Le bitcoin est-il une monnaie ?

Le bitcoin est-il une monnaie ?
Le bitcoin est-il une monnaie ?

” JELa question n’est pas de savoir si le bitcoin vaudra un jour un million de dollars, la seule question est de savoir quand cela arrivera. Je n’ai aucun doute sur le sujet. » Celui qui parle d’une manière si résolue n’est pas le premier venu. Éric Larchevêque, 51 ans, est le plus gros investisseur français dans le secteur des cryptomonnaies.

Un million de dollars ? Larchevêque n’est pas le seul à y croire, même si les bitcoiners n’excluent pas de nouvelles baisses des prix suivies de hausses dans le futur. Leurs certitudes contrastent avec celles des banquiers et des économistes du monde traditionnel qui prédisent au bitcoin le même sort qu’aux bulbes de tulipes après le krach de 1637 aux Pays-Bas.

La confiance des bitcoiners tient en grande partie à une caractéristique bien spécifique du bitcoin : le nombre de bitcoins à créer est plafonné à 21 millions d’unités, un niveau qui sera pratiquement atteint en 2040, même si sur cent ans supplémentaires quelques satoshis ( un satoshi) sera émis équivaut à 0,00000001 bitcoin). Aujourd’hui, on estime que plus de 19 millions de bitcoins ont été créés. Face à une offre limitée, la demande pourrait ne connaître aucune limite.

Si vous voulez des bitcoins, vous n’avez plus besoin d’en exploiter. Tout le monde peut l’obtenir en contactant l’une des nombreuses plateformes d’échange (Binance, Coinbase, Kraken… ou Paymium en ). A défaut, vous pouvez acheter des titres indiciels comme des ETF. De là à faire du bitcoin une monnaie remplaçant le dollar, l’euro ou le yen…

Les vertus des monnaies « élastiques »

La Banque de France est catégorique. Pour elle, « le bitcoin n’est pas une monnaie, c’est un actif », dont elle souligne le caractère éminemment volatil. Le Bitcoin, qui n’a pas cours légal (sauf au Salvador, sans que cela rencontre un grand succès), est en effet incapable de remplir les fonctions traditionnelles attribuées à une monnaie : servir d’unité de compte, d’outil de transaction et de réserve de valeur. . On attendra un peu avant d’acheter notre baguette avec du bitcoin ; même au Salvador, cela arrive rarement.

En fait, il existe de nombreux obstacles à l’utilisation courante du bitcoin. Ainsi, réaliser des opérations de prêt en cryptos (les experts parlent de « DeFI ») nécessite une certaine expertise ou une confiance aveugle dans la personne à qui elles sont confiées. Aujourd’hui, ces opérations (126 milliards de dollars) restent marginales. Par ailleurs, qui surveillera les intermédiaires financiers décentralisés ? Techniquement, c’est presque impossible. Un autre inconvénient est que le réseau Bitcoin est lent, il ne traite pas suffisamment de transactions par seconde (sa « scalabilité » est faible). En outre, le minage de bitcoins, qui s’effectue en piscine ou dans d’immenses hangars (« fermes »), où s’alignent des séries impressionnantes d’ordinateurs dédiés, Asics fournis presque exclusivement par la Chine, exigeant de plus en plus d’énergie, même si l’on peut jouer, la nuit, aux énergies renouvelables.

Reste enfin un obstacle de taille : la barre des 21 millions. “Cela signifie une offre de monnaie rigide”, explique Odile Lakomski-Laguerre, professeur à l’université de Picardie-Jules-Verne. Cela conduit à une économie en déclin. » En effet, comment une entreprise qui a une idée peut-elle la réaliser si elle ne trouve pas de crédit ? « Je fais référence à Schumpeter, pour qui le crédit a été inventé précisément pour financer les innovations. » Au-delà du financement au quotidien, que se passerait-il dans un monde bitconisé en cas de crise majeure, comme celle des subprimes en 2008 et, plus récemment, celle du Covid ? Avec le bitcoin, monnaie purement privée, il n’existe pas de banque centrale pour faire office de prêteur en dernier ressort.

Les monnaies « élastiques » que critiquent les bitcoiners ont quand même des avantages. « L’argent est une « construction sociale », cela a toujours été le cas. » Bien entendu, si les garde-fous ne sont pas suffisants, nous n’empêcherons pas les crises. Par ailleurs, souligne Odile Lakomski-Laguerre, « depuis la crise de 2008, rien n’est résolu ». « C’est pourquoi, par ailleurs, j’ai trouvé parfaitement légitime l’apparition du bitcoin comme outil de protestation contre les dysfonctionnements de la finance mondiale. »

Bitcoin, l’or numérique

Néanmoins, monnaie ou non, le bitcoin fait désormais partie du paysage financier. Son protocole s’est avéré particulièrement robuste. Si, dans le monde de la crypto, il y a eu des faillites retentissantes, le logiciel bitcoin n’a jamais fait défaut. Les faillites sont l’œuvre de personnes malhonnêtes qui ont trompé leurs clients. Comme Ruja Ignatova, une Bulgare qui, après avoir créé Coinone, est repartie avec 4 milliards de dollars, et plus récemment le Turc Faruk Fatih, avec 2 milliards. Ou même parce que le protocole crypto était défectueux, comme Terra/Luna. Ce n’est précisément pas le cas du Bitcoin. Mais, même s’il est solide, une question demeure : et si les politiques décidaient de le couler comme ce fut le cas pour le Libra, la monnaie de Facebook ?

