Manifestation contre le président sud-coréen Yoon Suk Yeol le 7 décembre 2024 devant le Parlement à Séoul (AFP / ANTHONY WALLACE)
Le président sud-coréen Yoon Suk Yeol a échappé samedi à la destitution, sauvé par les députés de son parti qui ont boycotté un vote en ce sens au Parlement, quatre jours après l’échec de sa tentative d’imposer la loi martiale et malgré la pression de dizaines de milliers de manifestants.
Dans une ambiance surchauffée, au milieu des huées et des cris, la quasi-totalité des députés du Parti du pouvoir populaire (PPP) de M. Yoon ont quitté l’hémicycle au moment du vote.
Il a fallu au moins 200 voix sur 300 pour destituer l’impopulaire président conservateur, au pouvoir depuis 2022, mais seuls 195 députés ont finalement participé au vote.
“En conséquence, je déclare que le vote sur cette question est invalide”, a déclaré le président de l’Assemblée nationale, Woo Won-shik.
« L’échec du vote sur cette question signifie l’échec du processus démocratique sur une question nationale cruciale. Au nom de l’Assemblée nationale, je présente mes excuses au peuple », a ajouté Woo.
Pour l’emporter, l’opposition, qui compte 192 députés, a dû rallier à sa cause au moins huit élus du parti présidentiel.
– « Protéger la République » –
Mais seuls trois députés du PPP ont voté, malgré l’insistance de M. Woo qui a laissé le scrutin ouvert jusque tard dans la soirée, suppliant les députés du parti présidentiel de revenir voter pour « protéger la République de Corée et sa démocratie ».
Près de 150 000 manifestants anti-Yoon, selon la police citée par l’agence de presse Yonhap, ont encerclé le bâtiment de l’Assemblée nationale samedi soir, bravant le froid glacial. Les organisateurs revendiquaient un million de participants.
Des milliers de partisans de Yoon ont manifesté dans le centre de la capitale Séoul.
Des manifestants devant le Parlement à Séoul exigent la démission du président sud-coréen Yoon Suk Yeol (AFP / JUNG Yeon-je)
Yoon Suk Yeol a stupéfié mardi soir la Corée du Sud en annonçant l’imposition de la loi martiale — une mesure sans précédent depuis 1980, après le coup d’État du dictateur Chun Doo-hwan — et en envoyant l’armée au Parlement afin de le museler.
Dans des conditions incroyables, 190 députés ont quand même réussi à tenir une séance d’urgence dans la nuit, tandis que leurs assistants bloquaient les portes de l’hémicycle avec des meubles pour empêcher les soldats armés d’entrer.
A l’unanimité, ces députés ont voté contre la loi martiale, obligeant le chef de l’Etat à l’abroger au bout de six heures à peine.
Des dizaines de milliers de manifestants opposés au président sud-coréen Yoon Suk Yeol entourent le Parlement de Séoul, le 7 décembre 2024, où les députés votent pour ou contre la destitution du chef de l’Etat (AFP / JUNG Yeon-je)
Dans un discours télévisé à la nation d’à peine deux minutes samedi matin, M. Yoon, 63 ans, a annoncé qu’il confierait à son parti le soin de prendre “des mesures visant à stabiliser la situation politique, y compris en ce qui concerne (son) mandat”.
“Je ne reculerai pas devant mes responsabilités juridiques et politiques concernant la déclaration de la loi martiale”, a-t-il ajouté.
Il a expliqué son coup d’État par son « désespoir de président », alors que le Parlement largement dominé par l’opposition a torpillé pratiquement toutes ses initiatives.
« J’ai causé de l’anxiété et des désagréments au public. Je m’excuse sincèrement”, a-t-il conclu avant de s’incliner profondément devant les téléspectateurs.
– Animosité générale –
Son discours très bref n’a en rien calmé l’animosité générale.
Le chef du PPP, Han Dong-hoon, a affirmé qu’« une démission précoce du président est inévitable », l’exercice normal de ses fonctions étant selon lui « impossible dans ces circonstances ».
Des députés sud-coréens examinent la motion visant à destituer le président, le 7 décembre 2024 à Séoul (POOL / JEON HEON-KYUN)
Mais à l’issue d’une réunion dans la nuit de vendredi à samedi, une majorité de députés du parti ont réaffirmé la ligne officielle selon laquelle ils feraient échec à la destitution, alors que M. Han avait réclamé la « suspension rapide » de M. Yoon.
“Il semble que le parti au pouvoir ait décidé de s’opposer à la destitution lors du vote à condition que le président lui cède le contrôle”, a déclaré à l’AFP Chae Jin-won, chercheur au Humanitas College de l’université.
“Le principal problème est que, tout en reconnaissant que le président a commis des actes répréhensibles et qu’il est un criminel, ils ne veulent tout simplement pas donner le pouvoir à Lee Jae-myung”, a ajouté M. Chaé.
Des partisans du président sud-coréen Yoon Suk Yeol manifestent dans le centre de Séoul, le 7 décembre 2024 (AFP / Philip FONG)
Devant l’Assemblée, des dizaines de milliers de manifestants anti-Yoon ont suivi le vote avec anxiété sur des écrans géants, brandissant des pancartes exigeant la destitution du président et entonnant des chants pro-démocratie.
“C’est terrible d’en arriver là aujourd’hui”, s’est exclamé An Jun-cheol, 24 ans. “Ce que les députés du parti au pouvoir ont fait aujourd’hui, en se retirant du vote, n’est rien d’autre qu’une tentative d’établir leur pouvoir et leurs privilèges, sans se soucier du peuple. .»
Un rassemblement pro-Yoon a également eu lieu sur la place centrale de Gwanghwamun. Les manifestants brandissaient des pancartes indiquant « Arrêtez Lee Jae-myung », d’autres brandissaient des drapeaux américains.
Outre la procédure de mise en accusation désormais invalidée, Yoon Suk Yeol fait l’objet d’une enquête policière pour « rébellion », un crime théoriquement passible de la peine de mort, qui n’est plus appliquée dans le pays depuis 1997.