DDe la rue de la Benauge, on avance dans la rue de Cénac. Au loin, des R+8 et des grues. « Il y a quatre ans, j’avais vue sur le stade Promis et la forêt sauvage », soupire Frédéric Mayer, habitant du dernier magasin de la rue avant son agrandissement. « Pas trop pareil, là… » De l’autre côté de la route, les premiers immeubles neufs du quartier Deschamps sont là, habités. Volumes moyens mais impression de campagne en plein essor. Depuis cinq ans, Euratlantique aménage les 250 hectares entre Benauge et Pont Saint-Jean, constituant une petite ville dans la ville. Où la vie est une mayonnaise qui prend lentement.
Dans la jolie et neuve pierre blanche de la nouvelle « Échoppes Bastide », 38 logements sociaux et gratuits, sillonnés d’allées et de rues à sens unique, on sent une volonté de continuité avec la Bastide historique. Quand on arrive à la rue Henri-Dunant prolongée jusqu’au boulevard Joliot-Curie, on est moins dans la « fine couture ». Les volumes s’épaississent, s’élèvent derrière le gymnase réhabilité promis et la nouvelle aire de jeux. « C’est plus aseptisé, moins fou, mais c’est le sens de l’Histoire, non ? », ironise Lucien, 82 ans dont 45 originaires de la rue Dunant. “Entrez dans le dense !” »
« La ville est verte mais les bâtiments poussent comme des champignons, non ? »
« Impressionnant et joli »
Au bout de la rue Joseph-Fauré, la zone de l’ancien centre d’accueil d’urgence (CAU) de Trégéy est toujours vide, le terrain de basket prévu par Euratlantique ayant fait sourciller les riverains. On retrouve la structure 200 mètres plus loin rue des Bateliers, dans un immeuble neuf et accueillant face au chantier d’un immeuble mixte Symbiose (parking, garderie, bureaux d’ici fin 2025). « Cela fait sept ans que je suis dans la rue, je suis ici depuis deux mois », murmure Francis, qui sort du service Health Care Beds (LHSS) et montre les jambes et les poings gonflés. « Staphylococcus aureus… » 88 places en hébergement d’urgence, 16 en LHSS. « Depuis son ouverture à l’été 2023, le centre fonctionne bien, un lieu de vie où l’on trouve un hébergement temporaire, où l’on travaille à la réinsertion de la personne », rappelle Karen Brillat, directrice du Diaconat de Bordeaux, responsable du lieu.
L’association vient d’ouvrir 41 logements à proximité de sa résidence sociale au-dessus de Montempô. Christine et Jean-Luc viennent de séjourner trois nuits dans un appart-hôtel de l’enseigne à petits prix. « Nous sommes venus voir notre fille qui vit à La Bastide depuis deux ans », explique le couple bayonnais. « Impressionnant et joli, ce quartier. La ville est verte mais les bâtiments poussent comme des champignons, non ? » Taquineurs, les Basques. Dans cet ensemble immobilier doté d’un jardin intérieur ouvert aux quatre vents et comprenant également des logements sociaux Clairsienne et des appartements privés avec propriétaires, parfois occupants, on taquine plutôt en colère.
Litige
«Étanchéité, charpentes, système de sécurité : les défauts sont légion», résume Michel Trento dans son T5 à 455 000 euros (avec place de parking) au 7e étage de cette résidence L’Initial. « Après une convocation cet été de l’ensemble du groupement promoteurs-architectes-constructeurs, le juge a étendu les garanties et désigné un expert judiciaire. » Démarche validée entre autres par les trois copropriétaires entre autres. On retrouve le même type de conflit au sein du complexe voisin de Bordonova, boulevard Joliot-Curie. On trouve même des propriétaires heureux.
« Je viens souvent dans le quartier et l’évolution est très positive »
Franck Callibet par exemple. Agent d’arrêt à la gare Saint-Jean, Bigourdan venant de Bagnères cherchait à investir. A Belcier d’abord près de la tour Hyperion « mais je n’ai pas senti le développement commercial ». Les faits ne lui donnent pas encore tort. En 2017, il débarque dans la maison du projet Belvédère, est séduit par la proximité de la Garonne, le parc Eiffel à venir, le Parc aux Angéliques déjà là, les commerces promis. Il achète sur plan un T2 avec place de parking (220 000 euros pour 47 m2) et vue sur le fleuve et la Méca, au-dessus de la place phare du nouveau quartier du Belvédère.
Café fort
« Je viens souvent dans le quartier et son évolution est très positive », conclut Michel. « Il manque toujours le bus express, un des arguments pour lesquels j’ai acheté. » Trouver un locataire n’a pas été difficile, comme vous pouvez l’imaginer. Payant 860 euros (charges comprises), Franck dispose d’un prêt mensuel de 920 euros. On discute avec lui à Robe des Moines : le salon de thé, café littéraire, boutique Arabica et thés en tout genre a ouvert sur 210 m² le 23 décembre, rue de la Garonne. « On a attendu longtemps les locaux aux finitions chaotiques », souligne Marine Ranson, gérante picarde arrivée à Bordeaux en 2018, experte en brûleurs. «Mais l’emplacement est très bon et nous sommes très heureux d’enfin ouvrir. »
Quelques mètres plus loin, le pionnier des marques Belvédère, On Air. La salle de sport à l’ambiance américaine, toute en rouge et noir, s’étend sur 1 200 m² entre le quai et la place. Plusieurs milliers d’abonnés. « Je travaille mon dos ce matin », sourit Simon, venu presque tous les jours de Saint-Michel et de la rive gauche. « Ce quartier se développe bien et s’anime assez rapidement. » Pas assez pour Nicole, 81 ans qui après un an et demi à la résidence pour personnes âgées Les Jardins d’Arcadie, va quitter le Belvédère. « Il manque encore des commerces variés, même si le nouveau laboratoire d’analyses médicales est très pratique. »
Et un centre de santé
La vingtaine de marques vantées sur les panneaux Euratlantique n’en sont pas encore là. Quatre restaurants, une boulangerie, un primeur, la déchetterie sportive et le supermarché complètent une offre très évolutive. Pourtant, quelque 3 500 habitants y sont déjà. L’ouverture de la brasserie culturelle publique Bien au pied du pont Saint-Jean vers l’été 2025 devrait être un baume au cœur et au portefeuille des collègues. Le comblement espéré des bâtiments tertiaires entre la nouvelle caserne des pompiers et le boulevard Joliot-Curie est également censé accélérer la dynamique.
Nous retournons vers Benauge. A proximité de l’école Marie-de-Gournay, qui dort pour les vacances, les chantiers Launay et Vealis d’un côté, BNP-Paribas de l’autre, annoncent 300 logements supplémentaires. Le jardin des sports Suzanne-Lenglen (football, hockey, tennis, course à pied…), ses clubs, ses usagers les plus sauvages offrent une respiration sur quatre hectares. En bordure, on découvre l’agrandissement d’un centre de santé de 2 000 m², 5 000 m² de surface au sol sur huit niveaux, mêlant ambulatoire et balnéothérapie, sous la houlette du groupe Medicina. Rue de Cénac, Yvette sort de sa boutique : « avec tout ce monde, au moins on n’aura pas froid. » Le bon sens est proche de chez nous.
Série (6/7)
De nouveaux quartiers. Du Belvédère tout juste inauguré à Amédée-Saint-Germain en lutte, en passant par Belcier entre deux âges et Brazza et Niel en construction : entre les deux réveillons, « Sud Ouest » parcourt ces nouveaux lieux de vie bordelais, pour voir comment la vie s’y déroule.