Impossible, apparemment, pour une raison simple : l’anonymat dans lequel s’est enveloppé Satoshi Nakamoto est en fait une protection. “Vous pouvez exercer une pression énorme sur le système Bitcoin”, explique Claire Balva de Deblock. Mais au final, qui vas-tu appeler ? » « La force du bitcoin, souligne Alexandre Stachchenko, de Paymium, c’est qu’on ne connaît pas son créateur. » Vladimir Poutine lui-même, lors d’un forum économique à Moscou, l’a reconnu : « Qui peut arrêter le Bitcoin ? Personne. » Bien sûr, on voit bien ce qu’il a en tête : comme tous les Brics et les pays du Grand Sud, il cherche à affaiblir le dollar. Apparemment, Donald Trump s’en fiche.

Concrètement, aujourd’hui, le bitcoin est surtout recherché dans certains pays, ceux dont la monnaie est rongée par l’inflation (Liban, Argentine, Venezuela, Turquie…), ceux qui sont sous-bancarisés (Nigeria, Vietnam…), en guerre ( Ukraine) ou soumis à de sévères dictatures (Afghanistan). Avec le bitcoin, en un clic, vous transférez de l’argent à qui vous voulez dans votre pays et à l’étranger sans vous soucier du contrôle des changes. Un clic bien plus simple et plus rapide qu’un virement bancaire traditionnel.

Voilà donc tout pour les pays connaissant des déséquilibres, mais les cryptos sont également adoptées dans le monde développé : 15,5% de la population possède des cryptos aux Etats-Unis, 18% au Royaume-Uni ou en France, sans oublier les Emirats ou Singapour – plus de 25 %. % (étude Gemini de septembre 2024). Pour quelles raisons, alors ? « Il y a des gens qui achètent du bitcoin parce qu’en fait ils ont peur de l’avenir dans un monde où les États inspirent de moins en moins confiance », explique Claire Balva. En France, nous sommes bien placés pour comprendre cela… » Éric Larchevêque, créateur de Ledger et Coinhouse, est plus direct : « Le Bitcoin est le vecteur de conservation de valeur le plus efficace pour le futur. C’est le seul atout qui survivra à long terme. » Personnellement, il investit tout son excédent de trésorerie dans des bitcoins. « Derrière le bitcoin, ajoute Claire Balva, il y a un projet un peu politique. C’est une solution de secours, une solution de secours. C’est le seul bien que nous possédons et qui ne peut nous être arraché si tout autour de nous s’effondre. En fait, derrière l’achat de bitcoins se cache la même motivation psychologique que lors de l’achat d’or. »

Jerome Powell, le président de la Réserve fédérale américaine, n’a pas dit autre chose dans une récente interview lorsqu’il a parlé de « l’or numérique » en faisant référence au bitcoin. Bien sûr, l’or en lingots ou en bijoux est quelque chose de tangible, tandis que le bitcoin est purement virtuel. Mais, pour l’instant, le bitcoin, à condition de ne pas perdre ses codes, est plus pratique à utiliser car divisible à l’infini et facile à transférer. « Si l’on regarde vers l’avenir, estime Alexandre Stachchenko, de Paymium, on imagine parfaitement que la capitalisation du bitcoin dépassera un jour celle de l’or. » Aujourd’hui, le marché de l’or vaut quelque 17 000 milliards de dollars (contre 1 800 milliards pour le bitcoin) ; pour que cela se produise, il faudrait un bitcoin d’environ… un million de dollars. Nous voilà donc à nouveau.


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Kangourou du jour

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L’arrivée à la Maison Blanche de Donald Trump laisse libre cours à tous les espoirs. Surtout si le président élu, comme il l’a promis, constitue des réserves stratégiques avec les bitcoins saisis par la justice américaine (quelque 200 000 unités pour le moment). S’il s’en tient à cela, la situation ne sera pas bouleversée hormis une légitimité supplémentaire donnée à la monnaie chère à Satoshi Nakamoto. Mais si le nouveau président écoutait Cynthia Lummis, sénatrice républicaine du Wyoming et militante pro-crypto, le Trésor américain commencerait alors à racheter des bitcoins pour augmenter la réserve. Ce serait un changement de paradigme total. « Une idée folle », a rétorqué Lawrence Summers, l’ancien secrétaire au Trésor de Bill Clinton. Pas sûr, en effet, qu’il soit utile de donner à une monnaie purement privée un rôle éminemment public.

Retrouvez tous les épisodes de notre série « La ruée vers le bitcoin » :

La folle histoire libertaire du Bitcoin
Le bitcoin est-il vraiment une monnaie ?
Qui sont les milliardaires du Bitcoin ?
Le business juteux du Tether, l’autre dollar
Les « Meme coins », ou le Far West des cryptomonnaies

 
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