Au sud de Nancy, une usine va lancer dans quelques mois la production de jeux de société. Le projet est porté par des éditeurs français.
Le pion sur la case de départ, « Partie en France » lance la partie. En Lorraine, un consortium d’entreprises s’apprête à lancer d’ici quelques mois la fabrication de milliers de boîtes de jeux de société dans une nouvelle usine près de Nancy. Une grande majorité des jeux de société vendus en France sont aujourd’hui fabriqués en Allemagne, en Pologne et en Chine : si certaines entreprises produisent des cartes ou des coffrets sur le sol français, “aucune usine n’est capable de produire un jeu de A à Z”, affirme Timothée Leroy, co -président de l’éditeur et distributeur Blue Orange.
Blue Orange s’est associé à l’éditeur et dessinateur occitan Abeilles Éditions – une équipe fondatrice complétée par le groupe de presse régional Ebra, filiale du Crédit Mutuel Alliance Fédérale – pour mettre sur les rails le projet d’usine, comme l’avait précédemment rapporté L’Est républicain et France Bleu Sud Lorraine.
Après deux années de développement, ce projet s’est concrétisé avec la création de la société Game en France en juillet 2024. “Nous souhaitons démarrer la production en septembre ou octobre 2025”, espère Timothée Leroy, précisant que le montant total de l’investissement représente 5,5 millions d’euros, rien que pour le démarrage de l’usine.
« Plusieurs millions de cartons »
La levée de fonds devrait permettre de récolter 1,5 million d’euros, dont les deux tiers sont déjà sécurisés pour le moment. « Nous sommes en bonne voie pour finaliser la levée de fonds en mars 2025, et nous pourrons acheter les machines à ce moment-là », souligne-t-il. Un bâtiment industriel a été loué sur la commune de Houdemont, au sud de Nancy, où une douzaine d’emplois équivalents temps plein seront créés. Pour ses premiers pas prudents, l’usine s’est fixé comme objectif d’atteindre une production annuelle de quelques centaines de milliers de cartons.
A terme, « nous espérons atteindre rapidement plusieurs millions de cartons », précise Timothée Leroy.
Les Français sont friands de jeux de société. Les ventes ne cessent de grimper d’une année sur l’autre, et la crise sanitaire a encore attisé l’engouement des Français. Porté par des centaines de nouveautés présentées chaque année, le secteur a enregistré un chiffre d’affaires de 550 millions d’euros en France en 2023, en hausse de 7% par rapport à 2019, selon les données du panel NPD Epos pour le Festival international des jeux de Cannes. Avec 27 millions de boîtes vendues en 2023, la France est le deuxième marché européen des jeux de société, derrière l’Allemagne.
Stratégie de normalisation
Dans un pays qui compte plusieurs poids lourds mondiaux, dont le géant Asmodée, et des dizaines d’éditeurs indépendants, la promesse du « made in France » séduit. “Plusieurs éditeurs français sont intéressés” à confier leurs jeux à la future usine lorraine, confirme Timothée Leroy. « Dans un deuxième temps, nous chercherons d’autres éditeurs européens », ajoute-t-il. Le site de Houdemont sera dédié à la fabrication de boîtes, cartes et pièces en carton, et sous-traitera la fabrication minoritaire de pièces fabriquées à partir d’autres matériaux, comme le bois ou le plastique.
Mais s’ils veulent convaincre définitivement les éditeurs, « il va falloir se débrouiller pour ne pas être trop cher », note-t-il. Pour y parvenir, l’usine s’appuie sur une stratégie de standardisation, une ligne déjà suivie par d’autres promoteurs du « made in France » pour maîtriser les coûts de production, notamment dans l’industrie textile. Les formats de boîtes standards, les plus utilisés pour les jeux de société, seront proposés aux éditeurs. “Cela nous permettra de passer à de gros volumes”, assure-t-il, et ainsi “de proposer des prix attractifs pour des produits fabriqués en France”.
Jérémy Bruno Journaliste BFMTV