De
Stefano Montefiori
La sentence a été prononcée en sa présence, ainsi que devant son épouse et leurs trois enfants. Pelicot était accusé d’avoir drogué sa femme Gisèle pendant près d’une décennie pour la violer et la faire violer par des dizaines d’hommes.
PARIS Dominique Pélicotle principal accusé dans le procès pour viol de Mazana été reconnu coupable par le tribunal d’Avignon. Dans la matinée, les peines prononcées contre lui et ses coaccusés seront précisées (le parquet a requis vingt ans de prison). La sentence a été prononcée en sa présenceet devant sa femme et leurs trois enfants.
Pelicot était accusé d’avoir drogué sa femme Gisèle pendant près d’une décennie pour viole-la et fais-la violer de dizaines d’hommes alors qu’elle était inconsciente. Cinquante autres hommes ont été jugés depuis le 2 septembremais on estime qu’une trentaine d’autres personnes ont participé aux violences et ont réussi à échapper à l’identification et au procès. Dominique Pélicot a également été reconnu coupable d’avoir enregistré des images de sa fille Caroline et de ses deux petites-filles pendant qu’elles dormaient, et nue ou en sous-vêtements. Dominique Pelicot s’est exprimé pour la dernière fois à l’hémicycle lundi : «La privation de ne plus voir sa famille est pire que la privation de liberté. Je veux dire à toute ma famille que je les aime, que tu as le reste de ma vie entre tes mains.
Gisèle Pelicot, la victime, âgée de 72 ans comme son mari, est devenue une héroïne dans ces presque quatre mois de procès pour l’opinion publique française et mondiale pour le courage avec lequel il a affronté les violeurs : il souhaitait que le procès soit public et que les vidéos des violences sexuelles soient réalisées à son détriment – minutieusement enregistrée, conservée et cataloguée par son mari – ont été projetés dans la salle d’audience et étaient visibles de tous, car “Ils devraient avoir honte, pas moi”.
«J’ai vu des gens venir à la barre des témoins qui niaient le viol et d’autres qui l’admettaient.. J’ai beaucoup de problèmes avec la banalité du viol – a déclaré Gisèle Pelicot lors d’une de ses dépositions au tribunal il y a quelques jours -. À quel moment, lorsque vous êtes entré dans cette pièce, avez-vous eu mon consentement ? Comment pourriez-vous ne pas vous arrêter et tout signaler à la police ? Pour moi ce procès est le procès de la lâcheté. Il est - que la société chauvine et patriarcale, qui banalise le viol, change. Il est - de changer notre façon de voir le viol. Mon mari avait de nombreux fantasmes, qui n’étaient pas tous réalisables avec lui. Mais pourquoi en est-on arrivé là ? Je pense qu’il me voulait moi et personne d’autre. Comme je ne voulais pas aller dans un club échangiste, il pensait avoir trouvé la solution en m’endormant.
Malgré les vidéos tournées par Dominique Pelicot, la quasi-totalité des coaccusés l’ont nié lors du procès qu’il avait l’intention de commettre un violaffirmant qu’ils ignoraient que Gisèle Pelicot était sous l’emprise de drogues. Beaucoup d’entre eux ont déclaré qu’ils pensaient participer à un acte sexuel consensuel, un jeu érotique à trois.et qu’ils ont été trompés par Dominique Pelicot. Ces démentis ont été contestés par Pelicot, qui n’a cessé de répéter, depuis son arrestation en 2020, que tous les participants savaient parfaitement que Gisèle Pelicot était inerte, inconsciente, car elle avait été droguée par lui avec de puissantes doses de Tavor cachées dans la cascade.
Les cinquante coaccusés ont été définis comme des « hommes d’à côté »en raison de toutes origines sociales et professionnelles : menuisier, cuisinier, carreleur, chauffeur routier, informaticien, pompier, infirmier, ouvrier, plombier, intérimaire, livreur, vendeur, peintre, gardien de prison, militaire, journaliste, jardinier, restaurateur, électricien , boulanger. Des pères (37 sur 50), mais aussi majoritairement des hommes dont l’enfance n’est pas sans traumatisme, comme le souligne Laurent Layet, l’un des psychiatres qui ont fourni les évaluations aux juges.
Plus d’une quinzaine ont été exposés à la violence parentale et à l’alcoolisme. Dominique Pelicot lui-même a avoué avoir subi des abus sexuels dans son enfance, mais comme lui bien d’autres : Fabien S., confié aux soins de l’Agence d’aide sociale à l’enfance (ASE), par exemple, a été battu puis violé par ses parents adoptifs. Des vies personnelles souvent marquées par la violence et les abus sexuels dans l’enfance.
Le travail de compréhension de l’entreprise française se poursuivra dans les semaines et mois à venir combien Dominique Pélicot et les violeurs de la maison Mazan étaient l’expression de la « banalité du viol » et d’une mentalité patriarcale plus ou moins répandue parmi les hommes, et comment ils étaient le produit d’histoires personnelles elles-mêmes dramatiques. Quoi qu’il en soit, Dominique Pelicot et les autres coaccusés ont démontré un trait commun, à savoir une incapacité exceptionnelle à faire preuve d’empathie, à se mettre à la place de la victime.
19 décembre 2024 (modifié le 19 décembre 2024 | 10:17)
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