Au centre mort subite pour jeunes, les familles peuvent connaître les causes de la mort subite de leur proche et bénéficier de soins préventifs.
Depuis trois semaines, Steve Diguet, 39 ans, vit avec un défibrillateur implanté sous la peau, au niveau de l’aisselle. « Il faut le voir comme un ange gardien, et non comme une contrainte »raconte cet ancien chef d’atelier et formateur en soudage, qui a dû entreprendre une reconversion professionnelle pour porter ce coffret destiné à lui sauver la vie en cas de problème. “Si mon frère avait eu ça, ça l’aurait sauvé…”. Le 2 février 2022, son frère aîné, alors âgé de 42 ans, décède des suites d’un arrêt cardiaque survenu sept jours plus tôt, en pleine nuit. “Je lui avais parlé la veille au téléphone, il était génial”se souvient avec émotion l’habitant de Maulévrier (Maine-et-Loire).
Durant les derniers jours de sa vie, en soins intensifs, « Ils lui ont fait faire beaucoup de tests. Et ils ont réalisé qu’il souffrait du syndrome de Brugada.continue-t-il. Cette pathologie, quasi invisible, provoque des troubles du rythme cardiaque. Si Steve Diguet, père de trois enfants, a pu découvrir de quoi son frère était décédé, il a aussi appris qu’il était lui-même touché, grâce au centre de soins dédié à la mort subite des jeunes, installé dans les locaux de l’établissement. institut du thorax du CHU de Nantes.
50 000 morts subites par an
En 2012, lors de son ouverture, le centre était le premier du genre en France. Huit ans plus tôt, le centre de référence des maladies rythmiques héréditaires avait commencé à s’intéresser aux patients atteints de maladies d’origine génétique ou héréditaire pouvant entraîner une mort subite, ainsi qu’à leurs familles. Mais rien n’a été fait pour une personne décédée subitement, sans suite. C’est donc cette lacune que le Professeur Vincent Probst, qui en est le co-fondateur avec Hervé Le Marec, est venu combler. « Dans plus de 50 % des cas, la mise en œuvre immédiate d’une étude familiale permet d’identifier la cause du décès, de l’expliquer aux proches et de prévenir la survenue de mort subite chez d’autres membres. risque familial »» mentionne le CHU de Nantes, sur son site internet.
« La mort subite est une mort qui survient dans l’heure qui suit l’apparition des symptômes »se souvient Vincent Probst, depuis une salle destinée à réunir les familles lors des évaluations cliniques. Environ 50 000 personnes meurent subitement chaque année en France, ce qui en fait la première cause de décès encore largement méconnue. Une rupture d’anévrisme est largement citée pour expliquer une mort subite, mais ce n’est souvent pas le cas. Si une bonne partie s’explique par des crises cardiaques favorisées par des facteurs externes, environ 2000 à 5000 décès de sujets de moins de 45 ans sont liés à des maladies rythmiques héréditaires. D’où un dépistage à réaliser dans l’entourage immédiat pour éviter d’autres morts tragiques. « L’objectif de la démarche est de réaliser un dépistage clinique chez les apparentés au premier degré. »
Accompagner le risque de culpabilité
Outre le partenariat avec les services de réanimation, les professionnels du centre travaillent avec le Samu qui, en cas de décès, collecte le sang et le stocke. Trois semaines plus tard, le centre appelle les familles « de proposer que l’on réalise des analyses génétiques sur le sujet décédé et que l’on puisse mettre en place un dépistage familial »explique le professeur Vincent Probst. Les spécialistes travaillent également avec les procureurs et les médecins légistes pour prélever des échantillons post-mortem lors des autopsies.
Au terme de ces analyses, “soit on trouve quelque chose et on pourra donner une explication” du décès, ce qui permet de mettre en place des mesures de prévention pour les membres de la famille. « Soit on ne trouve rien. Dans ce cas, nous ne pourrons pas donner d’explication mais nous pourrons rassurer en disant que nous avons fait un bilan complet, qu’il n’y a rien, que nous sommes en paix”. Donc, “c’est bénéfique dans les deux cas”.
Parfois, les gens se présentent au centre après avoir fait des recherches sur Internet. Valérie Cotard, infirmière depuis 11 ans dans cette structure, reçoit des appels de Montpellier, Toulouse ou Dijon. Même si d’autres réseaux similaires existent ailleurs, notamment à Lyon et à Paris, celui de Nantes reste le plus important et le plus structuré. Mercredi, des patients ayant perdu leur enfant en 2001 ont été vus. “Ce n’est pas parce qu’on n’a pas d’échantillon qu’on ne peut rien faire”indique l’infirmière de recherche clinique. En plus d’identifier la cause du décès, « les familles sont très heureuses de savoir que nous pouvons faire quelque chose »observe l’infirmière clinicienne. “L’intérêt est de pouvoir mettre en place des mesures préventives”.
Le défibrillateur n’est pas la seule solution : des traitements médicamenteux peuvent être prescrits. Par exemple, pour le syndrome du QT long, si aucun diagnostic n’a été posé, environ 20 % des patients atteints de la maladie décèdent. Avec un traitement, il n’y a plus de décès. Le soutien aux familles est pris très au sérieux pour contrer le « risque potentiel de culpabilité ». En effet, lorsqu’un parent découvre qu’il a transmis la maladie, le choc peut être brutal. « Il y a un travail d’accompagnement psychologique pour les familles. C’est très important de pouvoir les aider.»conclut le professeur Vincent Probst.