la vie est une tragédie dont on peut rire

la vie est une tragédie dont on peut rire
la vie est une tragédie dont on peut rire

Si l’on en croit David Lodge, les universitaires étaient plus occupés à flirter entre eux qu’à faire avancer leurs recherches et les catholiques plus tourmentés par leur hypothétique salut que comblés dans leur foi… Mais tous sauvés par cette distance très british qu’il est essentiel de pose entre soi… et soi.

L’écrivain, né le 28 janvier 1935 dans le sud de Londres et mort le 1er janvier, manie l’humour et la dérision avec la maîtrise d’un orfèvre de la Renaissance. Comment imaginer que cet auteur pétillant et fertile – romans, mémoires, essais littéraires, pièces de théâtre –, à la plume si vive, se confiait en 2019 à La Croix : «Je ne me détends jamais. D’une certaine manière, plus nous avons de succès, plus nous sommes anxieux face au prochain livre. » ? D’autant qu’il constatait, non sans une pointe de nostalgie, le déclin de l’influence des écrivains, «les scénaristes de séries ont désormais plus d’impact».

Le monde académique comme terrain fertile

Il aurait pu largement se sentir rassuré par le délectation avec laquelle ses lecteurs, au Royaume-Uni et ailleurs, se sont jetés avec empressement sur « la nouvelle Lodge » dès sa sortie en librairie. Ils étaient heureux de retrouver un univers singulier, fourmillant de détails concrets et de réflexions profondes sur l’existence et la littérature, avec des personnages volontiers burlesques mais profondément attachants, plongés le plus souvent dans des situations cocasses.

David Lodge n’avait pas encore 30 ans lorsqu’il fut embauché comme professeur d’anglais par le British Council à Londres. En 1960, l’Université de Birmingham lui propose un poste de maître de conférences, pendant qu’il prépare sa thèse en littérature anglaise. L’enseignement supérieur deviendra le terrain fertile de nombre de ses fictions, qu’il place au sein de la faculté de fiction de Rummidge, une ville des Midlands librement inspirée du Birmingham industriel. La ville apparaît à partir de 1975 dans plusieurs de ses romans : Changement de décor, Un tout petit monde, Jeu de société, Des nouvelles du paradis et Thérapie.

Des consciences en difficulté

Celui qui aime bien punit bien. L’écrivain s’amuse à ridiculiser la vantardise et la paresse de ses collègues, leur désir de briller parfois au détriment du sérieux de leur engagement académique. Les conférences et autres colloques internationaux sont prétextes à des voyages aux frais de la princesse et, parfois, à des rencontres avec de jolies sœurs. Culpabilité et désir se livrent alors des combats homériques dans la conscience de ces universitaires désorientés.

Pourtant, malgré l’immense plaisir de lecture qu’il procure, la veine satirique ne résume pas le talent de David Lodge. Né peu avant la Seconde Guerre mondiale, l’écrivain fut aussi un témoin sensible, précis et poétique de l’histoire de son pays. Les bombardements de Londres marquent son enfance avant qu’en 1951, il découvre la situation de l’Allemagne vaincue, lors de vacances à Heidelberg avec sa tante, qui travaille au quartier général de l’armée américaine. Tant de souvenirs qui nourrissent Hors du refugeune de ses plus belles histoires, en grande partie autobiographique.

Une vie sans art ?

De sa première incursion dans la littérature, sous la forme d’une nouvelle dans le journal de son lycée en 1950, jusqu’aux derniers volumes de ses Mémoires – Réussir, plus ou moins (2021) –, David Lodge navigue entre réalité et fiction, souvenirs réels et broderies colorées qui les agrémentent, les auteurs qu’il aime et aura dévorés tout au long de sa vie et sa propre créativité. Il aimait citer le très admiré Graham Greene, dont il partageait à la fois les questionnements religieux, les doutes les plus sombres et, en même temps, son humour délicieux. Comme lui, David Lodge, fils d’un musicien et d’une danseuse, s’étonnait que des hommes qui ne pratiquent aucun art parviennent à tolérer la mélancolie de la condition humaine.

Car il s’agit bien de cela, alors que l’âge diminue les facultés physiques – David Lodge souffrait d’une grave surdité –, que les amis disparaissent, que le monde vous échappe et que l’imagination elle-même semble engourdie : “L’idée de devoir inventer des personnages, leur trouver une histoire, leur choisir une couleur de cheveux… Je ne pense plus avoir l’énergie pour ça”, il a admis La Croix dans la même interview en 2019.

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La vie d’un écrivain

1960-1987. Enseigne la littérature anglaise à l’Université de Birmingham.

1965. Son troisième roman, La chute du British Museumpremier vrai succès.

1975. Commence sa trilogie universitaire avec Changement de décorsuivi deUn tout petit monde et de Jeu de société.

2004. L’auteur ! L’auteur !biographie fictive d’Henry James.

2011. Un homme de tempéramentsur HG Wells.

2012. Votre jeu Pensées secrètes est joué au Théâtre Montparnasse à Paris.

2015. Né au bon moment.

2021.Réussir, plus ou moins.

1er janvier 2025. La mort.

Les œuvres de David Lodge sont traduites en par Payot&Rivages.

 
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