Deux jours après le drame, il a pris la parole. Alberto, un gardien qui faisait partie des cinq personnes prises en otage vendredi à la prison d’Arles (Bouches-du-Rhône) par un détenu, libéré “indemne” après de longues heures de négociation, a raconté son calvaire devant plusieurs médias. “On n’est jamais vraiment préparé” à ce genre de scène, a-t-il notamment confié à France Bleu. Le prisonnier, qualifié de « très dangereux » par la police, s’est finalement rendu.
Aux côtés de trois infirmières et d’un psychiatre, ce surveillant pénitentiaire s’est retrouvé coincé pendant cinq heures à l’infirmerie de l’établissement. Vers 10h30, le détenu de 37 ans s’y rend pour se faire soigner. “Il m’a demandé d’aller aux toilettes et il est sorti armé”, d’une “arme artisanale”, qu’il aurait cachée dans “ses cheveux, car il avait des dreadlocks”, rembobine Alberto samedi auprès de France Bleu, expliquant qu’il n’avait rien vu de suspect jusqu’à présent.
Il était alors “armé de grosses pointes coincées entre ses doigts”, détaille également l’encadrant au micro de RTL. Le détenu avait agi avec “une arme qu’il avait fabriquée” avec des “pics métalliques”, a rapporté vendredi le préfet de police des Bouches-du-Rhône, Pierre-Edouard Colliex.
« Des choses à dire ou à ne pas dire »
L’homme a ensuite utilisé un lit médicalisé « très lourd » pour bloquer la porte. “Il m’a fait comprendre qu’il ne partirait pas de là”, à moins qu'”il ne soit muté”, poursuit Alberto sur France Bleu, selon qui le preneur d’otages, ressortissant guyanais, se plaignait d’avoir été “maltraité” et de subir “l’injustice et le racisme”. » au sein du centre pénitentiaire. Aux côtés du personnel médical, il attend que « sa colère descende », mais « il a des problèmes, donc c’est compliqué : ça monte et ça descend », décrit le gardien pénitentiaire.
Un échange très délicat avec un détenu qui présente effectivement des troubles psychiatriques, selon plusieurs sources. “Il m’a dit à un moment donné qu’il était un grand sorcier (…), je reste dans son histoire. (…) On sait qu’il a des problèmes, il y a des choses à dire ou à ne pas dire”, a déclaré Alberto sur RTL.
VidéoUn détenu de la prison d’Arles a pris cinq personnes en otage avec des pioches faites maison
Tout au long de cette scène, le superviseur décide de se positionner face à lui : « J’avais un gilet lame. (…) Je préfère être au milieu plutôt que de mettre le personnel médical en danger sans aucune protection”, assure-t-il sur France Bleu. La psychiatre, qui avait un enfant, a ensuite réussi à se libérer, après de longues négociations, puis un négociateur du Raid est intervenu par téléphone. « Ce fut un long voyage pour parvenir à ce (le détenu) J’ai compris qu’on faisait le nécessaire pour essayer de le faire partir, finalement il a eu son autorisation de mutation”, explique-t-il. “Le Raid intervient, le contrôle, ils le mettent à terre et puis c’est parti”, explique-t-il à RTL. La fin d’une longue épreuve.
Le trentenaire, qui purgeait une peine de 18 ans de prison pour viol sous la menace d’une arme à feu à la prison centrale d’Arles, semblait avoir le « motif » de changer d’établissement, mais « il n’y a pas eu de demande écrite précise, comme les détenus peuvent s’adresser à l’administration pénitentiaire», a toutefois souligné vendredi le procureur de Tarascon.
« Quelque part, heureusement, c’était moi »
Alberto, qui travaille depuis dix ans dans le monde carcéral, a encore du mal à mettre des mots sur son vécu, après cette expérience traumatisante. “Cela reste quelque chose d’inhabituel, auquel on n’est jamais vraiment préparé”, a-t-il seulement résumé à la radio locale. Il nie tout héroïsme : “C’est normal, j’ai fait ce que j’avais à faire”, a-t-il déclaré à RTL. Avant de glisser : « Le détenu nous a dit que si ça avait été un autre surveillant que moi, il l’aurait planté. (…) Quelque part, heureusement c’était moi.»
“Il a fait preuve d’un grand courage, il était prêt à faire le sacrifice s’il le fallait”, salue sur la même radio un des collègues d’Alberto. “Nous avons eu la chance d’avoir un grand professionnel, quelqu’un d’expérience qui savait comment assurer la sécurité du personnel au maximum”, poursuit-il, s’exprimant sous couvert d’anonymat.
Ce professionnel faisait partie d’un groupe d’encadrants qui s’étaient « positionnés pour sécuriser la zone » dès le déclenchement de l’alarme, et ont pu suivre la scène à travers les vitres et grâce aux caméras de l’infirmerie. Le détenu “s’était barricadé et se préparait à une éventuelle attaque” et était “très agité”, décrit-il aussi, pointant également du doigt “des armes de type artisanal fabriquées avec du fer”, regrettant au passage que les prisonniers avaient “autant de choses dans la cellule”. » pour « s’armer ».
Placé en garde à vue, le détenu a finalement été hospitalisé dans une unité psychiatrique, sur recommandation d’un expert psychiatre, a indiqué samedi à l’AFP le procureur de la République de Tarascon, Laurent Gumbau.