En septembre 2023, Frédérique Gaudet a vu son enfant changer de comportement du jour au lendemain après avoir rejoint le groupe d’une nouvelle éducatrice du CPE de Montréal qu’il fréquentait. Une enquête de la protection de la jeunesse (DPJ) a conclu que l’enfant avait subi des violences physiques. Mais un an plus tard, le ministère de la Famille n’a pas terminé son enquête sur cette affaire.
« Comment pouvons-nous garantir la sécurité de nos enfants ? », demande M.moi Gaudet.
Comme plus de 3 800 parents, Mmoi Gaudet a signé la pétition déposée en novembre à l’Assemblée nationale par l’organisme Ma Place au travail pour exiger l’amélioration de la qualité des milieux de garde au Québec. Notamment en révisant le processus de plainte, qu’elle juge « inefficace ».
Son fils n’a jamais connu de difficultés majeures à la garderie. Ses évaluations dans le groupe des 2-3 ans parlaient d’un enfant « très agréable » qui « s’intéresse à tout ». «Ça embellit et rend mes semaines agréables», écrit même son éducatrice dans un document daté de juin 2022 consulté par La presse.
Mais en septembre 2023, lorsqu’il rejoint le groupe des 4 ans, son comportement change complètement. « Nous pensions que c’était une réaction au changement. Mais c’était de pire en pire. Il avait peur d’aller à la garderie. Il pleurait”, a déclaré M.moi Gaudet.
Une plainte au ministère de la Famille
Le fils de Carine Ricci fréquentait le même groupe que le fils de Mmoi Gaudet au moment des événements. Elle aussi a vu le comportement de son fils changer du jour au lendemain. « Il ne voulait plus aller à la garderie. Il n’avait jamais fait ça auparavant”, a-t-elle déclaré.
Les deux garçons ont exprimé les mêmes craintes à leurs mères (qui ne se connaissaient pas à l’époque) : ils avaient peur de faire une sieste.
[Mon fils] me disait tous les jours : « Viens me chercher avant la sieste ». Il m’en a même parlé le week-end.
Carine Ricci
En novembre 2023, l’état psychologique du fils de Mmoi Gaudet dégénère. Il commence à avoir des convulsions importantes. Le laisser à la garderie devient impossible. Le garçon dit qu’il a peur de son professeur. Qu’elle lui « crie dessus », qu’elle l’a déjà attrapé très fort et qu’elle lui fait peur, dit sa mère.
Mmoi Gaudet porte plainte au ministère de la Famille et prévient le CPE, qui suspend l’éducatrice le temps de faire la lumière.
Éducateur transféré dans un autre établissement
Début janvier 2024, la direction du CPE a dévoilé aux parents les résultats de son enquête interne, qui a conclu que l’éducatrice “n’a pas agi avec l’intention de nuire” même si elle a utilisé “des méthodes pédagogiques dépassées”, témoigne M.moi Ricci. Le CPE annonce que l’éducateur sera transféré dans une autre de ses installations avec encadrement.
“Je n’ai pas compris pourquoi elle n’avait pas été licenciée”, raconte M.moi Ricci. On nous a également indiqué que cette décision n’était pas étrangère au manque de personnel.» Des propos corroborés par Catherine*, une mère de famille qui avait également alerté la direction au sujet de cette éducatrice.
La pénurie de personnel affecte sérieusement le réseau de la petite enfance alors que 10 000 éducateurs ont quitté leur profession au Québec au cours des trois dernières années, révélait récemment -.
C’est également en janvier 2024 que Mmoi Gaudet reçoit une lettre du ministère de la Famille qui mentionne qu’un inspecteur s’est rendu au CPE en décembre et n’a rien trouvé d’anormal. “C’est sûr!” L’éducateur a été suspendu ! », déplore Mmoi Gaudet.
Peu de temps après, Mmoi Gaudet tente d’intégrer son fils dans une nouvelle garderie. Il réagit vivement. Sa crise est si violente que la DPJ s’implique dans le dossier. Une enquête policière est également ouverte pour faire la lumière sur l’agression qu’aurait subie l’enfant lors de son premier CPE.
Le DPJ conclura finalement que les allégations de « violences physiques par un tiers » sont fondées. Mais comme l’enfant n’est plus directement menacé par l’éducateur, on ferme le dossier. En septembre 2024, l’enquête policière est terminée et aucune accusation n’a été déposée. Il ne reste plus que l’enquête du ministère de la Famille.
Plus de confusion
Mmoi Ricci déplore que plus d’un an plus tard, nous « ne sachions toujours pas exactement ce qui s’est passé ». « Le système est conçu de manière à ce que nous en sachions le moins possible », dit-elle.
Mmoi Gaudet souligne de son côté qu’au départ, lorsqu’elle a rapporté les faits en novembre 2023, cela ne semblait pas avoir été pris au sérieux, ni au CPE ni au ministère de la Famille.
On allait réintégrer l’éducatrice dans un autre établissement… Il a fallu que mon enfant se sente vraiment mal pour que la DPJ et la police soient informées et qu’il se passe réellement quelque chose.
Frédérique Gaudet
Au Ministère de la Famille, on explique par mail que lorsqu’il y a une enquête policière, « le Ministère doit attendre qu’elle soit terminée avant de démarrer son enquête afin de ne pas compromettre les efforts de la police et d’éventuelles poursuites ». Même chose lorsque le DPJ est impliqué.
L’enquête policière ayant été clôturée en septembre 2024, ce n’est qu’à ce moment-là que le ministère a lancé son enquête qui « vise à vérifier s’il y a effectivement eu une pratique ou une attitude inappropriée de la part d’un membre du personnel, ainsi que de la direction du CPE ». à ce sujet.
Le CPE concerné n’a pas souhaité commenter le dossier. Le ministère de la Famille affirme avoir assuré à partir de janvier 2024 que l’éducatrice ciblée n’occupait plus son poste. « Depuis, elle a été licenciée, elle n’a donc plus jamais été en présence des enfants », disent-ils. Un courriel envoyé aux parents l’été dernier indique cependant que l’éducateur « a démissionné pour des raisons personnelles ».
* Prénom fictif pour protéger l’identité, par crainte de représailles
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- 268 929
- Nombre d’enfants ayant fréquenté un service de garde éducatif reconnu en 2023 au Québec. De ce nombre, 203 474 se trouvent dans des établissements et 65 455 en milieu familial.
Source : Rapport du vérificateur général de mai 2024