Le président de la Conférence épiscopale polonaise, actuel archevêque métropolitain de Gdansk, revient sur l’extraordinaire vague de solidarité qui s’est déplacée de la Pologne vers l’Ukraine depuis l’invasion du pays par la Russie en février 2022. Il confie son espoir pour l’année à venir. .
Svitlana Dukhovych – Cité du Vatican
Sur les deux millions de personnes déplacées qui ont traversé la frontière au début de l’invasion russe, on estime aujourd’hui qu’environ un million et demi d’Ukrainiens ont trouvé un nouveau foyer sur le sol polonais, de nombreux emplois, un nouveau départ. Et cette générosité, »nous essayons toujours de la nourrir», assure le président de la Conférence épiscopale polonaise aux médias du Vatican, espérant que les vacances de Noël amèneront enfin la paix.
Quel impact les événements tragiques liés à la guerre en Ukraine ont-ils eu sur la vie de l’Église en Pologne ?
La première chose qu’il faut dire, c’est que Jean-Paul II, comme le pape François, a dit à plusieurs reprises que toute guerre est une défaite pour l’humanité. Je pense que c’est précisément ainsi que nous devrions considérer la guerre qui se poursuit en Ukraine et qui devrait prendre fin. Evidemment, comme toute guerre, elle suscite, d’une part, indignation et colère et, d’autre part, sensibilité et humanité. Et en ce qui concerne l’Église, je dois souligner la sensibilité envers les personnes qui souffrent de ce conflit et qui sont à bout de nerfs après avoir vécu diverses tragédies. La guerre, bien sûr, provoque la mort, la destruction, et c’est pourquoi l’Église en Pologne – mais je crois aussi dans toute l’Europe – a vécu cette période comme un grand drame dans lequel elle a cependant vraiment essayé d’apporter son aide.
Je peux parler en particulier de l’Église en Pologne, qui s’est immédiatement organisée pour apporter différents types de soutien. Et je dois dire que dès le premier instant, tous les fidèles, les diocèses, les paroisses, les prêtres, les religieux, pratiquement tout le monde s’est mobilisé pour collecter des fonds et les mettre à la disposition de ceux qui en avaient besoin. Cette aide est notamment coordonnée sur place par Mgr Edward Kawa [ndlr, il est l’évêque auxiliaire de l’archidiocèse de Lviv des Latins, responsable de l’aide humanitaire qui arrive des organisations liées à l’Église catholique]. Je sais que des centaines de milliers de camions sont repartis avec de la nourriture, divers produits d’hygiène et autres produits de première nécessité. Nous savons que nous sommes dans le troisième hiver de la guerre, c’est aussi pourquoi d’importantes aides financières ont été collectées dans les paroisses et les diocèses pour soutenir la population.
Une autre grande réponse a été l’accueil des réfugiés. Depuis le début de la guerre en Pologne, peut-être plus de deux millions de personnes ont traversé la frontière, accueillies dans des paroisses, des presbytères, des maisons d’exercices spirituels, voire des familles… Partout où l’hospitalité pouvait être donnée, elle l’était. Au fil du temps, de nombreux Ukrainiens ont déménagé vers d’autres pays occidentaux, certains même en Scandinavie. Actuellement, selon les informations dont nous disposons, il y a environ un million et demi de personnes déplacées en Pologne, peut-être moins. Un bon nombre d’entre eux sont des personnes qui se sont installées et ont trouvé un emploi. Ceux qui le souhaitaient pouvaient bénéficier du PESEL, c’est à dire de l’enregistrement par l’État. [ndlr, en polonais «Powszechny Elektroniczny System Ewidencji Ludności», c’est-à-dire «Système électronique universel pour l’enregistrement de la population»]. Les enfants pouvaient aussi aller à l’école.
Selon vous, quelles sont les raisons sous-jacentes à cette réponse généreuse, à l’accueil réservé par le peuple polonais à ses voisins ?
J’ai remarqué plus d’une fois que lorsque quelque chose arrivait, par exemple une catastrophe naturelle, les gens se mobilisaient immédiatement. Il y a eu une guerre ici et la plupart d’entre nous savent ce que cela signifie : de nombreuses personnes ont encore vécu la Seconde Guerre mondiale. C’est donc une des raisons. Ensuite, les images et les nouvelles venant d’Ukraine, les destructions, la haine de l’agresseur, ces tueries terribles : tout cela a incité les gens à se sentir concernés et à vouloir aider. La réponse a été magnifique, je dois le dire, à tous points de vue, et elle est magnifique parce que nous nous sommes sentis frères et sœurs unis par la nécessité d’affronter le même drame.
Près de trois ans après le début de la guerre, quelles sont les principales initiatives prises par votre épiscopat pour venir en aide à ceux qui souffrent ?
Plus d’une fois, nous avons insisté sur la nécessité de fournir de l’aide, en essayant toujours de maintenir l’accent sur la solidarité. Nous avons aussi toujours beaucoup prié dans les paroisses pour dire : «Écoutez, nous devons continuer à aider le peuple ukrainien.» et nous essayons également de sensibiliser à la générosité et de l’alimenter.
Comment se sont développées les relations avec les Églises d’Ukraine au cours de cette période ?
Je pense que les relations sont bonnes. Il y a eu plusieurs visites des deux côtés. L’année dernière, l’ancien président de la conférence épiscopale polonaise s’est rendu en Ukraine pour évaluer la situation. Les relations sont diverses avec pratiquement toutes les Églises, mais surtout avec l’Église catholique romaine et l’Église gréco-catholique. Nous sommes maintenant à Noël, qui est une fête de l’espérance, une fête de la joie, une fête qui nous parle du Dieu qui vient être avec nous, pour nous apporter la paix, la sérénité, la bonté. J’espère que cette période marque réellement le début de quelque chose de nouveau, en particulier le début de la paix dont les Ukrainiens ont tant besoin. Et j’espère du fond du cœur que cette paix viendra, que la guerre prendra fin, que les gens commenceront à reconstruire leurs familles, leur vie normale, et que le Seigneur bénira tout le monde.