2024, une année marquée par les violences armées sur la Côte-Nord

La montée de la violence armée et les grèves de la police ont retenu l’attention cette année dans la région. «C’est très inhabituel», reconnaît le porte-parole de la Sûreté du Québec (SQ), le sergent Hugues Beaulieu. « C’est du jamais vu en 2023 et 2024 pour les forces de l’ordre. »

Même si les rivalités entre motards et gangs de rue existaient déjà en 2023, elles ont pris racine sur la Côte-Nord cette année. Les chiffres du SQ à la mi-décembre le montrent clairement : 33 événements liés au crime organisé ont été enregistrés par la police et 48 arrestations ont abouti.

De quoi bouffer le palais de justice de Sept-Îles. Une demande d’accès à l’information de - a montré que le nombre de dossiers judiciaires traités a bondi de 42 % en un an. Le nombre d’accusations liées à des crimes contre la personne et à la possession ou à l’usage d’armes illégales a tous connu une augmentation supérieure à la moyenne.

Le palais de justice de Sept-Îles fait face à une vague importante de dossiers à traiter, provoquée notamment par la hausse de la criminalité. (Photo d’archives)

Photo : - / Marc-Antoine Mageau

La hausse de la criminalité sur la Côte-Nord est directement liée à la guerre des redevances qui fait rage dans tout l’Est du Québec.

Il y a des clans indépendants qui ne veulent pas payer d’impôt pour avoir le droit de vendre [des stupéfiants] sur le territoire des motards criminelsexplique le sergent Hugues Beaulieu, qui qualifie la situation actuelle de crime désorganisé.

Retour sur une année bien remplie.

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Une maison mobile à Ferland Park a été visée par des coups de feu le 28 décembre 2023. (Photo d’archives)

Photo : - / Simon Lavictoire

Hiver : les forces de police réagissent

En décembre 2023, avant même le début de la nouvelle année, les premiers coups de feu touchent une résidence du parc Ferland, à Sept-Îles. Un mois plus tard, une autre maison, dans le canton d’Arnaud, a été la cible de tirs.

C’est également à ce moment que SQ et la Sécurité Publique de Uashat mak Mani-utenam (SPUM) mettent en place une brigade mixte et permanente de lutte contre le crime organisé, composée de trois enquêteurs du SQ et deux des SPUM.

Les forces de police deviennent également plus visibles sur le territoire, allant directement à la rencontre de la population pour recueillir des informations et faire avancer les enquêtes.

Fin février, le SQ a mené une opération d’envergure : 20 personnes soupçonnées d’avoir des liens avec des groupes criminels ont été arrêtées dans l’est de la province. Parmi le lot, quatre suspects ont des liens avec la Côte-Nord.

Au lendemain de cette grève, le maire de Sept-Îles, Denis Miousse, a déclaré que les arrestations « aideront la population à avoir confiance ». Les réactions sont partagées au sein de la population : certains craignent que les conflits ne prennent de l’ampleur, d’autres regardent les événements de loin.

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En avril, le maire de Sept-Îles, Denis Miousse, avait demandé à la SQ d’augmenter ses effectifs dans le secteur, avant de convenir qu’il y avait suffisamment de policiers. (Photo d’archives)

Photo: - / Alban Normandin

Printemps : les craintes se propagent à la population

Le mois d’avril a été marqué par une reprise des violences. Une tentative de meurtre a lieu sur la route 138 près de Gallix et des balles perdues atteignent une résidence à Moisie.

Dans ce contexte, la Ville de Sept-Îles demande à la SQ d’augmenter ses effectifs dans la région. Le maire va jusqu’à rencontrer les responsables du commissariat local.

Denis Miousse se dit régulièrement interpellé par des citoyens préoccupés par la montée des violences armées. Les craintes des citoyens de recevoir une balle perdue commencent à se généraliser.

Les policiers de Sept-Îles sont en nombre suffisant pour remplir leur mandatargues Sergeant Hugues Beaulieu.

Avec la montée temporaire de la violence, nous avons dû augmenter nos effectifs en faisant appel à d’autres enquêteurs de la Sûreté du Québec de partout au Québec.

Une citation de Sergent Hugues Beaulieu, porte-parole de la SQ

Nous avons du personnel ailleurscontinue-t-il. On n’a pas besoin d’en avoir en permanence à Sept-Îles ou même à Baie-Comeau. Nous pouvons les avoir [avec nous] temporairement pour réduire le niveau de violence.

Été : violence armée dans les zones résidentielles

Si les violences armées avaient principalement eu lieu en périphérie de Sept-Îles depuis le début de l’année, elles se sont déplacées vers le centre-ville à la fin du mois d’août. Le 30 au soir, des coups de feu ont été tirés dans le quartier résidentiel de Monseigneur-Blanche, ne faisant aucun blessé.

