Le 7 octobre 2023, des combattants palestiniens armés par le Hamas franchissent les limites du territoire israélien. Ils ont attaqué des civils non armés, assassiné horriblement 1 200 personnes et pris 256 otages, aujourd’hui morts ou toujours emprisonnés. Ils ont semé le deuil, la douleur, la rage et créé un immense traumatisme au sein de la population israélienne.
La réponse israélienne fut, tout bien considéré, similaire à celle des Français en 1945 à Sétif qui déclencha historiquement la guerre d’indépendance. A ce jour, les Palestiniens comptent 44 500 morts et 105 500 blessés et leur territoire ressemble à celui de l’Ukraine.
Est-ce à la vengeance d’Israël à laquelle nous assistons ou à l’exécution d’un projet colonial ourdi par l’extrême droite israélienne qui pousserait la population gazaouie à fuir vers la Jordanie ou l’Egypte pour survivre dans des camps comme les victimes de la Nakba ?
L’anthropologue Tassadit Yacine écrit dans une interview avec Monique Selim publiée par Cairn, sous le titre De la guerre contre les Algériens à la guerre contre les Palestiniens« …Gaza n’est pas une question de culture, ni de religion mais d’humanisme, d’injustice envers les populations civiles quelle que soit leur origine (dont certaines sont, comme beaucoup de Gazaouis, contre le Hamas et d’autres, Israéliens, eux-mêmes peut-être contre l’extrême droite sioniste). ) assassiné, pris en otage par soif de vengeance.
C’est une question éminemment politique qui doit être analysée comme telle, avec des arguments politiques, et non perçue comme un fait nouveau surgi de nulle part le 7 octobre 2023… »
Cette analyse, certes nécessaire, révèle un gouvernement d’extrême droite ouvert aux suprémacistes et aux juifs ultra-orthodoxes qui envisagent d’étendre les colonies et refusent la création d’un État palestinien, seule solution réaliste à la paix.
Il révèle également le rôle capital que joue le sionisme chrétien évangélique dans le conflit politico-territorial entre Israël et la Palestine.
Peu connus des Français mais en expansion dans le monde entier, ils sont les meilleurs défenseurs du régime de Netanyahou : selon eux, la Bible ne mentionne pas l’existence d’un peuple palestinien, donc les Palestiniens n’existent pas.
Rappelons que les évangélistes qui ont obtenu de Donald Trump, lors de son premier mandat, qu’il accepte le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem malgré l’opposition du monde arabe et de l’Europe, représentent 30% de l’électorat américain et ont voté plus de 80% pour lui.
La lutte contre l’antisémitisme et toutes les formes de racisme doit être permanente et enseignée dès l’école primaire. l’État d’Israël né de l’incompétence des Européens à combattre l’antisémitisme et la folie nazie qui a détruit 6 millions de Juifs doit être farouchement respecté dans les conditions prévues par les accords d’Oslo signés démocratiquement. Mais ce n’est pas dans la Bible qu’il faut chercher les frontières de la Palestine comme le voudrait l’extrême droite israélienne.
Bien entendu, Israël ne pouvait pas laisser le massacre du 7 octobre rester impuni. L’acte de terrorisme ne peut être pardonné et doit être puni équitablement, mais pour cela, ses sources doivent être reconnues.
Le terrorisme, écrivait Albert Camus, « n’a pas mûri tout seul. Ce n’est pas le fruit du hasard et de l’ingratitude maligne réunies… En Algérie comme ailleurs, le terrorisme s’explique par l’absence d’espoir. Elle naît toujours et partout, en effet, de la solitude, de l’idée qu’il n’y a plus de recours ni d’avenir, que les murs sans fenêtres sont trop épais et que, pour respirer seulement, pour avancer un peu, il faut faites-les exploser.
Malheureusement, Israël n’a ouvert aucune porte ni fenêtre. Nous venons de passer le solstice d’hiver, le jour le plus sombre et le plus triste de l’année et nous approcherons du premier janvier, jour que les Romains consacraient à Janus, un dieu à deux visages, l’un tourné vers l’avenir et l’autre vers le passé.
L’Europe et la France fêteront ce passage avec plaisir, musique et feux d’artifice. Mais qui pensera à Gaza, cette petite bande de terre de 365 km², entourée par la mer, l’Egypte et Israël, où vivent 1,9 million d’habitants. Qui peut imaginer la vie des Gazaouis dans cet espace où 7 bâtiments sur 10 ont été détruits, 68 % des routes endommagées et 62 % du réseau électrique rendu inutile.
Que peuvent faire les habitants de Gaza, dont l’accès à l’eau a chuté de 94 % et qui ne peuvent ni se laver ni boire, pour survivre ? Qui pleurera pour ces trois nouveau-nés vivant dans des abris de fortune et mourant d’hypothermie une de ces nuits de décembre où la température descendait jusqu’à moins dix degrés ?
Quel côté de Janus Israël choisira-t-il ? Celui de la parole et de la paix ou celui de la guerre et du sang ?
Émile Martinez