Johan Bounda, deuxième maître de la marine gabonaise et membre des fusiliers marins, a été torturé à mort par des agents de la Direction générale des contre-interventions et de la sécurité militaire (DGCISM), communément appelée « B2 », le 20 décembre 2024. Mondafrique renoue avec une affaire d’État.
Le samedi 21 décembre 2024, les proches de Johan Bounda, commando maritime de 38 ans, ont été informés par une source militaire que son corps se trouvait à la morgue de l’hôpital d’instructions de l’armée Omar Bongo, sise au PK9, en périphérie de Libreville. Lorsqu’ils ont appris la nouvelle, les proches du Premier Maître Johan Bounda ont été informés dans un premier temps que celui-ci avait été tué par balle lors d’un braquage sur son lieu de service. Cependant, en se rendant à la morgue de l’hôpital militaire, la famille de Johan Bounda a découvert avec choc et crainte que son corps portait les marques d’atroces sévices, notamment des brûlures infligées avec un fer à repasser.
Torturé à mort par les renseignements militaires
Des photos du corps torturé de Johan Bounda circulent sur Internet et choquent l’opinion publique. Très vite, la séquence des événements est reconstituée. Johan Bounda, qui était affecté à la protection du secrétaire général du ministère de la Défense du Gabon, le général Martin Ossima Ndong, a pris son poste de garde le vendredi 20 décembre 2024. Cette garde comprenait une dizaine d’hommes appartenant à différents corps de la Forces armées gabonaises.
Une accusation de vol de bijoux au domicile de General Martin Ossima Ndong conduisit toute la garde, y compris le second maître Johan Bounda, vers le Direction Générale des Contre-Interventions et de la Sécurité Militaire (DGCISM – B2). Cependant, plusieurs témoignages indiquent que les membres de la garde n’avaient pas accès à l’intérieur de la résidence du général, et il n’y avait aucune preuve pour les accuser.
Sur place, des membres du gardien contestent fermement ces accusations, arguant qu’ils n’ont jamais eu accès à la résidence, qui était par ailleurs sous protection électronique, ce qui permettrait facilement de vérifier leurs déclarations. Johan Bounda pointe l’absurdité de la situation aux agents du renseignement militaire, qui décident alors de le maltraiter, puis de le torturer. Lorsqu’il leur fait remarquer que le traitement qu’il subit est contraire aux lois en vigueur au Gabon, tant civiles que militaires, ses bourreaux décident de le « montrer » et de le « briser ». Dans la sinistre logique de la Direction générale des contre-interventions et de la sécurité militaire, « mieux vaut un « aveu » utile obtenu sous la torture qu’un aveu sincère et embarrassant ».
Johan Bounda n’a pas survécu aux sévices infligés par ses bourreaux qui, paniqués, ont décidé de laisser son corps à l’hôpital militaire.
Une affaire d’État
Né à Tchibanga, au sud du Gabon, en 1986, Johan Bounda rejoint la marine nationale gabonaise en 2011 avant de rejoindre les commandos maritimes. Au cours de sa carrière, il avait participé à plusieurs missions, dont deux déploiements en opérations extérieures en Centrafrique, en 2012-2013 puis en 2016, où il était à chaque fois décoré, notamment pour un acte de courage. Sa mort est rapidement devenue une « affaire d’État », même si l’armée a tenté de l’étouffer en la qualifiant d’« incident ».
Cette affaire place le général Martin Ossima Ndong, 58 ans, aviateur formé en France, ancien chef d’état-major des forces armées gabonaises, numéro 3 de la junte gabonaise et secrétaire général du ministère de la Défense du Gabon, dans une position délicate.
Test majeur pour Brice Oligui Nguema
Bien qu’il n’ait pas encore pris de mesures conservatoires en relevant de leurs fonctions le secrétaire général du ministère de la Défense et le chef de la direction générale des contre-interventions, Brice Oligui Nguema, le chef de l’État gabonais s’est rendu auprès de la famille de Johan Bounda, à qui il a promis de faire la lumière sur cette affaire. Il a également déclaré : “C’est audacieux, on ne peut pas torturer quelqu’un pour avoir volé des bijoux.” Rappelons cependant qu’à ce jour, 8 militaires de la Direction générale de la contre-ingérence et de la sécurité militaire ont été placés en détention, une grande première.
Le meurtre tragique de Johan Bounda constitue sans doute la première grande épreuve pour Brice Oligui Nguema, qui devra choisir entre apaiser la troupe à laquelle appartenait le second maître Johan Bounda et protéger un membre influent de la junte militaire. Cette troupe qui l’a porté au pouvoir le 30 août 2023…
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