. “‘Growin’ Up’, ‘Does This Bus Stop’, ‘For You’, ‘Lost in the Flood’ et ‘Saint in the City’ ont trouvé leur graine dans les personnes, les lieux, les lieux de rencontre et les incidents que j’avais vus et les choses que j’avais vues. avait vécu. J’ai écrit de manière impressionniste et j’ai changé de nom pour protéger les coupables. J’ai essayé de trouver quelque chose qui pourrait m’identifier. »
Cet opus contient cependant quelques-unes des meilleures chansons jamais écrites par Bruce Springsteen. Rien de moins. Emblématique des débuts du Boss, « Lost in the Flood », peut-être le morceau le plus sombre de l’album, met particulièrement en avant son talent d’auteur-compositeur. Cette ballade lancerait même une forme que nombre de ses chansons les plus mémorables adopteraient tout au long de sa carrière : une manière lente avec une histoire forte et émouvante qui gagne en intensité tout en s’appuyant sur un lyrisme d’une puissance étonnante ; ce même lyrisme servant de structure et même d’épine dorsale à son œuvre, qu’elle soit très produite et à l’orchestration surchargée ou au contraire, sous forme de ballades au piano, comme « Mary Queen of Arkansas » et « The Angel ». La majorité des chansons de Salutations d’Asbury Park, NJ présente un jeune homme incertain, voire inquiet. D’autre part, Bruce Springsteen ici, n’affiche pas encore l’énergie infatigable qui caractérisera plus tard ses deux opus suivants, notamment Born To Run.
Mais il y a aussi beaucoup de légèreté, au sens aérien, dans les compositions de Salutations d’Asbury Park, NJ. « Spirit in the Night », un précurseur du matériel musical trouvé sur The Wild, Innocent & the E. Street Shuffle ; ou encore « Blinded by the Light », un morceau amusant intégrant également une certaine influence proto-funk-R’n’B, un genre musical qui va rapidement prendre une place prépondérante tout au long de la carrière de Springsteen. «Pour vous», «Est-ce que ce bus s’arrête à la 82e rue?» et « It’s Hard To Be A Saint In The City » montrent aussi une certaine vision de ce qui distinguera plus tard l’écriture du Boss.
Mais le point le plus factuel et donc le plus fascinant de Salutations d’Asbury Park, NJbien qu’inégale par moments, il n’y a pas de mauvaise chanson. Ni un véritable chef d’œuvre non plus. Mais de vrais succès, dont une chanson qui termine première du Billboard Hot 100 aux mains de Manfred Mann (« Blinded By The Light »). Et c’est là que l’on comprend la complexité de ce que sera le parcours du taureau du New Jersey : Bruce Springsteen montre qui il est, sans détour. Il vient d’un des coins les plus reculés de cet État de l’Est des États-Unis, à côté de New York, mais la Big Apple est encore trop loin pour y aller. Un gars de sa province, mais qui manipule déjà les mots comme un magicien – ses assonances sur « Growin’Up » sont époustouflantes –, avec un mélange de Van Morrison, Dylan de The Band et bien sûr Otis Redding et les pionniers du rock’n ‘rouler.
Bruce Springsteen voici un de ces nouveaux talents à l’audace décuplée, talentueux comme l’enfer, brillant même, et surtout, plein d’une énergie unique, de celle qui peut immédiatement déterminer ce que sera l’avenir d’un artiste dont la carrière sera explosive et qui s’imposer comme l’une des plus grandes stars mondiales. Il a des choses à dire, et il sait les dire, les envoyer loin, avec une poésie unique faite de heurts de mots et d’assonances surprenantes, obligeant l’auditeur à écouter. Il y a déjà le chanteur col bleu, mais aussi l’animateur public, l’homme qui aime faire danser les filles et narguer les mecs.
Belkacem Bahlouli
Salutations d’Asbury Park, NJ
- Sorti le 5 janvier 1973
- Enregistrement : juillet – septembre 1972
- Studio : 914 Sound Studios, Blauvelt, New York
- Durée 36 min 59 sec
- Étiquette CBS Records/Columbia
Liste des pistes
- Aveuglé par la Lumière 5:04
- Grandir 3:05
- Marie, reine de l’Arkansas 5:21
- Ce bus s’arrête-t-il à la 82e rue ? 2h05
- Perdu dans le déluge 5:17
- L’Ange 3:24
- Pour toi 4:40
- Esprit dans la nuit 4:59
- C’est difficile d’être un saint en ville 3:13
Musiciens
- Bruce Springsteen : chant, guitare électrique et harmonica acoustique (pistes 1 & 8 : congas et basse)
- Garry Tallent : basse
- Richard Davis : contrebasse sur The Angel
- David Sancious : piano, orchestre
- Harold Wheeler : piano sur « Blinded by the Light »
- Clarence Clemons : saxophone, chœurs
- Batterie : Vincent Lopez
Personnel
- Mike Appel et Jim Cretecos – producteurs
- Louis Lahav – ingénieur du son
- Jack Ashkinazy – mixage
- John Berg –pochette design
- Fred Lombardi – conception de la couverture arrière