Cette même fin de semaine, des coups de feu retentissent le long de la route 138. Les événements suscitent l’inquiétude, au point que le maire de Sept-Îles exhorte ses citoyens à signaler à la police tout véhicule, personne ou geste suspect.

Un discours que le SQaprès deux incidents survenus à 10 jours d’intervalle à Chute-aux-Outardes, dont un près de l’école primaire.

Hugues Beaulieu is a sergeant with the Sûreté du Québec.

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Le sergent Hugues Beaulieu demande au public de fournir toute information pouvant aider les policiers dans leurs enquêtes. (Photo d’archives)

Photo : -

Le public est le membre le plus important de notre force policière. Ils ont des yeux et des oreilles partout sur le territoirese souvient le sergent Hugues Beaulieu. Ils ne devraient pas hésiter à nous appeler au centre d’information criminelle. C’est confidentiel, leur identité est protégée et ils parleront directement avec un policier.

Fin septembre, l’équipe commune d’enquête du SQ et le SPUM arrête simultanément six personnes à Sept-Îles et à Port-Cartier qui seraient liées à la mafia Blood Family, un gang de rue au cœur du conflit contre les motards dans l’est de la province.

Il y a eu de nombreuses arrestations et il faut bien le dire, il s’agit de membres de gangs de rue, pas de criminels de longue date. Il rate donc souvent son tir.

Une citation de Sergent Hugues Beaulieu, porte-parole de la SQ

Mais ce sont des crimes graves. On parle d’agression armée, de tentative de meurtre, de mutilation. Ce sont des choses très très sérieusesajoute-t-il.

Une maison incendiée

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Un corps a été retrouvé dans une résidence du secteur Moisie de Sept-Îles, ravagée par les flammes le 16 octobre dernier. (Photo d’archives)

Photo : - / Marc-Antoine Mageau

Autumn: Arson in Moisie

Un nouveau coup d’État a eu lieu à la mi-octobre à Moisie, près de Sept-Îles. Un incendie criminel détruit une résidence et un corps est retrouvé dans les décombres.

Dans les heures qui ont suivi et au terme d’une poursuite policière, cinq personnes ont été arrêtées en lien avec cet événement : Lucas Bérubé, Raphaël Bérubé, Malory Fortin, Derek Lemay et Anthony Roy. Deux jours plus tard, une sixième personne, Jonathan Gendron, était appréhendée à Baie-Comeau.

En réponse à cet événement, le Conseil Innu de Uashat mak Mani-utenam et la Ville de Sept-Îles ont organisé une marche pour dénoncer la montée de la violence armée. Près de 300 personnes, dont des élus, des parents et des jeunes, participent à l’événement.

Les gens brandissent leurs pancartes et marchent dans la rue.

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Innus et allochtones ont participé à la marche citoyenne du 18 octobre pour dénoncer la montée de la violence armée sur leur territoire. (Photo d’archives)

Photo: - / Alban Normandin

Cinq des coaccusés font face à des accusations d’incendie criminel ayant causé des dommages matériels. Quant à lui, Jonathan Gendron est accusé d’avoir kidnappé, emprisonné ou saisi de force la victime.

À ce jour, l’autopsie de la victime n’a toujours pas révélé les causes du décès. L’enquête est toujours en cours et le procureur chargé du dossier, Marc Bérubé, n’exclut pas que d’autres accusations pourraient être portées dans ce dossier.

Deux coaccusés ont été libérés dans l’attente de la suite des procédures : Malory Fortin et Raphaël Bérubé. Les quatre autres suspects passent les fêtes de fin d’année derrière les barreaux. Le tribunal devrait reprendre l’affaire à la mi-janvier.

Et pour 2025 ?

Derrière les événements violents qui ont secoué la Côte-Nord cette année, la crise de la drogue inquiète les élus, notamment au sein des communautés autochtones. Les chefs de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador souhaitent également endiguer cette crise.

La directrice du Centre de thérapie Miam Uapukun de Mani-utenam, Gertrude Pinette, constate que les jeunes de 18 à 40 ans, aux prises avec une dépendance au cannabis ou à la cocaïne, sont de plus en plus fréquents dans son établissement.

De son côté, le député de René-Lévesque, Yves Montigny, défend le bilan de son gouvernement, même si la CAQ a bloqué en novembre la tenue de consultations publiques sur la lutte au crime organisé cet automne. Il rappelle que Québec répond aux demandes des corps policiers dès qu’ils en expriment le besoin.

 
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